« L’industrie n’était pas attractive, elle le redevient » (Anne-Sophie Alsif, BDO France)

Alors que les financements sont là, que le Plan de relance pousse à la modernisation de l’outil de production, que l’innovation irrigue le secteur, l’industrie, longtemps boudée, est regardée à nouveau avec un intérêt particulier, presque pressant. Mais pour celle qui est chef économiste au sein du cabinet BDO France, invitée du Provence Zéro Carbone, la réindustrialisation qui fonctionne est celle qui se spécialise et qui sait orienter les investissements, avec une vision long terme, obligatoire pour la compétitivité.
(Crédits : DR)

La réindustrialisation est le sujet qui a été en filigrane tout au long de la crise. Le plan de relance consacre d'ailleurs une grande part de ses financements à l'industrie, poussant les PMI notamment à s'inscrire dans un mouvement de modernisation qui consolide leur outil de production. Pour autant, réindustrialiser et y additionner la dimension durable ne se fait pas avec des intentions mais avec des convictions et surtout une vision long-termiste.

« Nous avons eu un processus de désindustrialisation assez massif depuis 20 ans, pour des raisons d'emplois. Lorsque des pays ayant des coûts de main d'œuvre moins importants sont arrivés sur le marché international, l'idée a été de se développer vers les services, où les emplois n'étaient pas délocalisables, pour rester attractif », explique Anne-Sophie Alsif. « Le corollaire a été moins d'investissements dans l'industrie avec des pans entiers de filières, partis à l'étranger ».

Et si réindustrialiser est devenue une nécessité tout comme un objectif national, il n'en reste pas moins que cela reste plus facile à dire qu'à faire.

« Réindustrialiser, relocaliser, re-attirer est compliqué car une fois que le processus productif est parti, il est moins facile de reconstituer le savoir-faire que ce soit pour des raisons de capital humain ou de capital technologique. Pour réindustrialiser il faut avoir du financement et mettre en place des politiques d'attractivité ».

Attirer par les atouts, pas par la décision politique

L'industrie, qui ne se pose pas là par hasard. Ce qui, dit Anne-Sophie Alsif montre aussi la pertinence de France Relance. « Nous avons vu que nous avions certains produits que l'on ne fabriquait pas. Mais si on ne les fabrique pas, c'est qu'il n'y a pas d'avantages comparatifs à garder ce genre de produits parce que la valeur ajoutée créée n'est pas forcément efficace.

L'idée ce n'est pas de décider de se réindustrialiser. On peut le décider mais économiquement, cela n'a pas d'impact. Il faut attirer par les avantages existants ».

Il y a pourtant un mouvement commun qui est la modernisation de l'industrie, cette industrie 4.0 moderne, propre, innovante. Mais tous les pays ne vont pas à la même vitesse. « Le 4.0 est mal connu, la France est en retard sur ce sujet par rapport aux pays du Nord ou à l'Allemagne où les transitions sont très connues, où l'industrie n'est peut-être pas la plus propre mais où il y a des normes, un processus de transformation vers la robotique et les énergies propres. Ce que l'on ne voit pas toujours dans les services »

C'est aussi le rôle de France Relance et les 30 milliards qu'il octroie dans les territoires, de pousser à cette transformation à la fois verte et numérique, qui répond clairement à des notions d'attractivité.

Comment réussir la relance et en faire un bon Plan ?

« Nous faisons face à une crise conjoncturelle et des changements et des révolutions qui sont plutôt structurels. Alors que d'habitude, on devait faire face à une crise financière ou commerciale. C'était une crise d'une nature identifiée. Là, c'est une crise conjoncturelle, liée au Covid, avec un phénomène de rattrapage - on essaie de retrouver le même niveau de richesse que ce que l'on a perdu - et parallèlement à cela, on a des évolutions structurelles, sur trois enjeux fondamentaux : le vieillissement, la numérisation et la transition écologique qui est la plus pressante en termes de temps ».

Ce qui veut dire une transformation durable des processus de production avec l'accès à l'énergie notamment. « Ces transformations créent de l'inflation, c'est pour cela que l'on parle inflation conjoncturelle pour le rattrapage du pouvoir d'achat, mais structurellement, elle existera toujours, c'est pour cela que la diversification des sources d'énergie est absolument indispensable parce que si on a une seule source d'énergie possible, la demande va exploser et sur le pouvoir d'achat, l'impact sera catastrophique ».

Mais il y a aussi la question des compétences, autre nerf de la guerre. « On parle beaucoup d'industrie mais il faut avoir les compétences qui vont avec. Un projet industriel demande une vision à dix ans. Nous avons de l'argent pour avoir cette vision à dix ans. Le Green Deal européen 2035 nous dit voilà comme ce sera. La législation et les plans de relance orientent beaucoup plus la reprise et la relance que ce que l'on pouvait voir dans les précédents plans de relance. Il est important aussi de se rendre compte que ce ne sont pas que les entreprises qui pensent l'industrie zéro carbone, ou les citoyens ou le gouvernement ».

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