« Les entreprises de paysage jouent aussi un rôle dans l'environnement sociétal » Boris Lesné (Unep Méditerranée)

Face au réchauffement climatique, les villes sont de plus en plus nombreuses à opter pour la végétalisation. Un travail auquel s’attellent les paysagistes, représentés en région Sud par l’Unep Méditerranée (Union nationale des entreprises du paysage). Une organisation qui défend une montée en compétences de la profession. Essentiel face à l’ampleur des défis environnementaux.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - L'Unep, que vous présidez, représente les entreprises de paysage, c'est-à-dire celles qui aménagent et assurent le suivi des espaces verts. Qu'est-ce-que cela représente en Région Sud et en Corse, territoires que couvre l'Unep Méditerranée ?

BORIS LESNÉ - Notre territoire compte 5.000 entreprises et environ 15.000 actifs dont 10.000 salariés. Sur notre territoire, les entreprises de paysage sont en grande majorité des entreprises de moins de 5 salariés, mais on trouve aussi quelques grands groupes de 300 à 400 personnes. Il y a une grande disparité de tailles d'entreprises, ce qui permet à chacun de trouver un environnement qui correspond à ses valeurs et à ses traits de personnalité.

Face au réchauffement climatique, la végétalisation semble de plus en plus plébiscitée par les collectivités locales qui cherchent à proposer à leurs administrés des îlots de fraîcheur. Comme a évolué la demande à l'égard des paysagistes ces dernières années ?

Depuis très longtemps, la végétation est associée à une forme d'esthétisme, à une source de bien-être, d'oxygénation. Cela a été amplifié avec le covid-19. Cette expérience douloureuse a fait naître une envie de retour à la nature. C'est pour cette raison par exemple que de nombreux urbains sont partis vivre à la campagne.

Puis les gros épisodes de sécheresse comme celle, exceptionnelle, de cette année, ont amplifié encore le besoin de végétalisation. On sait qu'il ne s'agit pas de faits isolés et que le réchauffement climatique est là. Or, l'arbre est nécessaire pour y faire face. Il rafraîchit l'air grâce à l'évapotranspiration. Des études ont montré qu'en couvrant à 34 % une surface de végétation, on perd 2°C de température. L'arbre a également un rôle de purificateur d'air contre la pollution. Ce sont des choses que l'on avait un peu oubliées et qui reviennent. Cela nourrit une demande plus forte de la part des collectivités. Et on peut dire que notre métier a le vent en poupe.

Car planter des arbres ne s'improvise pas. Quelles sont les règles à respecter pour que la végétalisation rafraîchisse réellement les villes ? Faut-il privilégier certaines essences de plantes ? Peut-on planter des arbres isolément ou faut-il favoriser l'installation de mini-forêts urbaines ?

Il est vrai que certains arbres transpirent mieux que d'autres. Mais tous transpirent et tous sont efficaces. Mais pour que cela fonctionne, il faut que l'arbre ne soit pas seul. Si on plante un arbre seul sur une place minérale qui réfléchit la chaleur, l'arbre est en stress, il souffre et fait comme nous en pareilles circonstances : il se repose et évite alors de trop transpirer.

Pour éviter cela, il faut installer des espaces verdoyants et continus avec des végétaux de différentes hauteurs. Cela enrichit le sol. Les plantes se font de l'ombre entre elles. On a des insectes, des oiseaux, de champignons... L'arbre, en communication avec son environnement, va pouvoir être davantage en activité et jouer son rôle de rafraîchisseur. L'aménagement de paysages demande des compétences. Faire appel à des paysagistes permet d'obtenir des projets à la hauteur des espérances.

Depuis le 1er janvier 2022, votre profession n'est plus autorisée à recourir aux produits phytopharmaceutiques. Qu'est-ce que cela implique pour vous ?

Ceci est une bonne nouvelle et nous oblige à connaître tout ce qui entoure l'arbre : ses auxiliaires, ses maladies, ses ravageurs. Il faut assurer un suivi des espaces verts en veillant à l'équilibre de ceux-ci. Avant, en présence de pucerons, on traitait. Maintenant, on sait que les coccinelles viendront s'en occuper. On laisse la chaîne alimentaire jouer son rôle. Il faut faire en sorte que tout ce qui peut vivre autour d'un arbre vive. Cela vaut aussi pour certaines plantes que l'on considère comme de mauvaises herbes pour la simple raison qu'elles ne poussent pas là où on le souhaitait. Est-ce qu'elles gênent vraiment ? Il ne faut pas confondre la gestion des espaces verts avec une mise au propre.

Cela exige une montée en compétences de la profession. Vous appuyez-vous sur des ressources extérieures ?

Nous faisons partie de la grande famille des botanistes. La botanique nous permet de réussir nos projets car il est nécessaire de bien connaître le végétal pour savoir quelles plantes s'associent bien, quelles variétés privilégier en fonction du climat local. D'autant que nos projets ne seront matures que 10 à 20 ans après leur installation et seront amenés à durer 50 voire 100 ans.

Pour diffuser toutes ces connaissances, nous travaillons beaucoup en sensibilisation interprofessionnelle. On fait en sorte que nos adhérents aient le réflexe de travailler en équipe. Le travail du paysagiste fait de plus en plus souvent suite à l'analyse préalable du botaniste. Sur certains projets, il analyse la végétation déjà en place pour bien connaître les caractéristiques du secteur.

Face à ce besoin de qualification accru et à la hausse de la demande, les entreprises de paysage parviennent-elles à recruter suffisamment ?

On vit une époque où il est difficile de recruter. Cela vaut pour nous comme ailleurs. Pour le moment, les entreprises de paysage ont 1500 postes à pourvoir sur notre territoire. Mais nous avons la chance d'avoir un métier qui attire les jeunes car ceux-ci sont plus sensibles à la nature et aux enjeux environnementaux.

Et pour ce qui est des besoins en qualifications, nous travaillons avec l'univers de la formation sur les compétences nécessaires aujourd'hui mais aussi demain : connaissance des végétaux, du monde sous-terrain ... On ne connaît que 10 à 15 % du fonctionnement d'une plante. Il faut aussi monter en compétences sur des choses plus terre-à-terre comme le génie écologique, la façon de mixer végétal et construction de bâtiment. Il y a aussi le sujet de la biomasse ... On peut faire émerger des tas d'idées dans ces domaines.

Dans le milieu de l'insertion, beaucoup de structures utilisent les métiers du paysage pour remettre sur le chemin de l'emploi des personnes qui en sont éloignées. Est-ce quelque chose que vous souhaitez soutenir ?

Oui, beaucoup d'entreprises d'insertion choisissent en effet ces activités et c'est une bonne chose. Cela montre que nos métiers sont bien perçus. Il y a un mois, notre Président a signé une charte partenariale avec un organisme professionnel de la réinsertion. Cela montre que notre métier peut être une réponse pour des personnes en difficultés. Cela s'inscrit pleinement dans nos valeurs que sont le bien-être, la cohésion et le partage. Cela prouve que les entreprises de paysage ont aussi un rôle dans l'environnement sociétal.

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