Les Geiq, double réponse au chômage et aux besoins en main d’œuvre des entreprises

Dans les années 1990, face au chômage de masse et aux des difficultés de recrutement qu’elles rencontrent, des entreprises décident de coopérer pour répondre à ce double enjeu. C’est ainsi que naissent les Groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification, chacun représentant une branche d’activité sur un territoire défini. En Provence-Alpes Côte d’Azur, un millier de personnes est accompagné chaque année vers l’emploi grâce à cet outil qu’ont adopté 350 entreprises.

C'est un paradoxe que d'une pléthore de dispositifs tentent de résoudre, avec des résultats pas toujours à la hauteur des attentes. D'une part, un taux de chômage élevé - 9,1% en Provence-Alpes-Côte d'Azur au second trimestre de 2021 d'après l'INSEE, contre 8% en France - avec tout ce que cela peut générer de mal-être-social et de précarisation économique à l'échelle individuelle ou familiale et de coûts pour la société. Coûts économiques bien-sûr, à travers le versement de prestations sociales, mais aussi en matière de cohésion sociale.

D'autre part, des métiers en forte tension. Dans des filières comme le BTP, l'industrie ou encore l'agriculture, on manque de bras. Le manque est parfois saisonnier, mais il peut aussi être structurel. Conséquence : des entreprises mises en difficultés, freinées dans leur développement faute de pouvoir répondre à la demande.

Chômage d'un côté. Besoins en main d'œuvre de l'autre. Et entre les deux, dans de nombreux cas, une incompatibilité entre les compétences des demandeurs d'emploi et celles qu'exigent les postes à pourvoir.

Par les entreprises, pour les entreprises

Face à ce paradoxe, dans le contexte de chômage de masse du début des années 1990, des entreprises décident de se fédérer en constituant des Groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification. Ces groupements, portés par des entreprises d'un même secteur d'activité, disposent du statut d'association dont les membres sont à 100% des entreprises. Leur mission est de mettre en lien des entreprises ayant des besoins de recrutement avec des candidats éloignés de l'emploi qu'elles n'auraient pas rencontrés par les circuits classiques : jeunes sans qualification, réfugiés, bénéficiaires de minimas sociaux... « C'est une solution en ressources humaines gérée et pilotée par des entreprises pour recruter et former du personnel », résume Océane Lantez, déléguée régionale des Geiq en Provence Alpes Côte d'Azur.

Un Geiq a plusieurs missions. Tout d'abord, il est le porteur du contrat de travail qui permet au demandeur d'emploi de travailler dans l'entreprise. Ensuite, il organise la formation du demandeur d'emploi. Une formation personnalisée, adaptée tant aux besoins du travailleur qu'aux compétences qu'exige son poste de travail. Celle-ci se déroule en alternance au sein d'une entreprise qui, au terme du contrat, pourra embaucher directement le demandeur d'emploi. En CDI dans la plupart des cas car l'objectif n'est pas de répondre à des besoins ponctuels mais plutôt structurels, ce qui distingue l'outil de l'intérim.

Conçus par et pour les entreprises, les Geiq sont également fortement financées par celles-ci. 70% de leur budget provient des entreprises adhérentes qui paient une tarification en fonction du nombre d'heures au cours desquelles la personne qu'elles accompagne a travaillé pour elles. Les fonds de la formation professionnelle et les subventions publiques (émanant de l'Etat essentiellement) vient combler le reste du budget.

« Quand on sort ces personnes de la précarité, elles deviennent des salariés particulièrement motivés »

« Pour l'entreprise, le coût n'est pas très élevé. C'est un peu moins cher que de l'intérim », observe Christophe Drone, président de la société Agis qui œuvre dans le domaine de l'agroalimentaire à Avignon. Il est aussi un fervent défenseur du dispositif puisqu'il occupe en parallèle les fonctions de président des Geiq PACA et d'un Geiq dédié à l'agroalimentaire dans le Vaucluse.

Il reconnaît que le tutorat prend du temps - même si l'entreprise est déchargée par le Geiq de toutes les démarches administratives - mais estime qu'il s'agit d'un investissement profitable à terme. « Ce sont des personnes qui sont dans des situations difficiles. Quand on les sort de cette précarité, qu'on les forme à leur poste, qu'on leur donne un CDI, elles deviennent des salariés particulièrement motivés. Dans mon entreprise, la moitié des CDI viennent du Geiq. Il y a de superbes parcours ». Et de citer l'exemple d'un « jeune, ancien militaire qui a dû arrêter son travail à cause d'une blessure et qui était un peu perdu. On l'a formé au métier de préparateur de commande l'an dernier et maintenant, il est chef d'équipe ».

Un millier de demandeurs d'emploi accompagnés chaque année

En Provence-Alpes Côte d'Azur, 350 entreprises adhérent à un des 16 Geiq qui s'y trouvent. Plusieurs secteurs d'activité sont ainsi concernés : BTP, agroalimentaire, propreté, hôtellerie-restauration ou encore, depuis peu, sport et animation.  Le dispositif accompagne ainsi un millier de demandeurs d'emploi chaque année. En 2020, pandémie oblige, ce chiffre est tombé à 743 personnes. Parmi elles, 68 % ont trouvé un emploi à l'issue de leur contrat avec le Geiq, un emploi durable dans 47 % des cas (c'est-à-dire CDI ou CDD de plus de 6 mois)

Malgré ces résultats, le dispositif reste, selon l'avis d'Océane Lantez et Christophe Drone, encore méconnu. Bien qu'assez ancien, il ne dispose d'une reconnaissance officielle de l'État que depuis 2014, date à laquelle il a été inscrit dans le Code du travail. « Depuis 4 ou 5 ans, il y a une vraie dynamique », ressent l'entrepreneur et Président du Geiq PACA. Une dynamique qui s'est notamment traduite par l'ouverture à de nouveaux domaines d'activités comme le sport et l'animation, relevant davantage du milieu associatif que de l'entreprise. Preuve selon lui de l'adaptabilité de l'outil.

Pour amplifier la dynamique, les Geiq de la région souhaitent étoffer leur maillage en se faisant mieux identifier par les prescripteurs que sont Pôle Emploi ou les missions locales.

Une plateforme numérique pour une communication plus directe

Ils tiennent par ailleurs à communiquer directement auprès des premiers concernés : les entreprises et les demandeurs d'emploi. D'où le lancement récent d'une plateforme digitale baptisée « On démarre demain ». « L'idée c'est de faire connaître le Geiq autrement que par son nom qui est, il faut l'avouer, un peu barbare », explique Christophe Drone. Et Océane Lantez de détailler : « Pour le demandeur d'emploi, la clé d'entrée sur la plateforme est le secteur qui l'intéresse. Puis on le met en relation avec le Geiq correspondant ». Quant à l'entreprise recruteuse, il lui suffit de renseigner ses coordonnées et son domaine d'activité. « On a voulu un outil qui soit le plus simple possible pour que les utilisateurs ne s'y perdent pas ».

Un outil de mise en relation et de communication pour le dispositif qui, hormis l'évident apport de main d'œuvre, présente divers avantages pour les entreprises adhérentes. Parmi eux : la possibilité de renforcer sa politique RSE, de répondre aux clauses sociales de marchés publics pour les secteurs concernés (BTP, propreté), ainsi que de nouvelles opportunités d'échanger voire de collaborer avec les autres entreprises du secteur, petites ou grandes (en PACA, 39 % des entreprises adhérentes ont entre 10 et 49 salariés, 30 % plus de 50, 10 % plus de 300), qu'elles soient locales ou nationales.

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