Montagne de demain : comment Les Orres a conforté son business-model

Durable, connectée et donc beaucoup plus diversifiée, telle se dessine, globalement, la montagne de demain. Si la crise sanitaire et la douceur des températures ont mis et mettent sacrément à mal l’activité économique des stations, la réflexion des professionnels est bien antérieure. Dans les Hautes-Alpes, Les Orres a largement anticipé l’évolution tout autant des segments BtoB que BtoC, travaillant aussi bien le sujet des lits chauds que celui du service. Mais c’est le choix d’intégrer très tôt innovation, nouvelles technologies et usage de la data qui consolide le business-model.
(Crédits : DR)

Perchée à 2.700 mètres, si l'on tient compte de son point culminant, Les Orres a tout de la station telle qu'on l'imagine, conviviale, animée, à taille humaine. « Classique », en un sens. Pourtant, les questions qui entourent aujourd'hui la montagne - entre problématiques énergétiques, d'enneigement, d'offres de service, d'usages des données - ne sont pas des sujets tout à fait nouveaux pour certaines stations, depuis longtemps tournées vers l'avenir et la pérennité de leur business-modèle. Car au-delà des problématiques actuelles, c'est bien la pérennité qui est le sujet de fond. Aux Orres, on planche sur le sujet depuis plus de vingt ans années, intimement convaincus que savoir réinventer le modèle, justement, était une étape en aucun point incontournable.

Techno et préservation du territoire

« Nous avons beaucoup travaillé le sujet », confirme Pierre Vollaire. Presque un euphémisme, sachant que c'est lui qui crée, dès 2004 le forum Ocova, dédié à la montagne de demain et dont la dernière édition s'est tenue ce début janvier. A l'époque, les termes smart, data et IA ne faisaient clairement pas partie du vocabulaire quotidien. Pourtant, celui qui est le maire des Orres depuis 2014 a toujours eu, plus qu'une vision, une conviction, celle de la nécessité de préserver le territoire de montagne, aidé en cela par les nouvelles technologies mises au service de la bonne cause, pour valoriser, jouer l'effet attraction mais certainement pas pour être des gadgets. Le fond plus que la forme.

Le manque d'enneigement, par exemple, qui semble surprendre de nombreuses stations en France, freinant leur activité de début de saison, est une problématique à laquelle répond la neige de culture. Mais savoir quantifier le besoin, le monitorer, trouver le juste équilibre entre neige naturelle et de culture, ne se fait, évidemment pas au doigt mouillé mais en se référant aux données scientifiques. Celles que déploie notamment ClimSnow, outil issu d'un consortium qui regroupe Météo France, L'INRAE et Dianeige. Et qu'utilise Les Orres. Sachant que la neige de culture fait intégralement partie des modèles économiques désormais, au point, confirme Pierre Vollaire, de les « maintenir jusqu'à horizon 2050 ».

Le défi des lits chauds

Les Orres a vu le doublement de son chiffre d'affaires d'été, soit 1,2 million d'euros de recettes en 2022 et cela grâce aux activités liées au VTT et à son Bike Park qui permettent à la station de figurer dans le Top 3 national.  « Cela se révèle être une bonne voie de diversification », souligne Pierre Vollaire, reconnaissant que l'investissement est le nerf de la guerre et l'élément essentiel pour remplacer les infrastructures vieillissantes, consommatrices d'énergie et plus adaptées. Alors que 50 pylônes ont ainsi été retirés du domaine, il faut aussi offrir en parallèle de quoi satisfaire le touriste que l'on attire. Ce qui signifie doter la station de parkings suffisants. Car qui dit montagne de demain ne dit pas que techno mais aussi services globaux. Ainsi un parking de 162 places sera fin opérationnel pour décembre prochain.

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Une réflexion sur l'investissement dans les infrastructures qui ne se dispense pas, bien au contraire, d'une réflexion sur l'espace propriétés. Où on en revient à la dichotomie entre lit froid et lit chaud, le premier étant la hantise des stations, le second, le gage d'une station qui vit. « Nous avons travaillé avec les propriétaires de biens immobiliers et avons créé un Espace propriétaires qui leur est dédié. Nous les accompagnons pour tout ce qui est commercialisation de leur bien, nous faisons l'interface avec les professionnels de la station et nous les accompagnons dans leur projet », explique Pierre Vollaire, l'objectif étant de maintenir l'offre hébergement de bonne qualité et adaptée aux besoins de fréquentation. Un label qualité d'hébergement - allant de 1 à 4 mélèzes - a même été créé, jouant la double fonction de carotte de satisfaction pour les propriétaires et de réassurance pour les touristes. Autre ambition, ramener 500 lits dans l'aventure d'ici 2025, sachant que 200 lits ont déjà emboîté le pas à l'initiative. Et que 9.000 lits chauds sont nécessaires pour être en accord avec le business-model, la station bénéficiant pour l'heure de 8.000 lits chauds.

IA, data... et connaissance terrain

La maîtrise de l'énergie, sujet central en 2023, oblige à faire toujours plus que ce qui a déjà été initié. Si la consommation énergétique a déjà été réduite de 20%, elle le sera encore de 15% supplémentaire en 2023. Le pilotage de l'éclairage public se fait via la technologie LORA. « Il convient de mieux gérer également la consommation d'eau, 750 capteurs sont disposés afin de permettre un retour des données en temps réel, lesquelles nous permettent de travailler sur le rendement ». Sachant aussi que le Lac de Serre-Ponçon, touché par les problématiques d'eau, est tout proche... « L'intelligence artificielle sert ici trois domaines, la mobilité, l'eau et l'énergie ».

Côté mobilité, les capteurs sont capables d'apporter une couche de sécurisation intelligente, en permettant de suivre les skieurs, par exemple.

Il y aussi, sur ce sujet mobilité, les schémas directeurs qui permettent d'institutionnaliser, de déployer à grande échelle. « Nous sommes dans l'inclusif, nous posons des questions à la population, la transition énergétique est une vrai stratégie territoriale », pointe Pierre Vollaire.

Sport, robots, stimulateur : la techno levier d'attractivité

Et puis, il y a le tourisme à l'état pur mâtiné d'innovation. C'est le sujet du Pôle Sport Innovation dédié au sport de loisirs contient stimulateurs, cellule de chronométrage professionnelle, centre d'analyse vidéo, tapis d'inclinaison. « Le but est de travailler sur le niveau de performance et d'avoir des outils pour les écoles de ski », dit Pierre Vollaire. Le Pôle Expérentiel, applique quant à lui les nouvelles technologies numériques aux activités de montagne. Avec un robot 7 axes et de la réalité virtuelle, l'idée est de tester les capacités de chacun, d'accélérer la montée en compétences. Un Pôle disponible en décembre 2023, financé entre autres, à hauteur de 2 millions d'euros de la part de la Région Sud, 1 million d'euros de la part du Département des Hautes-Alpes, la communauté de communes apportant 300.000 euros, le Plan Avenir Montagne, 800.000 euros, pour un total de 12,5 millions d'euros. « Les activités nautiques seront également testées afin de faire du pratiquant, un pratiquant régulier », espère Pierre Vollaire. Les Orres qui ont investi 25 millions d'euros depuis 2019. Preuve que l'investissement fléché vers l'innovation, distribué sur divers segments, est la meilleure façon d'anticiper aussi bien les crises que les variations et besoins de consommation. La montagne de demain est forcément très tournée vers les technologies. Toujours au service du territoire, selon la formule de Pierre Vollaire. Ou comment la science est un (autre) levier de croissance pour la montagne.

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