Rénovation de La Croisette : comment Cannes joue la carte esthétique mais aussi écologique

Si le projet de rénovation du mythique boulevard qui contribue à la notoriété de Cannes apparaît avant tout esthétique, il s’avère être aussi écologique et éminemment stratégique pour la destination azuréenne et les professionnels qui y évoluent. Près de 200 millions d’euros seront engagés en 5 ans, sans omettre l’effet d’entraînement qui se joue, notamment du côté de l’hôtellerie, elle-même engagée dans un mouvement de montée en gamme. Ni du côté des organisateurs d’événements, également sensibles à la chose…
(Crédits : (c) Snøhetta AURC)

Un milliard d'euros ! C'est la somme investie ces dix dernières années par les grands hôteliers de Cannes pour moderniser, rénover, embellir leurs établissements qui bordent la célèbre Croisette. Une remontée en gamme à grands frais, mobilisant une enveloppe de 350 millions d'euros pour le Carlton, de 70 millions d'euros pour le Majestic, de 150 millions d'euros pour le Martinez. "Nous avons refait près de la totalité de l'établissement depuis le début des travaux de rénovation entamés fin 2016", précise Yann Gillet, directeur général de l'hôtel art déco 5 étoiles, propriété du groupe qatari Constellation Hotels Holding, dont le dernier livrable inauguré en mai tient en un jardin privatif luxueux, "le premier au sein d'un hôtel de la Croisette".

Cette oasis de 2 600 m², abritant spa, couloir de nage et espace promenade, ne clôt toutefois pas la série d'investissements de l'établissement. Le Martinez se donne en effet dix-huit mois et quelques millions d'euros supplémentaires pour finaliser son lifting, à travers la remise à jour de son produit restauration, la création de jardins en terrasse ou encore un travail sur l'éclairage extérieur de la façade. Alors, certes, s'il est vrai que l'industrie hôtelière de luxe investit très régulièrement dans ses infrastructures, il est aussi vrai que l'ampleur de ces efforts financiers apparaît exceptionnelle et démontre la confiance des opérateurs économiques dans l'attractivité de la destination, l'évolution des exigences de la clientèle haut de gamme et la concurrence des destinations touristiques internationales.

Faire entrer la Croisette dans le XXIe siècle

Dans ce contexte, la présentation fin septembre par la mairie de Cannes du projet d'embellissement de la Croisette a été très bien accueillie. Pour l'hôtelier, "c'est un peu la cerise sur le gâteau". Pour la Cité des Festivals, c'est surtout "une remise à niveau indispensable" de cette artère mythique, à laquelle l'attractivité de la destination doit beaucoup et qui n'a pourtant fait l'objet d'aucun aménagement structurant depuis 60 ans. L'idée ? "Faire une Croisette du XXIe siècle, propre, moderne, sécurisée, éclairée, végétalisée, fidèle à sa légende", détaille David Lisnard, maire de la commune azuréenne. Qui ne sous-estime pas la complexité de la chose, tant les conflits d'usages sont nombreux : "C'est un lieu à la fois local et mondial, luxueux et populaire, de jour et de nuit, de sport et de shopping, de tourisme familial et de tourisme d'affaires avec ses cinquante manifestations accueillies tous les ans dont onze sont des leaders mondiaux (festival de Cannes, Mipim, Mapic, Cannes Lions, Tax Free...)." Autrement dit, "s'attaquer à la Croisette, c'est s'attaquer à un objectif majeur à l'échelle locale, nationale et internationale".

Pour relever le défi, Cannes a choisi à l'issue d'un concours international d'architecture le groupement Atelier International de Cannes. Il est porté par l'Atelier d'Urbanité (A'U) Roland Castro, mandataire du projet, qui a développé de multiples programmes de remodelage urbain de grands ensembles à Dunkerque, Liège ou encore Marseille, associé à l'agence norvégienne Snøhetta à qui l'on doit la piétonisation de Times Square à New York. C'est elle qui réalisera la conception architecturale, le design du sol, des espaces paysagers et du mobilier urbain du programme. Dont l'élément le plus emblématique tient en un revêtement de granit de couleur terracotta déroulé sur les 2,6 kilomètres du boulevard comme un immense et élégant tapis rouge. Au total, 133 millions d'euros seront investis. Organisés en quatre phases, les travaux débuteront en 2024 pour un premier rendu attendu en 2025.

Partie immergée de l'iceberg

Car, avant d'entamer l'embellissement de la surface, la communauté d'agglomération du Pays de Lérins s'intéresse au sous-sol, et plus particulièrement à la restructuration des réseaux d'assainissement. La partie immergée de l'iceberg, chiffrée à 39 millions d'euros, dont les hôteliers attendent beaucoup car elle s'accompagne de la mise en place d'un système de thalassothermie qui vise à récupérer l'énergie calorifique de la mer afin d'alimenter en chaud et en froid les bâtiments de la Croisette. "Cela va nous permettre d'opérer un changement radical en matière d'énergies", souligne le directeur du Martinez. Qui se dit "résolu à investir dans notre empreinte carbone pour atteindre la neutralité en 2025. Ce dispositif va nous aider à tenir cet objectif. L'intérêt principal ici n'est pas économique, il est écologique."

Destinations TGV

Une position partagée par Romuald Gadrat, dirigeant de Weyou, quatrième groupe français d'organisation de salons et congrès. Sur les vingt manifestations professionnelles déployées par l'entreprise au cours de la saison 2022/2023, douze se dérouleront à Cannes, contre neuf en 2019, toutes sur le concept hybride des Meetings qui mixte rendez-vous d'affaires et stands d'exposition. Pour lui, si l'attrait esthétique du projet Croisette semble évident, celui-ci doit se lire aussi dans une perspective plus globale où la considération environnementale, et plus particulièrement celle liée aux CO2 consommés par les congressistes lors de leur déplacement, attribués aux entreprises qui les emploient, prend une place prégnante. "Ce que les organisateurs recherchent aujourd'hui, ce sont les destinations TGV, explique-t-il, chiffres à l'appui. Un trajet Paris-Cannes en train, c'est 4 kg de CO2 émis, en avion, aller-retour, c'est 140 kg, sans compter le CO2 consommé par le car reliant l'aéroport et la ville." Et Romain Gadrat de poursuivre : "Beaucoup l'ont compris et s'équipent en conséquence. C'est sur cette problématique que se fera la prochaine course au tourisme d'affaires, et nombre de destinations, françaises et européennes, sont sur la ligne de départ."

A cet égard, "la Cité des Festival fait partie de celles qui ont un train d'avance. Cannes a les infrastructures, récemment refaites qui plus est, comme la gare, le parvis, les plages." En effet, l'élargissement des plages, conduit de 2017 à 2019 grâce à l'apport de 180.000 m3 de sable, et la rénovation des 22 établissements balnéaires qui a suivi, ont mobilisé 13 millions d'euros d'investissement publics et 34 millions d'euros d'investissement privés. Quant au Palais des Festivals et des Congrès, il poursuit sa mue. Depuis 2014, des travaux structurels ont été engagés pour un montant de 25 millions d'euros dans l'objectif de maintenir l'outil phare de Cannes dans la compétition mondiale du tourisme d'affaires. Vingt-deux millions d'euros supplémentaires vont être mis sur la table entre 2022 et 2024. Ils concerneront la rénovation du salon et de l'office des Ambassadeurs ainsi que l'embellissement de sa "rue intérieure". Au total, la collectivité va mobiliser près de 200 millions d'euros pour sa célèbre et ô combien stratégique Croisette. Alors même que déjà auréolée d'un World Travel Awards qui la consacre comme meilleure destination européenne pour les événements, Cannes concourt désormais pour le titre mondial...

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