Le Réseau Bou’Sol et le pari du bon pain pour tous

Né à Marseille, ce réseau fédère des boulangeries autour d’un principe : faire du pain bio, local et solidaire, à destination de la restauration collective. Alors qu’il recense pour l’heure cinq boulangeries en France, il veut essaimer dans d’autres villes en premier lieu desquelles Paris, en vue des Jeux olympiques de 2024.
(Crédits : DR)

Il peut être fait de blé, de semoule ou de maïs, avec ou sans levure. Il peut être blanc ou noir, plat ou bien levé, façonné en baguette ou en boule, agrémenté d'huile d'olive, de céréales ou même garni de fromage fondu. Le pain est présent dans toutes les cultures du monde. Il a la capacité de nourrir à peu de frais. Voilà plus de 8000 ans que les humains le partagent. Il est omniprésent dans les religions et dans les contes qui ont pétri l'imaginaire collectif. En France, il est élevé au rang de symbole, une fierté nationale. Alors lorsqu'il s'agit d'insertion, le pain est le prétexte parfait.

C'est le pari de l'association Pain et partage née en 1993 à Marseille. Celle-ci remobilise des personnes éloignées de l'emploi grâce à un contrat en boulangerie. Le pain est ensuite livré - par des salariés en insertion également- à des acteurs de la restauration collective.

Au départ, l'initiative est isolée jusqu'à ce que Samuel Mougin et Benjamin Borel, entrepreneurs sociaux, décident de s'en mêler. Ils croient en ce projet et ont envie d'en amplifier l'impact. "On voyait des potentiels qui se révélaient dans ces boulangeries. Mais il manquait un outil plus professionnalisant", raconte Benjamin Borel. Pour cela, il faut formaliser les choses et définir ce qu'est une boulangerie solidaire pour ensuite faire essaimer le concept. "C'est le ferment du projet". Le réseau Bou'Sol voit le jour 2013.

Une logique du mieux-disant pour convaincre la restauration collective

Les boulangeries solidaires doivent alors répondre à trois impératifs : le pain doit être bio, local et solidaire. Il doit être de qualité artisanale, sans additifs chimiques. Plus question de recourir à "une farine lambda d'un gros moulin". A la place, les porteurs du projet veulent créer des connections avec des meuniers du territoire comme le moulin Pichard en région Provence-Alpes Côte d'Azur. "Avec des représentants du système agricole local et des producteurs, nous travaillons sur les pratiques et les dynamiques de conversion en bio. Nous faisons en sorte que les agriculteurs intègrent notre cahier des charges pour avoir un blé suffisamment qualitatif qui ne nécessite pas d'additifs".

Une qualité qui doit permettre de se distinguer sur le marché concurrentiel de la restauration collective. "Nous travaillons sur quatre grands segments : le scolaire, de la crèche à l'université ; la restauration d'entreprise; le médico-social (hôpitaux, cliniques, Ehpad ...) ; et enfin les associations caritatives comme les Restos du cœur ou les unités d'hébergement d'urgence". Des établissements qui peuvent faire appel à de grands comptes comme Sodexo, API ou encore Dupont Restauration, clients des boulangeries solidaires. Habituellement, ce marché fait l'objet d'importantes contraintes budgétaires et la règle est souvent "celle du moins disant plutôt que celle du mieux-disant", reconnaît Benjamin Borel. Mais c'est un courant inverse qui donne sa raison d'être au réseau Bou'sol : "La loi Egalim [votée en 2018, ndlr] impose 20 % de bio dans la restauration collective. Aujourd'hui nous sommes à 5 %, ce qui nous laisse un gros delta à combler". Reste à convaincre ces structures d'acheter plus cher un pain qu'elles distribueront gratuitement à leurs clients. "Elles considèrent le pain comme un poste de charge, dans une logique de goodies et minimisent donc son coût. Le problème, c'est que ce pain à bas pris n'est pas bon. Il est souvent gaspillé et constitue une perte sèche. On leur montre alors qu'elles gagneraient à acheter moins mais mieux pour satisfaire leurs convives". De quoi améliorer la valeur ajoutée de leur offre en proposant un pain qui a un sens puisqu'issu de circuits courts, dans une démarche d'inclusion sociale.

Cap sur les JO de 2024 à Paris

Avec cette stratégie, les boulangeries solidaires parviennent à dégager un chiffre d'affaire qui représente 90 % de leurs ressources, les 10 % restant étant des subventions en lien avec leurs activités d'insertion. A Marseille, les deux boulangeries ont réalisé en 2019 un chiffre d'affaire de 1,1 M€. Pour les cinq boulangeries du réseau, le total s'élève à 2,6 M€. Le réseau se finance quant à lui selon un système de franchise, et il compte bien monter en puissance dans les mois et années à venir.

Par de nouvelles actions d'abord. En soutenant les filières de production en amont, en offrant des formations à ses salariés en insertion mais aussi en menant des actions de lutte contre le gaspillage grâce à l'économie circulaire. "Nous aimerions valoriser le pain non consommé par la restauration collective et/ou les sites de production de pain en le transformant en biscuits".

Ensuite, le réseau aimerait s'étendre à d'autres villes de France. "Nous avons des projets à Nice et Toulouse qui devraient se concrétiser à court terme". Mais c'est surtout sur Paris qu'il concentre ses efforts, avec un objectif : les Jeux olympiques de 2024. L'idée serait de fournir en pain les structures de restauration collective qui connaîtront un regain d'activité à ce moment là. "Paris veut des Jeux inclusifs. Nous voulons en profiter pour mettre en valeur la dynamique de l'économie sociale et solidaire qui, contrairement à ce que l'on peut croire, n'est pas une économie du peu cher. On peut faire à la fois de l'inclusion et de la qualité". Un joli coup de pub qui pourrait lui offrir une visibilité accrue, et l'aider à multiplier les boulangeries solidaires.

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