Elleanor de Provence et le pari d’une mode qui fait « moins mais mieux »

Installée près de Marseille, cette entreprise conçoit du prêt-à-porter féminin en petites séries, fabriqué en France à partir de chutes de tissus, et disponible exclusivement sur internet. Si la confection est pour l’heure sous-traitée par une entreprise bordelaise et quelques couturières indépendantes, Elleanor de Provence envisage d’ici deux ans de se doter de son propre atelier.
(Crédits : DR)

Elle n'aurait pas cru que sa passion d'enfant pour le dessin puisse la conduire à la création d'une entreprise. Et pourtant. Après un cursus en psychologie du travail et une carrière dans les ressources humaines, Sarah Gabel a envie de ralentir. « Je me suis posée des questions sur notre course au consommable, au jetable... ». Elle reprend le dessin qui, lui disait-on, ne mène à rien. Son truc du moment, c'est la mode. Elle dessine des robes, s'inspirant de la Provence qu'elle a rejoint après une première vie en région parisienne.

Elle a alors envie d'une mode durable autant qu'intemporelle, en réponse à la fast fashion qui est à la mode ce que la malbouffe est à l'alimentation, génératrice de surconsommation, de gaspillage, et d'importantes pollutions.

Fabrication française à partir de chutes de tissus

Pour ce, elle choisit une production française, réalisée pour l'essentiel par un « petit atelier de Bordeaux qui partage les mêmes valeurs. Ils ont un vrai savoir-faire avec des couturiers qui ont travaillé pour de grandes maisons comme Chanel », se félicite l'entrepreneuse. « Travailler avec eux nous permet de valoriser ce savoir-faire et de réduire notre empreinte carbone ».

Par ailleurs, l'entreprise opte pour une production en petites séries, au plus proche de la demande. Ce qui implique parfois des délais d'attente assez longs pour les clients, reconnaît-elle. « Mais c'est un achat responsable, sur lequel elles réfléchissent... Elles sont donc prêtes à attendre deux ou trois semaines s'il le faut. On n'est plus dans la même logique de consommation ».

Si la gamme est assez complète, allant de la robe au pantalon en passant par la combinaison et le sweat-shirt, la marque ne propose que deux collections par an.

Et pour réduire plus encore son impact écologique, Elleanor de Provence fait fabriquer ses vêtements à partir de chutes de tissus de grandes maisons. « On fait aussi des capsules pour enfants à partir des robes de clientes qui ne sont plus utilisées. Pour des mères, c'est un moyen de transmettre. Elles nous donnent gratuitement le vêtement et obtiennent en échange une réduction de 20 % sur leurs achats ».

Un modèle 100 % digital

Pour se faire connaître, la marque se lance fin 2019 au travers d'une opération de crowdfunding qui lui permet d'enregistrer ses premières précommandes. Rapidement, elle reçoit des demandes de clientes qui aimeraient pouvoir voir, toucher et essayer les pièces proposées. Sarah Gabel pense alors à proposer de la vente à domicile. Mais face au covid-19 et ses confinements, le modèle bascule sur du 100 % digital.

« Nous avons beaucoup investi sur les réseaux sociaux. On montre les lots, on propose de visionner les tenues et on échange beaucoup sur Messenger ». Le contexte est tel que les clientes qui étaient auparavant réticentes à l'achat de vêtements en ligne finissent par s'y habituer. L'entreprise entend continuer sur cette voie, même une fois la crise sanitaire passée.

Pour l'heure, elle enregistre entre 1 et 4 achats par jour. D'ici un an, elle aimerait passer à une dizaine, pour un chiffre d'affaires annuel de 650 000 euros. Ce qui exige d'accentuer encore les efforts sur le digital. « On doit fortifier la marque. Sur internet, il faut être très précis dans les termes que l'on utilise ».

Un atelier de confection pour mettre en avant le savoir-faire local

Elle mise aussi sur un autre projet : l'installation de son propre atelier de confection à Aix-en-Provence, d'ici deux ans, avec ses propres couturiers. « Ce serait un lieu où on pourrait exposer notre savoir-faire. Pour fabriquer certaines pièces, il faut entre 3 et 4h de travail. Cela justifie un certain prix dont on ne se rend pas compte quand on voit des vêtements à 5 ou 15 euros ».

Cet atelier permettrait aussi de développer l'offre de produits « upcyclés », c'est-à-dire réalisés à partir d'autres vêtements que l'on transforme pour leur donner une seconde vie. « Actuellement, pour ce type de confections on passe par des couturières indépendantes en Provence car l'atelier bordelais ne peut pas le faire ».

Restera à recruter les couturiers compétents ; pas facile dans un pays que l'industrie textile a déserté. Mais Sarah Gabel a déjà fait face à ce type de difficultés. « Quand j'exerçais dans les ressources humaines, j'ai travaillé dans le secteur des nouvelles technologies où l'on chassait des profils rares. Le principal défi sera de trouver un ou deux seniors qui formeront les autres ». Elle espère ainsi contribuer, à son échelle, à la relocalisation de la filière.

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