Réforme des retraites : l'association Go Cadres se mobilise contre le chômage des seniors

Depuis 2016, cette association basée à Marseille accompagne des cadres, majoritairement seniors vers l'emploi grâce à un travail sur le réseau et la confiance en soi. Alors qu'a été annoncé le report de l'âge de départ à la retraite à 64 ans, elle s'inquiète des conséquences que cela pourra avoir sur les séniors sans emploi, pour qui la réforme pourrait signifier un allongement des difficultés économiques et sociales. D'où la volonté d'encore mieux accompagner et d'enrichir son réseau de partenaires. Avec l'intention d'être entendu par les pouvoirs publics.
(Crédits : DR)

Passés les cinquante ans, alors qu'ils sont au sommet de leur expérience, le chemin des Français vers la retraite prend des allures de piste noire. On estime ainsi que parmi les assurés de 50 à 67 ans, 40 % se retrouvent pendant au moins un an dans une sorte de zone grise : ni en emploi, ni en retraite. Et pour ceux qui font l'expérience du chômage, celui-ci s'étire dans le temps puisqu'en 2018, 60 % des chômeurs de plus de 55 ans l'étaient de longue durée, contre 42 % pour l'ensemble de la population.

Derrière ces chiffres, des situations sociales parfois très lourdes. « Quand on est jeune, on peut plus ou moins réussir à se débrouiller. On a moins de besoins, on peut dormir chez un proche. Mais à cinquante ans, on a souvent des crédits, une maison, une famille... Quand un senior se retrouve au chômage, c'est toute sa famille qui en pâtit et cela crée des drames : des dettes, des séparations, une santé mise à mal, des souffrances psychologiques ...», décrit Jean-Marc Rodriguez qui connaît bien le sujet.

Un carnet d'adresses mutualisé

Chargé d'affaires dans l'industrie et l'aéronautique, il se retrouve sans emploi lorsque son entreprise est liquidée en 2016. Il a alors plus de cinquante ans.

Participant à un atelier assuré par un prestataire de Pôle Emploi, il fait la rencontre d'une dizaine de personnes - des profils cadres et assimilés - elles aussi à la recherche d'un emploi, dont une majorité de seniors. Parmi elles, Olivier Beyer, directeur commercial. Tous deux se disent que les ateliers tels que ceux qu'ils suivent ont certes leurs vertus, mais manquent d'un ingrédient essentiel : le réseau. « Nous avons donc décidé de créer une association pour aider tout le monde à trouver du travail en développant un réseau d'entreprises ». C'est ainsi qu'ils toquent à la porte des principaux pôles de compétitivité du territoire, des représentants du patronat, des groupements d'entreprises de différents territoires de Marseille. « Nous avons été bien accueillis car les problématiques d'emploi les intéressent ».

L'association compte au départ les dix membres de l'atelier Pôle Emploi. Ceux-ci continuent de régulièrement se réunir dans le cadre de moments conviviaux au cours desquels chacun fait le point sur sa situation et s'entraide, les compétences et réseaux de chacun étant mis au profit de tous. Puis d'autres membres se raccrochent à cette cordée. De sorte que l'association compte désormais 90 adhérents, des cadres et assimilés très majoritairement seniors, dont les adhésions font vivre la structure. L'association tente aussi d'accompagner et de conseiller un public plus large en participant à de nombreuses manifestations.

En 2022, 80 de ses adhérents sont parvenus à trouver un emploi salarié ou une activité en tant qu'indépendant. « Parfois, les entreprises sont effrayées par le CDI pour ce genre de profils. Alors travailler en freelance peut être une solution ». Soit en portage salarial, soit en autoentrepreneur mais ce dernier statut offre moins de garanties en matière de droits à la retraite et plus largement de protection sociale.

De l'impact de la réforme des retraites

Ces bons résultats poussent l'association à vouloir aller plus loin encore. D'autant que le recul de l'âge de la retraite n'est pas une bonne nouvelle pour le public de l'association. « Nous risquons de nous retrouver avec des seniors de plus en plus longtemps au chômage », s'inquiète Jean-Marc Rodriguez. D'où la volonté d'agir plus fort sur ce sujet, au travers d'un programme d'actions dénommé Focus Seniors, qui repose sur trois axes.

Le premier, c'est le renfort des actions d'accompagnement déjà menées à destination des cadres seniors sans emploi. « Nous allons améliorer notre sourcing en nous appuyant sur des acteurs de l'emploi ». Un partenariat a été signé avec l'Apec. Un autre devrait l'être avec Pôle Emploi.

Le second axe concerne le réseau qu'a constitué Go Cadres. L'association veut ainsi étendre sa toile et en renforcer les liens. « Il faut continuer de mutualiser tout ce qui se fait ». Sont également prévues des actions de communication à destination des entreprises. « Nous allons essayer de sensibiliser les entreprises vis-à-vis de cette problématique et leur montrer comment elles peuvent s'appuyer sur les profils seniors, y compris au travers de missions en portage salarial ».

Des discussions ont en outre été menées avec l'UPE13 Est concernant les entreprises en quête de repreneurs et pour lesquelles les seniors pourraient être de bons candidats. « Nous essayons de proposer des solutions qui répondent à plusieurs problématiques en même temps ». Comme la question de la transmission des savoirs dans l'entreprise : « Les seniors ont beaucoup à apprendre aux jeunes. Ils peuvent les motiver en leur partageant leur amour du métier ». Et parce que les problématiques des cadres seniors sans emploi rejoignent par plusieurs aspects celles des non-cadres, des relations ont été établies avec le Plie (Plan Local pour l'Insertion et l'Emploi) MP Est à la Ciotat.

« Beaucoup de choses ont été faites pour les jeunes, mais pas pour les seniors »

Car avancer groupés est essentiel pour l'association qui espère être mieux entendue par les pouvoirs publics. « Nous réfléchissons à ce que nous pouvons faire pour aider les seniors. En Europe, nous sommes parmi les pires pour ce qui est de l'emploi des plus de 50 ans ». Sûrement une résultante des politiques de préretraite conduites dans les années 1980, et qui, bien que progressivement abandonnées, ont laissé des traces. « Beaucoup de choses ont été faites pour les jeunes, mais pas pour les seniors ».

Jean-Marc Rodriguez espère que la réforme des retraites sera complétée par des mesures en faveur de ce public. « Les pouvoirs publics vont bien être amenés à se poser des questions et à agir ». Mais la présentation du projet de loi par Elisabeth Borne l'a laissé sur sa faim. « Elle a parlé de l'index senior », un dispositif qui obligera les grandes entreprises à publier la part de personnes en fin de carrière parmi leurs effectifs, « mais je crains que cette mesure soit mal perçue par les entreprises, trop punitive ».

Ses yeux se portent désormais sur le rapport France Travail qui doit être remis fin janvier au ministre du Travail, Olivier Dussopt, afin de remettre à plat le système d'accompagnement vers l'emploi. Y aura-t-il une attention particulière portée aux seniors ? Difficile à dire. « On attend de savoir ce qui en sortira et en fonction, nous verrons comment nous pourrons nous positionner ».

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Commentaire 1
à écrit le 25/01/2023 à 12:10
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Ce n'est pas les cadres qui risquent le chômage avant la retraite, au pire c'est le placard doré. Il suffit juste de regarder les chiffres, depuis le temps qu'on le dit.

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