“Nous voulons aider les maires bâtisseurs” (Marc Raspor, FPI Côte d’Azur Corse)

Le secteur de la promotion immobilière est-il au milieu du gué ? Selon le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Côte d’Azur-Corse, nombre de défis l’assaillent, liés à l’environnement, à l'aménagement du territoire ou encore au financement, lesquels freinent la production de logements alors qu’on compte toujours quatre millions de personnes mal ou non-logées en France. Et les professionnels de s’interroger : faut-il revoir le modèle de fond en comble ?
(Crédits : DR)

La Tribune - L'accumulation des crises, environnementale, climatique, énergétique ou encore inflationnaire, change le monde et impose aux promoteurs immobiliers de nouveaux défis à relever. Quels sont-ils et comment vous en emparez-vous ?

MARC RASPOR - C'est vrai, nous avons changé de monde et le défi environnemental, en tête, nous force à réfléchir. Comment construire des logements ou produits immobiliers peu énergivores ? Cette approche de sobriété se développe à travers la mise en application de la RE 2020 qui va très vite se transformer en RE 2025, puis RE 2030, avec des contraintes de plus en plus fortes en la matière et face auxquelles la filière immobilière planche sur une feuille de décarbonation permettant de les lever.

Un défi environnemental dont le corollaire se trouve être celui du zéro artificialisation nette (ZAN)...

Le ZAN va provoquer, ni plus ni moins, une diminution de la constructibilité octroyée sur les communes qui devront consommer dans les dix prochaines années 50% d'espace en moins que ce qui a été artificialisé ces dix dernières années. Cette baisse d'artificialisation des sols suppose une réflexion sur sa mise en application, car la réalité veut que si nous souhaitons moins construire, ou plutôt moins d'étalement urbain, nous allons devoir densifier et construire plus haut. A cet égard, notre défi sera celui de faire accepter aux collectivités ces projets-là.

La problématique du financement s'est également invitée du fait du contexte inflationniste et de la hausse des taux très importante...

Nous constatons en effet un défaut de financement dans un contexte général de hausse des prix. Une hausse qui est principalement due, d'une part, à la raréfaction des produits à la suite de la baisse significative des permis de construire, de l'autre, à l'augmentation des prix des matériaux, et désormais de l'énergie, qui impactent le prix de revient de l'opération. L'une comme l'autre provoque un effet d'augmentation des prix de vente.

Ces différentes problématiques supposent-elles de faire évoluer la façon de faire et de financer le bâti ?

Sur certaines thématiques, oui. Pour répondre au défi environnemental, par exemple, il nous faut travailler avec les industriels, lesquels doivent aussi réfléchir à des nouveaux produits économes et moins énergivores. A propos du ZAN, nous ne devons plus gâcher la constructibilité que les collectivités nous octroient dans les documents d'urbanisme et résister aux pressions pour respecter la densité des projets autorisés. Quant à notre modèle économique, il est fort probable qu'il nous faille réfléchir un peu différemment. Les banques ne souscrivant plus autant, les promoteurs vont devoir trouver des solutions pour accompagner leurs clients dans leur financement. Peut-être devons-nous aussi revoir la vision même du logement et s'inspirer des pays scandinaves où le crédit suit le bien immobilier et non la personne ? Cela veut dire que quand vous vendez votre bien, vous vendez aussi le crédit qui l'accompagne. Ce sont des choses qui doivent être débattues.

Est-ce la fin des maires bâtisseurs ?

Les maires bâtisseurs sont aujourd'hui très exposés mais les maires doivent continuer de bâtir. Le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement dénombre quatre millions de personnes mal ou non-logées. C'est colossal. Il faut donc produire du logement, ce qui suppose un travail collectif avec les promoteurs qui doivent amener des produits innovants et performants énergétiquement, et les maires et collectivités qui doivent assumer leur responsabilité et répondre au besoin des Français en la matière. A cet égard, une des propositions faites par la Fédération des promoteurs immobiliers dans le cadre de son dernier congrès consiste à permettre aux maires bâtisseurs de récupérer une partie de la taxe réalisée sur les opérations afin de les aider à investir dans l'aménagement de leur territoire. Une sorte de prime à celui qui joue le jeu et qui bâtit. Le logement neuf est une réponse à la crise du logement, complémentaire à la réhabilitation.

Pourtant, une petite musique s'invite et laisse penser que les objectifs de production de logements sont jugés trop élevés par rapport à la capacité du marché. Qu'en pensez-vous ?

Il peut en effet y avoir cette réflexion, liée à l'environnement, aux défis climatiques et bien d'autres. Toutefois, je ne pense pas que réduire la production soit la solution. D'abord, parce que si nous voulons répondre à ces quatre millions de personnes, il faudrait produire 400.000 à 500.000 logements par an. Pour rappel, en 2021, nous en avons réalisé 116.714. Ensuite, parce que les productions sont et seront de plus en plus sobres, répondant aux critères énergétiques et de confort, avec des chantiers où un travail important est mené pour réduire les nuisances. Enfin, produire contribue à réhabiliter les villes, restructurer le tissu urbain. Après, quant à savoir quel est le bon chiffre, il s'agit là d'une savante alchimie dont la difficulté principale réside dans l'acceptabilité du citoyen.

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