« Les chefs d’entreprises doivent être associés aux politiques publiques » (Yvon Grosso, Medef Sud)

A trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, le patron des patrons de Provence Alpes Côte d’Azur dresse les desiderata du patronat, plaide pour un small business act européen qui s’inspire des Etats-Unis, propose la régionalisation de Pôle Emploi, d’étendre aussi le label French Tech aux entreprises innovantes de toutes tailles et en remet une couche sur un export mieux organisé et plus pertinent.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Le MEDEF - Mouvement des entreprises de France - propose la création d'un comité de pilotage qui inclut les chefs d'entreprise. Quel en est l'objectif ?

YVON GROSSO - On se souvient peut-être qu'en 2017, un Comité Action Publique, appelé Cap 2022 avait été créé, réunissant économistes et personnalités issus des secteurs publics et privés - Enrico Letta ou encore Philippe Aghion en faisait partie - et dont la mission était d'évaluer les politiques publiques et de faire des propositions pour en baisser le coût. Malheureusement, la crise liée au Covid n'a pu permettre que ce Comité ce tienne. Or, il avait tout son sens, avec l'esprit de mieux dépenser et d'arrêter les taxations contre-productives. L'objectif du comité de pilotage que nous proposons est d'associer la société civile dont les chefs d'entreprises, dans la construction des politiques publiques avec l'optique de réduire la dépense publique. Il faut davantage d'efficience dans l'action publique. D'autant que de grandes transitions - numériques et environnementales - restent à mener... et à financer.

Vous appelez à la mise en place du Buy European Act, qui s'appuie sur le modèle américain. En quoi est-il plus ambitieux que le Small Business Act ?

Il est important de repenser la dépense publique comme outil de souveraineté européenne. La commande publique de l'Union européenne représentait en 2019, 200 milliards d'euros. Soit 8% du PIB de la France. En Europe, certaines Etats membres craignent des mesures de rétorsion de partenaires étrangers si cette « préférence » est mise en place. Or, pourquoi n'oserions-nous pas faire ce que font les Etats-Unis, qui garantissent 23% des marchés publics aux PME nationales ? « Small Business Act », « Buy European Act »... peu importe la terminologie. L'essentiel est de rendre à l'Europe sa souveraineté.

Vous êtes favorable à la taxe carbone aux frontières. Pourquoi ?

Je vois deux raisons d'y être favorable. D'abord parce que l'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'UE sur les filières volontaires est pour nous une mesure clé afin de se créer des avantages compétitifs durables tout en décarbonant notre économie. Les entreprises ont en effet besoin d'incitation de long-terme pour s'engager pleinement dans la transition environnementale. Ensuite, parce qu'elle contribuerait à rembourser les fonds empruntés par la Commission européenne, notamment ceux contractés lors de la crise sanitaire. Nous sommes en revanche attentifs à ce que cette taxe, si elle doit voir le jour, soit stable dans le temps.

Autre sujet : pourquoi souhaiter une régionalisation de Pôle Emploi ?

C'est très simple : pour améliorer son efficacité ! 300.000 recrutements sont abandonnés chaque année. Et l'entrée en formation des demandeurs d'emploi requiert un délai de 7 mois. L'idée n'est pas de découper Pôle Emploi en autant de structures régionales qui seraient ensuite rattachées aux conseils régionaux. Notre proposition vise plutôt à développer une logique de contractualisation par objectifs entre les directions régionales de Pôle emploi, qui existent déjà, et leurs parties prenantes locales, comme le MEDEF, le Conseil régional, les CCI... N'oublions pas que ce sont les acteurs de terrain qui connaissent les besoins des entreprises, les spécificités locales et peuvent contribuer à créer une réelle dynamique.

Le MEDEF prend également position sur un sujet dont on parle beaucoup ces derniers mois, celui des matières scientifiques et techniques. Comment les réintroduire pour que ces matières soient véritablement choisies par les jeunes ?

Il faut que l'on redonne aux jeunes l'envie d'innover, de créer. Cela passe par la mobilisation des enseignants et par la diffusion, auprès du grand public, d'une information scientifique de qualité. La France n'est pas bien positionnée dans les classements internationaux. Elle doit retrouver son leadership technologique. Nous préconisons une meilleure orientation des jeunes, dès le collège, ou encore un retour sur la réforme du baccalauréat, qui a ramené de 6 heures à 2 heures l'enseignement hebdomadaire en mathématiques dans le tronc commun en classe de première et de terminale. Cela disqualifie les jeunes qui souhaiteraient s'orienter vers les filières scientifiques.

Continuons à parler innovation. Vous proposez d'étendre le Label French Tech. De quelle façon ? Est-ce vers d'autres secteurs que le numérique ?

Nous souhaitons élargir le label French Tech de sorte qu'il s'étende au-delà du monde des startups, à l'ensemble des entreprises numériques mais aussi technologiques. Il faut aujourd'hui faire bénéficier davantage d'entreprises des retombées positives de ce label en termes de notoriété, d'accès au marché et de levée de fonds.

Vous appelez à la création d'un service de renseignement économique et d'un conseil national de l'export. Pourquoi ? Avec quels objectifs ? Sur l'export, estimez-vous qu'il ne soit pas suffisamment encouragé ?

Ce sont deux mesures que nous préconisons pour redresser notre commerce extérieur, face au durcissement de la concurrence internationale. La proposition de créer un « service de renseignement économique » est motivé par la nécessité d'adapter les stratégies export des entreprises aux évolutions et enjeux des marchés étrangers. Il rassemblerait les différents ministères concernés et le secteur privé. De son côté, le Conseil national de l'export aurait pour objectif une reconquête de l'exportation, sur le modèle du Conseil national pour l'industrie, en mettant l'accent sur la dynamique public-privé, la définition des secteurs et des pays clés, en mettant en place des stratégies de filières et des stratégies transverses. Le MEDEF est mobilisé de longue date sur ces sujets. Ce n'est pas un hasard si nous avons souhaité créer l'Alliance des patronats francophones. Il nous faut renforcer notre capacité à l'export.

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Commentaire 1
à écrit le 08/04/2022 à 11:37
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les chefs d'entreprises sont déjà associés : ils sont très largement assistés par les pouvoirs publics. alors que les entreprises sont la source de la plupart des maux de ce monde. elles veulent être assistées dans la transition écologique, alors qu'...

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