L’économie circulaire selon le cimentier Vicat

Avec l’acquisition de son premier bateau cimentier, qui alimente la Corse depuis Nice, son port d’attache, le groupe familial réaffirme son ancrage territorial. Lequel, en Provence Alpes Côte d’Azur comme ailleurs, s’inscrit dans une logique d’économie circulaire. Où il est question de combustibles de substitution, de nouvelles matières premières et de bétons spéciaux aux fonctionnalités écolos.
(Crédits : DR)

Depuis 1929 et l'implantation par Joseph Merceron-Vicat de la cimenterie de la Grave de Peille dans l'arrière-pays niçois, le cimentier français complète progressivement son maillage de la région Provence Alpes Côte d'Azur. Il y dispose aujourd'hui de 23 sites industriels et logistiques, essentiellement dans les Alpes-Maritimes et le Var, employant plus de 300 personnes et représentant, selon le groupe, 1 200 emplois indirects. Une position qu'il vient de renforcer avec l'acquisition pour une enveloppe d'environ 7 M€ de son premier bateau, le Capo Cinto, baptisé mi-décembre dans la pure tradition maritime à Nice, son port d'attache, où chaque année entre 50 000 et 100 000 tonnes de ciment Vicat transitent.

Acquis et exploité par la joint-venture ABCV, associant Vicat et l'entreprise maritime familiale ABCRM, ce navire de 90 mètres de long, battant pavillon français et d'une capacité totale de près de 2 000 tonnes de ciment en vrac et en sac, approvisionne les ports corses de Bastia, Porto Vecchio, Ajaccio et Propriano ainsi que l'Italie et la Méditerranée. "Il s'agit d'assurer la continuité de service d'un territoire français, en l'occurrence la Corse, dépourvue de cimenterie et donc alimentée majoritairement par du ciment Vicat depuis Nice et son usine de la Grave de Peille", explique le PDG du groupe, Guy Sidos, qui poursuit ainsi sa "logique d'ancrage territorial afin de satisfaire nos clients, locaux pour l'essentiel".

Valorisation des déchets urbains et industriels

A la Grave de Peille, comme dans les autres cimenteries et sites industriels du groupe familial, l'ancrage territorial s'accompagne "d'une logique d'économie circulaire" mise en place bien avant les préoccupations que l'on connaît aujourd'hui mais qui s'accélère grandement, notamment en ce qui concerne la valorisation des déchets locaux en combustibles de substitution. "Notre objectif est d'ici à cinq ans d'éliminer complètement l'usage dans nos usines des combustibles fossiles en les remplaçant par les fractions énergétiques des déchets industriels et urbains des métropoles que nous alimentons en ciment". Une équation gagnante-gagnante mise en application dans les cinq cimenteries que Vicat possède en France. Si l'une a déjà atteint l'objectif, les autres, dont celle de la Grave de Peille, "sont à un peu près à 80%", assure Guy Sidos dont les investissements, à cet égard, se chiffrent "à plusieurs millions d'euros par an". Ce qui a permis à l'usine azuréenne d'afficher l'an passé la plus forte progression du groupe en termes de substitution thermique, performance récompensée par un Trophée dédié.

Autre exemple de circuit court cher au cimentier, la réutilisation de certains matériaux de construction ou de terres dites polluées qui, transformés, servent de matières premières en cimenterie en lieu et place du calcaire et de l'argile extraits des carrières. "C'est une voie d'avenir pour notre industrie, là où il y a la ressource et où nous avons les autorisations. En Rhône-Alpes par exemple, jusqu'à 20% de matériaux de ce type sont utilisés dans la fabrication de nos ciments".

Manifeste pour le béton

Cette considération environnementale est un des enjeux forts de l'industrie cimentière dont le groupe Vicat est un des acteurs mondiaux. Il est en effet présent dans 12 pays avec, au total, 16 cimenteries, 256 centrales à béton et 72 carrières de granulats, réunissant près de 8 684 collaborateurs pour un chiffre d'affaires consolidé de près de 2,6 milliards d'euros (2018). Une industrie, rappelle Guy Sidos, capitale quand on sait qu'en 2050, avec presque 3 milliards d'habitants de plus sur Terre, "les besoins en matériaux de construction accessibles, c'est-à-dire locaux et bons marchés, seront tels qu'il n'y a pas d'alternative au ciment", dont la principale application est le béton. Or, "on reproche aux matériaux en général et au béton en particulier des maux qui ne sont pas les siens comme l'imperméabilisation des sols liée à l'asphalte ou l'inesthétisme des constructions, résultat du mauvais goût des architectes et des maîtres d'ouvrage." Et Guy Sidos d'insister : "Le béton est un matériau exceptionnel par l'emploi que l'on peut en faire et par les fonctionnalités que l'on lui associe".

Bétons spéciaux et "écolos"

Car, Vicat, à l'instar de ses pairs, "se place au cœur des transitions sociétales, techniques et environnementales", lesquelles l'ont conduit et le conduisent encore à faire évoluer ses processus et ses produits. Ainsi, de nouveaux types de béton ont vu le jour dont "un béton drainant qui laisse passer l'eau et permet d'éviter l'imperméabilisation des sols". D'autres bétons peuvent par exemple accueillir de la biodiversité, présenter une résistance six fois supérieure au béton classique, "ce qui permet d'en mettre moins", voire même être considéré comme un puits de carbone. "C'est peu connu mais le béton en place va capter durant sa longue vie de façon naturelle une partie, environ 25%, du carbone émis à la fabrication du ciment. Nous expérimentons actuellement un traitement en fin de vie permettant de faire passer ce taux de capture de carbone à 70%, et pour faire de ce béton autant de granulats que nous ne prendrons pas dans le milieu naturel". Des bétons "écolos" qui, toutefois, ne sont pas forcément très sollicités. "Ces nouveaux matériaux existent, ils sont disponibles, qualifiés, normés, mais se heurtent encore trop souvent au conservatisme des métiers de la construction", regrette Guy Sidos qui en appelle aux donneurs d'ordres, bien souvent les collectivités locales et territoriales. "Celles-ci ont un rôle important à jouer pour l'aménagement du territoire et donc pour l'usage de ces matériaux". A bon entendeur...

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