Ce que le tourisme de savoir-faire apporte au territoire

Épisode 3 - Les pouvoirs publics s’intéressent de plus en plus aux visites d’entreprises. Et pour cause, celles-ci constituent une filière touristique nouvelle et complémentaire, disponible toute l’année et sur tous les territoires. Un tourisme durable, qui oblige les sociétés à constamment améliorer leurs pratiques et qui permet de préserver des savoir-faire.
(Crédits : DR)

Les plages bondées ne sont plus la panacée. « Les gens recherchent un tourisme plus intelligent », observe Laurent Tourenq, chargé du tourisme pour l'entreprise Aroma'Plantes qui cultive, distille et transforme des plantes aromatiques. Un tourisme qui leur permette de s'immerger plus profondément dans le territoire qu'ils visitent, de se ressourcer et d'apprendre.

Alors il faut leur proposer autre chose, d'autant que l'on sait combien le tourisme de masse peut être source de désagréments pour les locaux et pour l'environnement. En témoigne par exemple la campagne de dé-marketing conduite par le Parc des Calanques pour restreinte l'affluence en pleine saison.

Pour les pouvoirs publics, l'enjeu est donc de mieux répartir les flux de visiteurs, que ce soit dans le temps et dans l'espace. Et sur ce point, le tourisme industriel a une carte à jouer.

Des flux de touristes mieux répartis dans le temps et dans l'espace

Il permet en effet de proposer des visites étalées tout au long de l'année puisque l'activité de production des usines et ateliers n'est, dans la majorité des cas, pas saisonnière. Qui plus est, comme le souligne Cécile Pierre, déléguée générale d'Entreprise et découverte, « les usines ne se trouvent généralement pas là où sont les musées. Elles suscitent donc d'autres flux partout en France ».

Aroma'Plantes, à Sault, peut en témoigner : « On reçoit 35 000 visites par an alors qu'on est loin des grands pôles émetteurs. Et on draine des flux de personnes venues de très loin. C'est un levier pour l'embauche locale. Cela génère des emplois à l'année. Pour les communes rurales, ce sont des familles qui s'installent, qui consomment, qui mettent des enfants à l'école. Et ce tourisme profite aux commerçants, à l'hôtellerie à la restauration ».

Découvrir autrement un territoire

« C'est une filière touristique très complémentaire », assure Cécile Pierre. Une filière capable de faire découvrir autrement un territoire. De montrer, par exemple, que la région Provence-Alpes-Côte ne se limite pas à ses plages et à son soleil, mais qu'elle est aussi riche de savoir-faire.

« La Verrerie de Biot se pose depuis le début comme une ambassadrice de la Côte d'Azur », assume Anne Lechaczynski, sa propriétaire. « A travers nos créations, on met en avant cet esprit sud, ce côté jovial de la table ». Un esprit qui se vit aussi dans le domaine de la verrerie où les visiteurs sont appelés à flâner sous les platanes.

Et si cette façon de découvrir le territoire plaît aux Français qui, pendant l'épidémie, ont dû apprendre à redécouvrir leur pays, il ne laisse pas non plus indifférents les touristes étrangers, d'autant que ce tourisme, dans sa structuration et dans la densité de son offre, est une spécificité française. « Dans les autres pays, il est bien sûr possible de visiter des entreprises. Mais celles-ci ne se répartissent pas autant sur l'ensemble du territoire et ne concernent pas une si grande variété de domaines d'activité », analyse Cécile Pierre.

Une sujet qui intéresse de plus en plus les collectivités locales et l'État

Conscientes du potentiel du tourisme industriel sur l'attractivité du territoire et la vie de ses entreprises, de plus en plus de collectivités et d'Offices mettent en avant les visites d'entreprises. C'est le cas de l'Office du Tourisme de Grasse qui, d'après son Directeur général Pascal Brochiero, accueille chaque année « 1 à 2 millions de touristes autour de la parfumerie. Nous communiquons très fortement sur notre site et les réseaux sociaux. Il y a des gens qui viennent de loin. En Côte d'Azur, il y a la plage et le soleil, c'est évident, mais Grasse arrive tout de suite après. On ne vient pas en Côte d'Azur sans visiter les parfumeries ».

L'Office de Gardanne est également très actif sur le sujet depuis 2014 où il devient tête de file de cette filière au sein du Pays d'Aix. « Pour valoriser nos entreprises, on a lancé en 2016 les Indus3Days », explique Olivia Moineaux, responsable de l'événementiel. « La première année, on a ouvert pendant 3 jours 9 entreprises de Gardanne. Avant le covid, en février 2020, l'opération avait duré 15 jours et on avait 80 partenaires sur tout le Pays d'Aix et dans des villes alentours comme Salon-de-Provence et Aubagne. On a accueilli 2000 personnes ». Un public essentiellement venu des Bouches-du-Rhône.

Le CRT est également très mobilisé sur le sujet, de même que l'État qui en perçoit de plus en plus le potentiel. « La Direction générale des entreprises s'y intéresse depuis notre création en 2012 », remarque Cécile Pierre. Un intérêt qui n'a cessé de croître jusqu'à, tout récemment, le lancement d'un appel à projet émanant de Bercy afin de professionnaliser et promouvoir les visites d'entreprises en France. C'est un groupement composé d'Entreprise et découverte, de 6 CRT (dont celui de PACA) et de 15 fédérations professionnelles qui l'a remporté. « Cela va nous permettre de donner un nouveau coup de fouet à cette filière ».

Préserver et faire perdurer des savoir-faire

Car au-delà du tourisme, ces visites d'entreprises permettent d'agir en faveur d'une production française. En sensibilisant les consommateurs d'abord. « En voyant comment travaillent ces entreprises, les clients comprennent mieux ce qu'il y a derrière un prix. Ils le relativisent et sont prêts à payer plus cher pour s'approvisionner localement », analyse Cécile Pierre.

Et ensuite, en ancrant les entreprises à leur territoire. « Il y a peu de cristallerie ici. Elles sont plutôt dans le Nord de la France », affirme Anne Lechaczynski de la Verrerie de Biot. « Le fait qu'on ouvre au public est un outil marketing essentiel pour nous, qui nous oblige à produire sur place. Car le tourisme est non délocalisable ». Et par ricochet, les savoir-faire qu'il met en avant ne le sont pas non plus.

Enfin, ces visites qui brassent un public très varié donnent à voir aux plus jeunes des métiers et filières auxquels ils n'auraient pas pensé, et peuvent ainsi susciter des vocations qui feront perdurer ces savoir-faire pour encore quelques générations.

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