Le vrai début du projet date de 2008, lorsque la municipalité fait l'acquisition d'un joli ensemble baptisé Domaine Charlot, daté du XIXè siècle, comprenant deux bâtiments, l'un disposé sur quatre niveaux et le second, sur deux niveaux, équipé d'un toit-terrasse. Une propriété au total de 2.093 m2 dont le potentiel a toujours titillé l'imagination du premier magistrat de la ville, Gérard Spinelli. Mais entre « sentir » les capacités d'un projet et le faire correspondre avec les besoins des habitants, il y a souvent un pas qui, ici, est franchi en constituant un groupe de travail, pluridisplinaire, associant élus, architectes, paysagistes, ministère de la Culture, CCAS, Fondation du patrimoine, CAF, artistes...  « J'avais envie d'écouter ce que chacun avait à dire », explique Gérard Spinelli. Rapidement, l'idée d'un tiers-lieu s'est imposée, balayant l'idée balbutiante d'une pépinière d'entreprises.

La culture, la culture, la culture

Parmi les préoccupations qui ont vite dirigé les discussions, celle du lien avec le public fragile a été prédominante. La culture aussi parce que « son impact dans les relations sociales est majeur » note Gérard Spinelli qui a fait de l'accès gratuit à la culture, précisément l'un des axes de sa politique en la matière.

Bien évidemment, on ne construit pas un tiers-lieu orienté coworking - comme cela est souvent le profil de nombreux tiers-lieux - comme on dessine un endroit où les usages vont se mélanger. Et au final, c'est bien la culture qui constitue la colonne vertébrale du projet.

C'est exactement le point commun entre la médiathèque, la résidence d'artistes, le musée numérique, le fab-lab... La résidence d'artistes, avec ses 5 hébergements et ses quatre ateliers, occupe 270 m2 et comprend aussi une salle libre, sans affectation précise, justement pour laisser la place à toutes formes d'expressions. Le cœur du Village est tout de même cette médiathèque et ses 30.000 ouvrages, installée sous la verrière. Le fruit des échanges, notamment, avec l'agence régionale du livre. Le but est d'encourager le partage de la culture et ce n'est pas moins la mission du Musée numérique, cette « Micro-Folie » inspirée du Parc de la Villette qui donnera accès aux projets de toutes tailles et de toutes envergures. Le numérique, c'est aussi le fondement du Fab-Lab assorti d'un espace d'apprentissage des nouvelles technologies.

Créer le(s) lien(s)

L'objectif n'étant pas d'empiler les usages mais de créer des liens les uns entre les autres. Comme le permettra aussi le vaste jardin, où sera planté un jardin potager avec des agrumes du monde entier. Créer le lien, c'est d'ailleurs ce qui a servi de fil rouge au volet architectural. Signé Marc Barani, lauréat du concours d'architecture lancé en 2019, l'ensemble joue sur la transparence à l'extrême - notamment avec son toit en forme de grande verrière - pour, précisément, éveiller les curiosités. « Les liaisons entre chaque espace ont été pensées à l'extrême », indique Gérard Spinelli, quasiment au centimètre près quand il s'agit de certains aménagements, pour bien faire comprendre que de l'aménagement naît aussi l'impression donnée et l'impact sur le public qui le fréquente.

Cependant, l'un des éléments différenciants de ce Village c'est d'avoir intégré tout ce qui relève de l'action sociale avec les services dédiés qui y prennent place. Une petite gageure au départ. Mais, pour Gérard Spinelli, c'est cela la véritable cohésion sociale. Accueillir ceux qui sont exclus, générer la solidarité. Le Village sera également doté d'un restaurant solidaire et participatif. Une activité pour laquelle, pour l'heure, « toutes les hypothèses sont examinées ».

Clairement Village Charlot s'est dessiné et redessiné au fur et à mesure du dialogue noué avec la Direction générale des affaires culturelles, comme avec la CAF depuis l'initiative du projet. Un exemple de co-construction au-delà de l'expression galvaudée.

De l'importance de la mobilité

Programmé pour une livraison en 2024, Village Charlot va mobiliser un investissement de 18 millions d'euros. Un projet d'envergure, qui n'est pas neutre pour cette ville de 14.000 habitants, tellement proche de Monaco que la frontière n'existe pas, c'est la même rue en continu. Une proximité qui crée la particularité pour Beausoleil, ville jeune - 35% de sa population a moins de 30 ans - étalée sur 2,8 km2. On comprend à la fois l'intérêt et l'impact de tout aménagement urbain. Le déploiement, en plusieurs phases, d'escaliers mécaniques au cœur de la cité, répond précisément à la problématique de la mobilité et de l'accessibilité. Six d'entre eux ont été mis en place voilà six mois, complétant les quatre déjà existants alors qu'une nouvelle tranche est programmée. Des escaliers qui, précisément, offrent l'accessibilité nécessaire au Village Charlot.

« Village Charlot n'est possible que grâce aux escalators », confirme Gérard Spinelli. Des escaliers qui ont déjà modifié sensiblement les habitudes de déplacements vers la Principauté où de nombreux actifs se rendent quotidiennement. Une création de synergie qui sert tout le territoire. Où la mobilité confirme qu'elle est aussi un enjeu de cohésion sociale. Ce qui vaut pour, à peu près, partout ailleurs.

« Mêler culture, artistes, social et environnement, c'était mon rêve », souligne Gérard Spinelli. « Village Charlot est un équipement que l'on offre. Le projet n'est pas fini, il peut évoluer à tout moment. C'est une créature qui va bouger, qui n'appartient à personne. Je veux que ce soit un Village vivant ».