A Marseille, la démission de l'adjointe à l'urbanisme cristallise les problématiques du logement

Alors que le préfet a lancé une procédure contre la Ville de Marseille pour carence de logements sociaux, l’adjointe à l’urbanisme a rendu sa délégation. Depuis trois ans, Mathilde Chaboche avait durci le ton envers les acteurs du secteur. Une situation qui illustre également les enjeux auxquels fait face le logement, pris entre les besoins de disponibilité et les enjeux d’aménagements plus sobres.
(Crédits : DR)

Elle faisait partie des nouveaux visages de la politique phocéenne. Issue de la partie « citoyenne » du Printemps marseillais, vainqueur des élections municipales de 2020, Mathilde Chaboche s'est rapidement fait un nom en tant qu'adjointe à l'urbanisme. Une délégation qu'elle vient de rendre. "Arrivée à mi-mandat, je suis fière d'avoir contribué au travail d'une équipe mobilisée au service des Marseillaises et des Marseillais, d'avoir permis l'élaboration d'une charte de la construction durable, contribué aux projets d'aménagement et accompagné la transformation du service de l'urbanisme", écrit-elle sans donner plus d'explications dans un communiqué diffusé mardi dans la soirée.

Cette décision intervient après les révélations mardi du quotidien La Marseillaise d'une procédure engagée par la préfecture contre la Ville pour sa carence en termes de construction de logements sociaux. Une première pour Marseille. Sur la période 2020-2022, la ville centre de la métropole n'atteint en effet que 38 % des objectifs fixés. Une situation "extrêmement critique" selon Christophe Mirmand, le préfet des Bouches-du-Rhône. "Le logement est, avec les écoles, la grande priorité du mandat et je demande à toute l'équipe municipale de poursuivre les projets déjà engagés dans ce sens et de renforcer les actions en faveur de la construction de logements et de logements sociaux", a rappelé Benoit Payan, maire de Marseille, après le départ de son adjointe. Ce jeudi, il a annoncé que c'est Eric Méry récupère la délégation, il était jusqu'à présent adjoint au patrimoine.

Des refus de permis en nette augmentation

Mais la situation de la construction à Marseille n'étonne probablement pas les acteurs locaux de l'immobilier. Depuis plusieurs années, ils dénoncent le manque de construction de logements et voient en Mathilde Chaboche la responsable. La désormais ex-adjointe revendiquait d'ailleurs décider "de tout" dans une interview à Marsactu en février. « J'ai refusé de déléguer ma signature, surtout sur les refus de permis. Ce n'était pas le cas auparavant. On m'avait conseillé de ne garder à la signature que les permis accordés et de déléguer la signature des refus à des fonctionnaires. Ce n'est pas le cas, j'assume. Je vérifie tout personnellement », indiquait-elle. Dans ce même échange, elle pointait également les pressions et irrégularités de certains opérateurs. Un ton qui résume le discours tenu pendant trois ans et que n'apprécient guère les acteurs du secteur.

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Au-delà des mots, il y a aussi eu les actes. Avec d'abord la baisse des permis de construire. Selon la Fédération des promoteurs immobiliers Provence (FPIP),  le taux de refus qui était d'environ 15 % à 20 % en 2019 a plus de 50 % depuis 2021. La conséquence de l'application stricte du plan local d'urbanisme (PLUi), sorte de grande feuille de route métropolitaine de la construction entrée en vigueur en 2020, s'est déjà défendue Mathilde Chaboche. Plus récemment, la charte de la construction durable de la ville de Marseille votée en 2021 a crispé les promoteurs. Pour résumer grossièrement, le document ambitionne des logements de « haute qualité » avec des espaces plus grands, optimisés et pensés pour différents usages. La FPIP y pointait alors la crainte de voir des prix s'envoler.

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Enjeu marseillais et national

La charte, qui n'a pas de caractère juridique, et le PLUi, qui lui impose les règles, traduisent finalement une contradiction. Celle de la nécessité de disposer de plus de logements avec en face des enjeux écologiques qui veulent une plus grande sobriété dans les constructions et l'aménagement des territoires. Conciliation entre production et environnement, prix qui s'envolent, rotations moins importantes des locataires, développement des locations courte durée saisonnière, difficulté de l'accès au logement.... Les facteurs sont multiples.

Tous ces maux ne sont pas spécifiques à Marseille mais sont ceux qui touchent l'ensemble de l'Hexagone sur un secteur en tension partout. Un sujet qui commence pourtant à peine à faire parler de lui. Un constat partagé par tous les acteurs. A l'image de Véronique Bédague, PDG du groupe immobilier Nexity, et Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, qui ont regretté sur les réseaux sociaux le report par le gouvernement de la restitution du conseil national de la refondation consacré au logement.

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