Dans le Var, le projet de valorisation économique de l’arbousier créera-t-il une filière ?

Dans les massifs des Maures et de la Sainte-Baume, dans leVar, l’association Forêt modèle de Provence cherche à valoriser cet arbre méconnu. Allié de la pollinisation et de la régénération des écosystèmes naturels après un incendie, celui-ci produit un fruit, l’arbouse peut s’intégrer à diverses préparations culinaires. Quant aux feuilles et à l’écorce, elles auraient un pouvoir anti-oxydant utile pour les cosmétiques. Autant de pistes explorées, en lien avec une dizaine d’entreprises régionales.
(Crédits : DR)

C'est une petite baie charnue, 15 grammes à peine, rouge-orangée, recouverte de petits pics, devant laquelle on passe parfois sans s'attarder. Peu connue, l'arbouse - que l'on appelle aussi fraise chinoise - présente pourtant, en plus de son intérêt gustatif, des qualités nutritives intéressantes. 30 fois plus de vitamine C qu'une orange dit-on.

Très présent dans le bassin méditerranéen, ce fruit n'est pas valorisé en France, au-delà de quelques confitures concoctées pour l'essentiel dans le cadre familial.

A l'inverse, au Portugal, une filière a été mise en place. On y trouve par exemple de l'eau de vie à l'arbouse. Et même un musée dédié. Si bien que le fruit s'y vend à un prix relativement élevé.

Un arbuste qui contribue à régénérer les forêts incendiées

De quoi inspirer l'association Forêt modèle de Provence, basée à Gardanne et créée en 2013 par la Région Sud pour fédérer et porter une réflexion sur la gestion durable des espaces forestiers. Elle regroupe un certain nombre de collectivités locales, d'associations, de syndicats ou d'instituts et s'inscrit dans le réseau méditerranéen des forêts modèles. Parmi ses objectifs, « la multi-valorisation d'essences forestières », explique Nicolas Plazanet, coordinateur de l'association. Une manière d'offrir à des essences qui n'en ont pas une valeur économique, ce qui peut contribuer à mieux les préserver. C'est dans ce cadre que s'inscrit la valorisation de l'arbousier. Avec un intérêt écologique fort.

« L'arbousier est un petit arbre au feuillage persistant assez passionnant qui fleurit en même temps que ses fruits mûrissent ». La floraison, tardive, permet d'offrir le couvert aux pollinisateurs tandis que les fruits, à qui il faut une année avant d'arriver à maturité, nourrissent les oiseaux lorsque ceux-ci n'ont plus grand chose à se mettre sous la dent. Par ailleurs, l'arbre est pyrophyte, « c'est-à-dire qu'il se régénère très bien après un feu. Cet été, 7.000 hectares ont brûlé dans le massif des Maures et on constate que ces arbres sont, avec la bruyère, parmi les espèces qui se régénèrent le plus ». Les racines de l'arbuste permettent, qui plus est, de lutter contre l'érosion du sol.

Produit du terroir

Lorsque le projet de valorisation de l'arbousier est lancé, il concerne d'abord le fruit. « Face à l'essor des brasseries locales, nous voulions le valoriser par de la bière mais les brasseurs n'ont pas voulu prendre le risque. Nous avons donc choisi de réaliser nous-même cette bière ». Après plusieurs tests, l'association se fixe sur une recette faite d'arbouses précuites et de miel. Deux versions sont proposées : blonde et ambrée. « Nous avons montré que c'était possible. Désormais, 3 ou 4 brasseries sont intéressées pour reprendre ce concept. Nous sommes en discussion ».

Le fruit est également testé dans des préparations de confitures, de glaces, de jus de fruit, des calissons au miel d'arbousier, ou encore des spiritueux. « Nous travaillons avec une dizaine d'entreprises de la région ». Des entreprises qui cherchent à valoriser leur terroir en faisant connaître à leurs clients un fruit aussi méconnu que profondément inscrit dans les paysages méditerranéens. « Ceux-ci sont curieux de découvrir de nouveaux produits ». Une curiosité à laquelle s'ajoute un intérêt pour les projets soucieux de valoriser les ressources naturelles tout en respectant l'environnement. « Il y a quelques années, ce projet aurait eu du mal à voir le jour. Mais désormais, le terreau est plus fertile ».

Un intérêt cosmétique

Et l'arbousier n'intéresse pas seulement le marché de l'alimentation. L'association compte ainsi parmi ses adhérents l'entreprise grassoise Nissactive qui fabrique, à partir de matières premières locales, des principes actifs pour l'industrie cosmétique. « Avec eux, nous réalisons des tests sur les différentes composantes de l'arbre ». Ce, à partir d'échantillons récoltés dans le Parc naturel régional de la Sainte-Baume. Parmi ces composantes à l'étude, la feuille et l'écorce qui, d'après les tests comparatifs réalisés, ont d'intéressantes propriétés anti-âge et ne sont pour l'heure pas du tout exploitées en cosmétiques.

S'ensuivront une batterie d'étapes en vue de la mise au point d'ingrédients cosmétiques. Notamment « des tests pour voir si l'exposition, le type de sol, la proximité avec la mer, la saison ont une influence sur la qualité du produit ». Puis en bout de chaîne, les tests d'innocuité indispensables à une mise sur le marché espérée à l'horizon 2023. Nissactive pourra alors proposer son ingrédient à ses clients, des fabricants de cosmétiques. « Pour le moment, une structure importante de la Région est déjà intéressée. Il faudra poursuivre les discussions » assure Nicolas Plazanet.

Si le succès est au rendez-vous, l'approvisionnement se fera à partir d'arbres déjà présents dans le Parc régional de la Sainte-Baume, et non à partir de cultures. « La ressource naturelle est largement suffisante. D'autant que Nissactive cherche à sortir la quintessence de l'extrait. Il n'y aura pas besoin d'importantes quantités. Cela ne représentera même pas 1 % de la ressource existante ». Une façon de tirer profit de la nature sans l'épuiser, tout en valorisant son terroir.

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