Du rhum, de la banane et un peu de peinture fraîche, voilà le bouquet d'odeurs qui flotte dans la toute nouvelle boutique des Canailles, au centre-ville de Marseille. Pour le moment, aucune enseigne n'a été posée. Ce sont les bouteilles colorées en vitrine qui se chargent d'allécher les passants. A l'intérieur, deux personnes s'affairent à découper les fruits de la passion qui baigneront des semaines durant dans le rhum AOC que Maxime Feffer, le maître des lieux, fait venir de Martinique.

Autour d'eux, des cartons de bouteilles s'empilent. Dans l'atelier, dans les bureaux, partout. Voilà six mois que l'entreprise a investi les lieux, troquant les 25 mètres carrés mis à disposition par Le Carburateur contre 120 mètres carrés. « Nous avons doublé la surface de stockage », fait remarquer Maxime Feffer, surface qu'il aimerait accroître encore un peu. « Il nous faudrait 50 mètres carrés supplémentaires ».

Si le local s'est si vite rempli, cela s'explique par plusieurs raisons. D'abord, l'entreprise travaille à partir de fruits de saison. Elle produit donc en peu de temps des boissons qu'elle écoulera sur une période plus longue. D'où d'importants stocks selon les mois de l'année. La seconde raison, c'est que 2020 a été une année plutôt fructueuse et que la demande s'est accrue grâce à une série de rencontres.

Après les cavistes, l'hôtellerie-restauration

« A l'occasion d'un marché de Noël en 2019, j'ai rencontré la brasserie artisanale Zoumaï. Ils louaient une partie de la rue où nous nous trouvons aujourd'hui dont un local dont ils n'avaient pas besoin. Ils ont nous ont proposé de le sous-louer ». Une « super opportunité ! », se réjouit l'entrepreneur qui y voit un moyen de gagner en visibilité, le lieu étant situé dans une zone relativement fréquentée.

L'installation se fait quelques jours avant le confinement de mars, mais cela ne nuit pas tellement au projet. D'une part parce que les cavistes restent ouvert. D'autre part parce que beaucoup de personnes n'ayant plus la possibilité de travailler, davantage de passants circule dans la rue, dont un certain nombre s'intéresse à ce nouveau commerce.

En plus de lui offrir un local, Zoumaï accompagne aussi Les Canailles dans sa volonté de toucher un nouveau marché, celui de l'hôtellerie-restauration et plus seulement les cavistes, sa cible initiale. Un secteur que Maxime Feffer veut conquérir en lançant, en plus de ses rhums arrangés, une nouvelle gamme de planteurs, des punchs à base de jus de fruits contenant 16 % d'alcool, contre 33 % pour les rhums. « Les rhums arrangés ne peuvent être vendus par les restaurateurs qui ne disposent pas d'une licence qui le permet. Ce n'est pas le cas des planteurs ». Grâce au réseau de Zoumaï, ces produits ont connu un certain succès l'été dernier. Et sur le reste de l'année, le contexte semble profiter à ce type de boissons. « Pendant le confinement, on a constaté un changement des habitudes de consommation. Les gens préfèrent des alcools moins forts comme la bière ou le vin. Les planteurs nous permettent de répondre à cette demande ». Deux produits de ce type sont proposés dans un premier temps. Un troisième devrait les rejoindre, mêlant ananas et verveine.

Avec Cognac Tessendier, la TPE conquiert l'Ouest du pays

Autre partenaire stratégique qui a permis aux Canailles de prendre de l'ampleur : la maison Cognac Tessendier en Charente. « Ils fabriquent du cognac, embouteillent du rhum et ont une société de distillerie de spiritueux. Ils ont une trentaine de commerciaux. Nous leur avons confié la commercialisation de nos produits sur toute la partie Ouest de la France ».

Grâce à ces nouveaux partenariats, les Canailles ont franchi cette année un nouveau cap et pensent tripler leur chiffre d'affaire par rapport à 2019.

Pour poursuivre ce développement, l'entreprise veut continuer à innover, sur les planteurs mais aussi et surtout sur les rhums arrangés qui restent son cœur de métier. Elle prévoit encore d'étoffer sa gamme. « Nous avons actuellement douze rhums arrangés, on aimerait passer à quinze. Pour les planteurs, on espère en proposer six l'an prochain ».

Pour répondre à la demande et gagner du temps, l'entreprise s'est équipée de nouveaux appareils : une étiqueteuse et deux doseuses-remplisseuses. Elle a aussi besoin de gagner quelques dizaines de mètres carrés d'espaces de stockage. Mais augmenter les capacités de production a un coût et jusque là, Maxime Feffer a toujours tenu à rester le seul détenteur de son capital. « En 2018-2019, j'ai pas mal bataillé pour créer cette entreprise. J'avais envie d'y arriver tout seul, de me faire ma propre expérience avant d'ouvrir le capital». Avec la création d'un CDI et de deux postes d'alternants, les Canailles ont franchi le cap de la création et l'entrée d'un investisseur, comme l'organisation d'une levée de fonds, ne sont plus un tabou.