Safranière de Provence veut s’inscrire dans la relocalisation de la culture de safran

A Saint-Cannat, Caroline Ricard et Guillaume Catoni redonnent vie à une friche agricole en y cultivant depuis cet été du safran. Ils s’inscrivent ainsi dans un mouvement de relocalisation de cette épice – la plus chère du monde – qui est encore produite à 95% en Iran. La première récole est en cours. La commercialisation devrait suivre dans les prochains mois.
(Crédits : DR)

Il fut un temps où l'on y cultivait des oignons, des pommes de terre, des melons ou encore de la vigne. Puis avec le temps, cette parcelle de 2 hectares à Saint-Cannat a cessé de produire. Elle est devenue une friche gardée entre les mains d'une famille. Jusqu'à reprendre vie l'été dernier.

Caroline Ricard avait depuis quelques temps l'idée de reprendre les terres de son grand-père. De les cultiver selon des principes respectueux de l'environnement. Restait à savoir quoi cultiver. Les confinements successifs donnent à Caroline Ricard et à son compagnon Guillaume Catoni le temps d'y réfléchir jusqu'en mai 2021. Leur choix est fait. Ce sera le safran.

Relativement fréquente il y a encore un siècle, la culture de safran s'est raréfiée avec le temps. Bien que le crocus sativus - la fleur dont le pistil constitue le safran- soit peu gourmande d'eau et s'adapte à des terres argilo-calcaires partout dans le monde, il fait l'objet d'une maladie, le rhizome, qui nuit à sa rentabilité et qu'on sait encore mal prévenir. Par ailleurs, la culture de safran se fait à la main et n'est pas du tout mécanisée. Avec le temps, elle devient alors l'apanage de pays où la main d'œuvre ne coûte presque rien, comme l'Iran où est réalisée 95 % de la production mondiale.

« Mais depuis une quinzaine d'années, la culture revient en France », observe Guillame Catoni. Et c'est dans ce courant que les deux exploitants décident de s'inscrire, convaincus du potentiel offert par cette épice.

L'épice la plus chère au monde

« C'est un produit qui a de la valeur ». Et pas des moindres, puisqu'il s'agit de l'épice la plus chère au monde. « On peut espérer un retour sur investissement en 2 ou 3 ans ». D'autre part, les concurrents locaux sont encore rares. Il y a donc de la place. D'autant que la demande augmente. « Dans les tendances Google, il y a depuis quelques années une forte accélération des recherches concernant le safran », a découvert Guillaume Catoni qui travaille par ailleurs dans le secteur du numérique. Et comme tout produit alimentaire, on privilégie de plus en plus sa version locale.

Pour leur premier test, les deux néo-agriculteurs choisissent de n'exploiter que 3 000 mètres carrés de la parcelle et d'y planter 14 000 bulbes bio, obtenus auprès d'une quarantaine de producteurs locaux. « La première année, un bulbe donne 0 à 3 fleurs. Puis ils se multiplient ». Si bien que pour un bulbe planté, on arrive à 9 fleurs la deuxième année et une trentaine au bout de 3 ans. A noter que pour obtenir 1 gramme de la précieuse épice, il faut en moyenne 200 fleurs.

Pour se prémunir des maladies, Guillaume Catoni et Caroline Ricard se sont formés, bien que l'information sur le sujet soit assez succincte. « On sait qu'il faudra faire des rotations de culture. Et nous avons installé des planches de culture pour drainer l'eau et éviter le rhizome ». Contre les taupes et autres campagnols : des perchoirs à rapaces et une présence humaine régulière.

Un travail méticuleux

Le 22 octobre, la première fleur de crocus éclot. Depuis, la récole est en cours, s'étalant sur cinq semaines. S'ensuit un travail méticuleux auquel contribuent les proches des deux entrepreneurs. « Il faut ramasser les nouvelles fleurs chaque matin. Car elles apparaissent dans la nuit et n'ont une durée de vie que de 24 à 48 heures. Ensuite, il faut les émonder, c'est-à-dire qu'on enlève le pistil. Puis ce pistil est séché dans un déshydrateur alimentaire ».

Reste à se doter de patience car le safran a besoin d'un à deux mois pour révéler pleinement ses propriétés gustatives et olfactives, ainsi que sa belle couleur rouge. De quoi laisser le temps à Safranière de Provence d'affiner son modèle économique.

Du safran à l'état brut et transformé, pour particuliers et restaurateurs

Pour l'heure, plusieurs modes de commercialisation sont prévus. Le safran pourra être proposé à l'état brut, pour des consommateurs avertis ou curieux, mais aussi pour la restauration. « Les chefs sont friands de produits bio et locaux de qualité. Or le safran est l'épice la plus falsifiée au monde à cause de son prix. On y ajoute des plantes, du curcuma voire parfois de la terre pour gonfler son poids ». Pour montrer patte blanche, l'entreprise fait analyser son safran en laboratoire et atteste de sa qualité selon la norme iso dédiée.

En parallèle, Safranière de Provence prévoit de vendre des produits cuisinés safranés tels que des sirops, confitures et autres biscuits artisanaux fabriqués en famille.

Le site internet est d'ores et déjà prêt. « Il faudra six mois pour qu'il soit bien référencé ». La marque compte également être active sur les réseaux sociaux où elle a déjà reçu plusieurs messages de curieux et potentiels clients.

Une activité difficile à mener à grande échelle

Quelles perspectives à long terme ? « C'est une activité difficile à mener à grande échelle. Tout est manuel. Les producteurs de safran travaillent très souvent en famille. La plus grande culture de la Région n'a qu'un salarié à temps plein, ils sont quatre ou cinq en période de récolte ».

Pour vivre pleinement de cette activité, les deux entrepreneurs songent donc à une diversification de leurs sources de revenus. « On pourrait proposer des visites ou des stages pratiques pour de futurs safraniers. Pour eux, ce serait l'occasion de disposer d'informations sur le sujet. Pour nous, ce serait une aide supplémentaire pour la culture et la récolte ». Ce type d'action pourrait contribuer à démocratiser la production locale de l'épice.

La parcelle pourrait aussi être agrémentée d'arbres à fruits, d'arbres à coques et de plantes aromatiques qui entreraient dans la composition des recettes safranées. Retrouvant ainsi sa pleine vie d'antan.

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