La stratégie de conquête des Brasseurs indépendants pour faire mousser la bière made in Côte d’Azur

Fondée en 2017, l’association des Brasseurs indépendants des Alpes-Maritimes cherche à rendre visible un savoir-faire brassicole local qui, bien que fragilisé par la crise sanitaire, entend profiter de la dynamique de croissance qui porte le segment artisanal, à condition que la hausse du coût des matières premières ne vienne pas l’enrayer.
(Crédits : DR)

Au pays du vin roi, la bière n'hésite plus à se faire mousser. Il faut dire que depuis une décennie, le houblon connaît un regain d'intérêt, au point qu'avec 2.300 brasseries (chiffres 2020 / Les Brasseurs de France) enregistrées au compteur, la France truste le haut du podium européen. Certes, en matière de volume de consommation, l'Hexagone reste bon dernier de l'UE, mais la dynamique s'inscrit clairement à la hausse avec en moyenne 33 litres par an et par habitant consommés en 2020, contre 30 litres six ans plus tôt*. Un engouement qui profite aux 1600 brasseries artisanales qui, de plus en plus, sortent de l'ornière. Car si ces dernières ne représentent que 7 à 8% du marché, elles ont généré en 2019 une croissance annuelle de 16% et près de 5 créations d'entreprise par semaine (chiffres 2019 / Syndicat National des Brasseurs Indépendants). Et entendent bien le faire savoir.

Lettres de noblesse

C'est l'objectif premier de l'association des Brasseurs indépendants des Alpes-Maritimes (BIAM). Fondée en 2017 par 6 micro-brasseries azuréennes, elle en regroupe désormais une quinzaine sur la vingtaine présente sur le territoire maralpin. "Notre priorité est de promouvoir les bières artisanales, faire de la pédagogie et s'installer dans le paysage pour montrer qu'en région Sud existe aussi un savoir-faire brassicole en train de renaître, explique son président, Romuald Gourlot. Nous avons longtemps été freiné par l'image du produit, celle de l'alcoolique et sa pinte, accoudé au zinc, mais cela change. Aujourd'hui, les consommateurs dégustent de la bière comme ils dégusteraient du vin. C'est ce que l'on veut pousser, avec des événements comme le Concours du brasseur amateur, et bien sûr des produits de qualité, voire, pour certaines brasseries, des bières très travaillées, très complexes qui méritent toutes leurs lettres de noblesse".

Diversité de positionnement

Une diversité de recettes que BIAM cherche à mettre en exergue, et ce à travers sa B-Box, initiative née à la faveur du Covid et réitérée pour les fêtes de Noël. L'idée : réunir en une offre packagée 24 bouteilles provenant de 12 micro-brasseries locales différentes. Durant le premier épisode Covid, 1.400 B-Box ont été vendues, "ce qui a permis à certaines brasseries de survivre", souligne le président. Car avec la fermeture des bars, restaurants et activités événementielles, le secteur a vu son chiffre d'affaires chuter de 40%, sans pour autant bénéficier d'aides, les ateliers de production étant restés ouverts car considérés comme essentiels. La baisse a été plus importante pour les brasseries artisanales, sans marché alternatif en dehors de la vente directe, de certains commerces locaux et, pour seulement 22%** d'entre elles, de la grande distribution.

A cet égard, y-a-t-il une volonté de développement de ces micro-brasseries, et si oui, peuvent-elles suivre en matière de production ? "Cela dépend des structures, répond celui qui préside également la brasserie CraftAzur. Ma brasserie, qui peut être considérée de taille moyenne par rapport à l'offre azuréenne, produit environ 250 hectolitres par an, ce qui ne suffirait pas à alimenter à la pression un gros bar d'Antibes sur toute une année. Elle s'inscrit plutôt dans un schéma local. D'autres veulent s'étendre, et se cherchent un destin national". Parmi elles, la Brasserie du Comté, la doyenne des brasseries artisanales des Alpes-Maritimes bien qu'elle n'ait pas encore 10 ans, présente en grande distribution depuis 2 ans. Détruite lors du passage de la tempête Alex, en octobre 2020, elle a pu compter sur la solidarité de ses consœurs du BIAM pour continuer de produire le temps de la reconstruction. En mars prochain, avec l'inauguration de son nouvel outil de production pour lequel plus de 3 millions d'euros ont été investis, toujours à Saint-Martin Vésubie, elle entend bien enclencher une nouvelle phase de croissance. Celle-ci vise une production annuelle de 7.800 hectolitres en 2024, contre 1.760 en 2019. Et prévoit de relancer l'entièreté de ses références mais aussi d'en créer de nouvelles, sans alcool, sans gluten, entre autres.

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Des marchés à conquérir

Il s'agira également de développer la bière en canettes et la bière en fûts, notamment à destination des bars, un segment de marché encore monopolisé par les industriels et pour lequel les brasseries artisanales semblent démunies. A priori. "Nous n'avons pas la même force de frappe, nous ne sommes pas capables d'offrir des systèmes de tirage pression gracieusement en échange de contrats d'exclusivité. Toutefois, les mentalités évoluent car l'usage change du côté du consommateur qui est en demande de nos produits", relève Romuald Gourlot. Conséquence : "Nous voyons de plus en plus de bars se positionner sur les produits locaux et bières artisanales, et investir dans leurs propres outils pour avoir la liberté de choisir leur carte". Une dynamique que l'inflation du coût des matières premières pourrait bien venir enrayer. "C'est notre grande crainte, admet-il. Tout augmente de manière sérieuse, et selon certains de nos fournisseurs, la stabilisation n'est pas attendue avant la fin 2022. Après deux années compliquées, c'est un danger de plus qui pèse sur les PME en général".

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