Comme de nombreux centres anciens en France, le cœur historique de Grasse est en souffrance. Dégradé, paupérisé, il génère une image de vétusté qui impacte l'attractivité, et donc le développement d'une ville pourtant connue et reconnue comme le berceau mondial de la parfumerie. Comment enrayer ce phénomène de désamour et revitaliser ce périmètre historique de 10 hectares ? En misant sur la jeunesse. C'est le pari de Jérôme Viaud, son maire, dont les équipes travaillent depuis 2015 au développement d'une offre de formation supérieure d'excellence à travers la création d'un campus multi-sites et multi-disciplinaire capable d'accueillir d'ici à 2023-2024 plus d'un millier d'étudiants.
Un projet de développement et d'aménagement territorial emblématique qui, rappelons-le, a permis à la commune azuréenne de figurer parmi les 222 villes moyennes lauréates du programme national "Action Cœur de ville", et d'investir 6 millions d'euros dans la réhabilitation de son ancien palais de justice (à l'abandon depuis 1998), future tête de pont du campus dont l'ouverture est programmée à la rentrée 2022.
Un navire amiral à 6 M€
Dimensionné pour accueillir jusqu'à 500 étudiants, le site de 2.500 m² SP (surface de plancher) disposera de 14 salles de cours, 3 laboratoires dont un fab-lab et 2 amphithéâtres. Il accueillera le master de chimie FOQUAL (Formulation, Analyse, Qualité) de l'Université Côte d'Azur, le master of science in Management of the Flavor and Fragrance Industry de l'Edhec, l'école d'ingénieurs ECAM - EPMI, l'ISCAE pour son BTS professions immobilières, l'école des métiers de l'audiovisuel EFCAM ou encore le Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) qui, dans le cadre de son opération "Au cœur des territoires", prévoit d'implanter des centres relais de formation dans une centaine de villes moyennes. Dont Grasse, seule commune avec Brignoles et Manosque sélectionnées à ce jour en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Ce navire amiral hébergera donc un tiers des 19 établissements d'enseignement supérieur qui ont signé ces quatre dernières années avec Grasse Campus, le dispositif chapeauté par la communauté d'agglomération du Pays de Grasse qui organise depuis 2018 l'implantation des nouvelles offres de formation et la vie estudiantine qui va avec.
Des formations au service du développement économique du territoire
Au total, 30 formations diplômantes seront proposées en septembre 2022, suivies par plus de 800 étudiants (ils étaient à peine 200 il y a cinq ans). Un certain nombre de cursus répondent assez logiquement aux besoins des entreprises de la filière Arômes, Parfums, Cosmétiques. "Une de nos grandes priorités, c'est le soutien au tissu économique, l'accompagnement de notre écosystème phare et de toute sa chaîne de valeur qui sont en recherche de profils précis", rappelle Jérôme Viaud. D'où l'accueil, au-delà des masters cités plus haut, de l'Ecole Supérieure du Parfum qui propose un cursus de cinq ans autour des métiers de la parfumerie avec une spécialisation en aromathérapie et phytothérapie.
D'où aussi, l'arrivée annoncée en février de l'IDRAC Business School avec 2 formations dédiées au commerce international, dont l'une spécialisée dans le marketing management en alternance, afin de "répondre à une très forte demande de l'industrie des arômes et des parfums", précise Valérie Loubat, directrice de Grasse Campus. Dont "l'objectif est de construire des parcours divers, complets jusqu'au bac+5 qui permettent de se former de bout en bout sur notre territoire".
Cette logique ne se limite pas à la filière Arômes et Parfums, et cherche à se dupliquer sur d'autres domaines de compétence : l'ingénierie, le commerce et la gestion, l'hôtellerie et la restauration ainsi que les Arts et Humanités que Grasse Campus souhaiterait compléter par un diplôme bac+5 autour du patrimoine. "Nous ne sommes pas dans une logique d'hyper spécialisation, ce que nous voulons, c'est permettre un large choix de formations, évidemment en cohérence avec les forces du territoire, afin de générer une attractivité locale certes, mais aussi nationale et internationale", relève la directrice.
Vecteur de changement
Vecteur d'attractivité, la transformation du centre historique en campus à l'anglo-saxonne est aussi perçue comme un vecteur de renouvellement urbain. Au niveau patrimonial, bien sûr, avec l'idée de se réapproprier les édifices emblématiques, pour la plupart dormants, afin de les affecter à des fonctions d'enseignement et de laboratoire. En atteste l'étude lancée l'an passé, consacrée au devenir de l'ancien couvent de la Visitation, qui vise à y valider la cohabitation de diverses activités dont une partie enseignement supérieur sur environ 700 m². Au total, ce sont une demi-douzaine de sites, tous placés dans un rayon de 600 m, qui devraient à terme composer le campus grassois.
Au niveau populationnel, également. "Nous sommes convaincus que le développement de l'enseignement supérieur et de la recherche en centre-ville va donner un nouvel élan à la mixité en permettant à la fois de fixer la jeunesse grassoise sur le centre historique et de l'irriguer avec des publics extérieurs, nationaux et internationaux", souligne Jérôme Viaud, qui poursuit : "Les besoins vont évoluer. Les étudiants se logent et consomment différemment, ils veulent des lieux de vie, des bars, des restaurants, des lieux de culture aussi, des cinémas, des musées, et des lieux pour étudier, à l'instar de la médiathèque qui ouvrira ses portes en octobre 2022". Autant d'éléments qui participeront à doper le commerce de proximité, l'autre grand chantier de la collectivité.
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