Le maritime surfe aussi sur la vague verte

Souvent montré du doigt pour ses fumées noires, le secteur se penche pourtant depuis longtemps sur des solutions innovantes afin de diminuer l'impact de son activité sur l'environnement. Et si la tendance s'accélère, c'est aussi parce que la norme l'y encourage fortement.
(Crédits : iStock)

La condamnation du capitaine de l'Azura, bateau de croisière américain, le 26 novembre, par le tribunal correctionnel de Marseille pour pollution de l'air, est un petit événement en soi. Si ce jugement est une première - et c'est bien pour cela qu'il a fait la Une des journaux -, il est aussi l'arbre qui cache la forêt des bonnes intentions. Car pour le plus grand nombre de professionnels du secteur, les préoccupations environnementales ne datent pas d'hier, d'ailleurs ils sont nombreux à saluer cette sentence, qui, forcément, va servir d'exemple.

Avec 370 millions de tonnes de fuel-oil consommés par an, le transport maritime contribue aux émissions mondiales de CO2 à hauteur de 3%, aux émissions de soufre à 10% et aux émissions d'oxyde d'azote à 20%. Des chiffres qui peuvent paraître élevés, mais, ramenés au volume de passagers transportés, il ressort que le transport maritime est bien celui qui génère le moins de gaz à effet de serre. « C'est aussi le mode de transport le moins consommateur d'énergie par tonne transportée », rappelle Jean-François Suhas, le président du Club de la Croisière Marseille Provence.

Le branchement électrique à quai

À Marseille justement, on n'était pas peu fier en décembre 2015 de permettre le branchement électrique à quai, un système innovant - et surtout une première en France qui permet au bateau de se brancher directement sur un réseau haute tension et de ne plus faire appel aux groupes électrogènes de bord. Rendu possible par un partenariat entre le Grand Port maritime de Marseille et la compagnie La Méridionale, ce branchement a fini par intéresser d'autres compagnies, dont Corsica Linea (ex-SNCM, qui va également équiper ses navires. « C'est la solution la plus efficace pour réduire l'impact environnemental à quai », reconnaît Jean-François Suhas.

Mais c'est aussi une solution qui coûte cher, le président du Club de la Croisière Marseille Provence rappelant les 5 millions d'euros mobilisés lors de l'équipement de La Méridionale, quand Manuella Machado, directrice des exploitations portuaires à la CCI Nice Côte d'Azur, souligne que le branchement électrique à quai n'a « aucun intérêt pour les navires faisant des escales de courte durée ». Bien donc, mais pas dans tous les cas de figure. Et cela vaut aussi pour les scrubbers, ces filtres disposés sur les cheminées des bateaux, capables d'éliminer une grande part de polluants en les « lavant », mais dont le coût et l'encombrement rendent encore une fois cette solution contraignante et inadaptée à certains types de bateaux.

Le gaz naturel liquéfié séduit de plus en plus

Mais la vraie révolution vient sans doute du GNL [gaz naturel liquéfié, ndlr]. Et celui qui a tapé un grand coup sur le sujet, c'est CMA CGM. L'annonce, en novembre 2017, de la volonté de l'armateur français d'équiper neuf de ses navires de 22000 EVP [équivalent vingt pieds], livrés en 2020, de moteurs fonctionnant au GNL est le signe non seulement d'une volonté d'innover, mais aussi que la préoccupation environnementale n'est plus anecdotique. C'est même, assure la compagnie dirigée par Rodolphe Saadé, le choix issu d'une réflexion conduite depuis 2010 et d'études menées avec des acteurs industriels tels que Engie, Total ou GTT.

Et le GNL séduit. Une autre compagnie, Ponant, a annoncé avoir fixé comme objectif à horizon 2021 l'utilisation à 100% de GNL et de MDO [Marine diesel Oil, le diesel marin]. Mais c'est son navire d'exploration polaire de croisière de luxe, mis à flot en 2021, qui sera le porte-drapeau de la politique environnementale maison, qui revendique notamment d'« aller au-delà des normes en vigueur ».

Une flotte plus propre

À La Méridionale, fier donc d'avoir été précurseur sur le branchement électrique à quai, le directeur général Benoît Dehaye ne manque pas de souligner que mettre en place des solutions nouvelles prend du temps, que la préoccupation environnementale est constante. Et que, oui, le rapprochement avec les industriels est parfois source d'innovation. La compagnie originaire de Marseille expérimente en effet un filtre à particules, développé avec Andritz et Solvay. Le premier s'y connaît en technologies d'épuration des gaz d'échappement dans le domaine maritime et industriel terrestre.

Le second développe, entre autres, des solutions à base de bicarbonate de soude capable d'améliorer la qualité de l'air en éliminant les gaz acides. Ensemble donc, ils vont équiper le Piana, le navire amiral de La Méridionale, pour une phase de test qui débutera en avril et qui durera six mois, le tout sous contrôle d'un organisme indépendant certifié NF. « Si nous anticipons les résultats du test, nous aurons un bateau avec des rejets qui seront propres », espère Benoît Dehaye, précisant que « nous nous sommes mis aussi dans la perspective de traiter les eaux de ballast ».

Car le secteur maritime regarde l'environnement sous toutes ses coutures, pas uniquement sous celle du carburant. À Nice, Manuella Machado rappelle que le port n'accueille pas que le carénage, les ferries ou la plaisance, mais aussi le fret de ciment. Sur cette activité, il a été signé un protocole de sécurité qui comprend le contrôle des équipements comme les compresseurs électriques aux manches ou filtres poussières. La récupération et le traitement des déchets sont, par exemple, une autre composante des préoccupations environnementales.

Chez CMA CGM, on rappelle que le groupe a réduit de 50% ses émissions de CO2 en dix ans et qu'il compte les réduire de 30% supplémentaires d'ici à 2025. « Il existe une vraie volonté des instances nationales et internationales de rendre plus propre l'ensemble de la flotte », reconnaît Manuella Machado. « La transition écoénergétique est devenue indispensable. C'est aussi l'avènement d'une nouvelle économie porteuse d'emplois et de nouvelles opportunités d'affaires », analyse Jean-François Suhas. « Il y a certes les enjeux réglementaires, mais il y a aussi une attente de nos clients », pointe Benoît Dehaye. La vague verte ou comment ne pas couler l'économie maritime...

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Commentaires 2
à écrit le 17/12/2018 à 10:07
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C'est grâce à la pollution qu'ils peuvent extorquer les états et s'évader fiscalement donc nous n'avons pas d'autres choix que d'opter pour la poll... heu la finance de masse. LREM vers le cancer.

à écrit le 15/12/2018 à 10:08
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C'est une insulte d'utiliser les mots trafic maritime et vert ou écologie dans la même phrase, si on considère que les 20 plus grands bateaux polluent autant que tout les voitures du monde

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