« Il faut organiser l’exportation de produits agroalimentaires de façon collaborative » (Jean-Michel Salon, Aria)

L’Aria – Association régionale de l’industrie agroalimentaire – représente 200 entreprises parmi le millier que compte la filière agroalimentaire en Provence Alpes Côte d’Azur. Une activité surtout représentée dans le Vaucluse (70 % des entreprises y sont concentrées), et dans les Bouches-du-Rhône. Et qui pèserait au total 3,9 % du PIB régional. Si l’Aria tente de défendre ses intérêts et d’apporter des services de proximité à ses membres, elle tente aussi de soutenir leur développement à l’export. Comme l’explique Jean-Michel Salon, délégué général de l’association.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - On estime qu'environ 200 entreprises agroalimentaires de la Région exportent. Quel est leur profil ?

JEAN-MICHEL SALON - On trouve parmi elles toutes sortes d'entreprises. Il y a de grands groupes comme Coca Cola Midi [branche de Coca Cola Company installée à Signes, dans le Var, ndlr] qui vend ses concentrés de Cola Cola en Europe de l'Est, en Afrique, à Singapour. Mais on trouve aussi des PME comme Caragum qui réalise 90 % de son chiffre d'affaires à l'export. Ainsi que des TPE, notamment les acteurs de la truffe comme Plantin à Puyméras. Il y a une grande disparité. Leur capacité à exporter ne dépend pas de leur taille.

Quelles sont les principales zones d'export de ces entreprises ?

Jean-Michel Salon : Elles sont principalement présentes en Europe, en Belgique, au Luxembourg, en Suisse, en Allemagne, Italie, Espagne, et dans les pays scandinaves. La seconde zone, ce sont les États-Unis et le Canada. Puis le Moyen-Orient avec les Émirats arabes unis. Ainsi que le Japon.

L'export résulte-t-il d'une stratégie bien définie à l'international, ou bien est-il plutôt le fruit d'opportunités ?


Jean-Michel Salon : Sur les 200 entreprises, beaucoup ne font qu'un peu d'export, c'est-à-dire moins de 100.000 euros annuels. Celles-ci n'ont pas réellement mis en place de stratégie. Beaucoup exportent sans pour autant s'être structurées pour cela. Elles n'ont pas de site en anglais, pas de responsable export, pas d'administration des ventes... Elles cherchent seulement à répondre aux opportunités qui se présentent, lors de salons comme le Sial [Salon international de l'alimentation à Paris, ndlr] ou NatExpo. Des salons très internationaux, mais que l'on fait aussi pour travailler son marché français.

Les PME et TPE manquent-elles de moyens pour la mise en place d'une véritable stratégie d'export ?

Jean-Michel Salon : Ce n'est pas tant une question de moyens que de priorités. L'export demande beaucoup d'investissements : site de e-commerce en anglais, travail sur la qualité, travail avec des partenaires à l'export, recrutement d'un back-office qui parle anglais... Il faut aussi adapter ses produits aux spécificités des différents marchés. Ce sont beaucoup d'efforts à mettre en place pour des retombées qui ne se feront sentir que 3 à 5 ans plus tard. De petites entreprises peuvent très bien y arriver. Mais c'est une question de choix.

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Quels produits sont-ils plus propices à l'export ?

Jean-Michel Salon : Les produits d'épicerie, salés comme sucrés, s'y prêtent bien : les conserves, les tartinables, les confiseries... Ce sont des produits qui apportent plus de garanties en termes de qualité et de sécurité. Et qui sont portent souvent un capital d'image. La France, la Provence sont des atouts qui les positionnent sur des marchés de niche. Ce sont des produits qui sont un peu plus chers, mais qui ont des histoires à raconter.

Le tourisme est-il un levier pour favoriser l'export de ces produits d'épicerie fine ?

Jean-Michel Salon : C'est un levier car il permet d'augmenter le capital sympathie de ces produits. Mais ce dont nous avons besoin, c'est surtout d'organiser ces exportations de manière collaborative au travers d'opérations récurrentes.

C'est-à-dire ?

Jean-Michel Salon : Il faut sortir d'une logique de référencement par produit et plutôt rassembler et mettre en avant des produits complémentaires qui ont une histoire à raconter. On aimerait par exemple avoir une marque collective comme la Bretagne ou l'Occitanie. Il y a bien la marque Taste France [marque institutionnelle lancée en 2020 et dédiée à la promotion de la gastronomie et des produits français à l'international, ndlr], mais elle est trop réduite aux salons professionnels.

A l'Aria, nous organisons des opérations promotionnelles en magasins. Les produits que l'on exporte n'ont pas vocation à nourrir le monde. Ils s'inscrivent plus dans de l'achat plaisir, impulsif. Il faut donc privilégier les offres promotionnelles, de façon ponctuelle. Avec une offre qui comporte du sucré, du salé, des boissons... Cela permet d'avoir des commandes payées à l'avance, de façon récurrente. L'Italie le fait beaucoup ; on voit souvent des têtes de gondole remplies de produits italiens. Cela suppose de travailler tous ensemble.

La Tribune : Y compris avec les pouvoirs publics ?

Jean-Michel Salon : Les pouvoirs publics pourraient faire bien mieux. On a une diversité d'acteurs et d'organisations qui est incroyable. Beaucoup de moyens sont mis en place, mais la stratégie n'est pas la bonne, si bien qu'on arrive à des choses aberrantes.

Prenez le Sial. Les stands sont devenus tellement chers que les entreprises ont de plus en plus de mal à avoir un retour sur investissement en y participant. Donc les entreprises françaises y sont de moins en moins nombreuses depuis 30 ou 40 ans. Pour pallier cela, les Régions aident ces entreprises. De son côté, l'État a mis en place un pavillon français et aide les primo-exposants à payer leur stand. Mais dans le même temps, Business France organise, à l'occasion du Sial, des rencontres acheteurs à un tarif très bas, ce qui concurrence les entreprises venues acheter un stand très cher et subventionné.

Il y a aussi des initiatives comme la marque Taste France, qui nous l'avons dit, ne concerne que les salons professionnels. Ou encore Team France Export qui n'est pas très efficace.

Le fait est que l'on perd des parts de marché à l'export depuis une dizaine d'années. L'État devrait travailler davantage sur la négociation commerciale pour ouvrir certains marchés. Et la promotion de l'export, à travers des marques comme Taste France, devrait être beaucoup plus orientée business.

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