Nice, Sophia-Antipolis, Aix-Marseille : qu’attendre de l’immobilier tertiaire ?

C’est l’un des secteurs attentivement regardé pour ce qu’il dit de la santé de l’économie. Et en période post-covid, alors que le flex office a pénétré les mentalités, la façon dont les entreprises consomment le bureau est révélateur non seulement des tendances de fond mais aussi de la capacité à se projeter de la part des investisseurs et utilisateurs, dans un contexte tant macro que micro-économique. Avec quatre destinations très différentes – Nice, Sophia-Antipolis, Aix-en-Provence et Marseille – le Sud dispose de marchés avec chacun, ses particularités. Point commun, une année 2022 qui a performé mais une année 2023 qui pose quelques questions…
A Sophia-Antipolis, Courtin Real Estate a fait de la réhabilitation et de la restructuration de l'existant, une façon de répondre aux nouveaux modes de consommation du bureau comme avec son programme Centrium
A Sophia-Antipolis, Courtin Real Estate a fait de la réhabilitation et de la restructuration de l'existant, une façon de répondre aux nouveaux modes de consommation du bureau comme avec son programme Centrium (Crédits : DR)

Dire que l'on a craint une descente aux enfers, la fin du bureau et un tout télé-travail. Ça, c'était en pleine crise sanitaire et c'est - presque - un lointain souvenir. Car, bien sûr, la façon de consommer le bureau a évolué, la flexibilité - qui avait déjà pris forme avec le coworking - s'est renforcée, la qualité de vie au travail s'inscrivant dans la façon, entre autres, d'aménager les espaces dédiés...

Depuis trois ans, le comportement de l'immobilier tertiaire est donc observé... et c'est un doux euphémisme. D'autant qu'à chaque année, son petit bouleversement... En 2022, la guerre en Ukraine et l'inflation sont venus bouleverser quelque peu l'équation...

Mais de soubresauts en soubresauts, l'immobilier de bureaux tient. S'adapte. Et l'engouement pour le bureau en lui-même ne fléchit pas. Ce n'est d'ailleurs par tant le fond que le forme qui compte.

2022, l'année du second record

Car, toujours est-il que l'immobilier tertiaire se consomme. Dans le Sud, il se consomme même très bien. De Marseille à Nice, 2022 frise avec les records de l'année précédente, ce qui est le signe d'une confiance qui met du baume au cœur des investisseurs, des acteurs immobiliers plus largement et des acteurs économiques dans leur grande globalité.

Petit effet « push », l'exode urbain qui a joué un rôle de décentralisation durant la période covid semble avoir laissé des traces positives. En résumé, ce n'est plus un gros mot d'être installé en région et le Sud a plein de qualité pour attirer, outre la douceur et qualité du climat, les infrastructures aéroportuaires notamment jouant un effet de levier grâce à des connexions qui servent les entrepreneurs dans leurs activités business et export.

Voilà donc pour le contexte que les chiffres des professionnels de l'immobilier tertiaire avalisent. A Nice, 2022 constitue ainsi la deuxième meilleure année, la première étant 2021, avec 78.000 m2 placés - 84.000 m2 placés l'année précédente - soit un volume jamais encore atteint même si en 2018, il frisait déjà le record avec 73.000 m2 placés. Ce qui situe la performance bien au-delà de la moyenne décennale, à 60.100 m2 placés. La part de neuf - merci l'Eco-Vallée - est significative, à 41% des transactions réalisées quand la moyenne des régions se situe à 33%. « Le neuf manquait », rapelle Jeanne-Marie Fauvet, directrice associée Nice et Sophia-Antipolis BNP Paribas Real Estate Transaction France. Qui souligne en effet la remise en question de la part des entreprises qui s'est faite, évidemment, élément auquel s'est ajouté la mise en place du décret tertiaire...

L'emplacement, l'emplacement, l'emplacement... neuf si possible

Si à Nice, le neuf est un aiguillon essentiel pour le marché, à Sophia-Antipolis, c'est la réhabilitation. Sur ce point, Courtin Real Estate s'est engagé dans une réelle stratégie de remise à niveaux de l'existant à des normes de durabilité qui apportent un vent frais sur la technopôle européenne, qui souffrait de bâtiments plus vraiment adaptés aux usages. Et de fait, les taux de vacance sont faibles, respectivement de l'ordre de 2,3% pour la capitale azuréenne et de 4% pour la technopole sophipolitaine.

A Aix-Marseille, même motif, même comportement. 2022 ressemble à s'y méprendre à 2021, étant là aussi, sur un volume record, très légèrement en deça de l'année précédente, à 159.000 m2 placés contre 163.000 m2 placés en 2021. « Etant donné la période macro-économique incertaine, l'interrogation portait sur le changement possible de paradigme dans les stratégies des entreprises », indique Nicolas Treich, directeur en charge des transactions BNP Paribas Real Estate pour les Bouches-du-Rhône. Que nenni, le marché a conservé son dynamisme et place Aix-Marseille sur la carte des métropoles qui performent, à l'instar de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Lille... « Les entreprises continuent à déployer des projets ». A Marseille, les 94.000 m2 placés sont à 62% de la seconde main, 38% étant du neuf. « Nous avons vu le retour de transactions de plus de 1.000 m2 » tandis que le créneau 200 m2 à 500 m2 est lui aussi « extrêmement dynamique ».

Evidemment et assez logiquement, Euroméditerranée a concentré 60% des transactions. Plus globalement, « Marseille Sud est attractive de par son environnement agréable et sa bonne accessibilité, Marseille centre accompagne la dynamique des entreprises à aller vers une centralité » quand Marseille Est et Marseille Nord offrent l'avantage de loyers attractifs.

Aix-en-Provence, qui s'est bien comportée depuis trois ans, a vu son centre-ville être un peu moins dynamique, alors que les pôles d'activités continuent d'être attractifs et alors que du côté de l'Etang de Berre et de Marignane on note un +5% de bon aloi.

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La crainte du marché : le trou d'air

Mais 2023 va-t-il suivre la tendance ? Rien n'est moins sûr. Et c'est bien ce qui inquiète les professionnels du tertiaire. Car le trou d'air, crainte absolue, se profile, tant d'un côté que de l'autre de la région.

A Nice, « nous avons presque tout consommé », souligne Jeanne-Marie Fauvet et 2023 n'alimentera pas le marché de nouvelles offres. Si, à l'est, l'Eco-Vallée joue l'effet locomotive depuis plusieurs années, le centre-ville de la capitale azuréenne continue d'être très pauvre en offre et c'est ce manque qui empêche les transactions de grande surface. Nice qui est « un marché sous tension » indique Jeanne-Marie Fauvet. Sachant que, globalement, des signaux faibles avaient déjà alerté courant 2022, avec un premier semestre très dynamique et un second semestre, moins. A Sophia-Antipolis, le site de 12.000 m2 qui accueillait Amadeus doit être rénové avec un nouveau bâtiment prévu. Ce que ne permet pas le PLU pour le moment... Du côté d'Ecotone, le projet porté par la Compagnie de Phalsbourg, le terrassement du terrain qui doit accueillir l'accueillir sur 40.000 m2 va démarrer, le permis de construire étant purgé de tout recours.

Du côté d'Aix-Marseille, le ratio neuf/seconde main - 36% - 64 % - est « insuffisant », estime Nicolas Treich, en regard des autres métropoles. Et l'offre globale est en diminution, depuis 2009. Les offres comprises entre 500 m2 et 1.000 m2 constituent un créneau lui aussi en souffrance. Une sorte d'entre deux qui n'arrive pas à trouver sa place, une « surface hybride où il n'existe que peu de disponibilité foncière ».

Le bureau en mode startup

Forcément, face à un manque qui se profile, la précommande devient chose fréquente et « malgré l'hétérogénéité des secteurs, tous sont en diminution d'offres significatives ». Avec, pour ce qui arrive sur le marché, « de nombreux m2 déjà sous protocole ». Une situation critique qui pointe le bout de son nez et une vraie pression qui s'installe doucement. D'autant que, comme du côté des Alpes-Maritimes, Euroméditerranée 2 n'est pas encore entrée en phase active. Au final, une situation qui génère un cercle vicieux, puisque face à un déficit d'opportunités nouvelles, les entreprises s'installent dans une sorte d'immobilisme qui limite l'effet rotation. Côté investissement, « il faut s'attendre à une décompression des taux de rendement », analyse Nicolas Treich. Le bureau qui continue donc d'être un levier pour les métropoles comme pour les entreprises dans leur stratégie d'attractivité. Le bureau qui a changé mais changera encore. Au final c'est bien davantage l'adaptabilité qui compte, la capacité à répondre aux besoins, au marché, aux évolutions, souvent brusques et donc, par nature, par prévisibles à long terme. Où quand on demande à l'immobilier d'avoir (aussi) l'agilité (mode startup) en plus.

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