« Le métier de transporteur routier de voyageurs doit se remettre en question » (FNTV Sud)

Problématiques de recrutement, de formation, intégration de critères sociaux dans les marchés publics, image du métier à modifier et cadre conventionnel aussi… le transport routier de voyageurs fait face à des défis parfois complexes parfois pas si compliqués mais tous sont intrinsèquement liés pour redonner à la filière une certaine modernité. Alors même que la problématique environnementale lui est favorable, comme l’explique Jean-Paul Lieutaud, président de la Fédération Sud.
(Crédits : DR)

250 personnes, c'est le besoin en main d'œuvre du transport routier de voyageurs comptabilisé en Provence Alpes Côte d'Azur. Très précisément, 200 postes de conducteurs et 50 postes dédiés à la maintenance et à la mécanique. Un besoin crucial si on considère que 168 d'entre eux sont à pourvoir immédiatement. Un casse-tête voire un supplice chinois pour la Fédération nationale des transports de voyageurs Sud, qui dresse le même constat que d'autres filières mais pas forcément dans le même sens : la crise a joué le rôle d'accélérateur. « Le manque de main d'œuvre est une problématique que nous sentions émerger chaque année. La crise sanitaire a été un accélérateur. Nous avons d'abord été obligé de stopper les formations. Notre profession étant en flux tendu, cela n'a pas arrangé la situation », explique Jean-Paul Lieutaud, son président. A considérer, en sachant que chaque année, la formation permettait la mise sur le marché de 250 compétences nouvelles. Déjà, alors, à peine de quoi couvrir les besoins...

Revoir le modèle social

Mais la pandémie, dans le coup d'arrêt qu'elle a porté à différents pans de l'économie, n'est pas l'unique responsable de la situation. « La désaffection pour notre filière vient du modèle social de notre métier. On se lève tôt. Le statut de CPS (comprendre de conducteur en période scolaire NDLR) est précaire parce qu'il ne met en activité le conducteur que sur un temps d'activité scolaire court, comme le trajet vers la piscine ou le stade, ce qui signifie des rotations le matin et/ou l'après-midi, mais rien entre les deux. Cela a contribué à paupériser le vivier de compétences pouvant nous rejoindre. Sans oublier l'aspect démographique, puisque la moyenne d'âge se situe à 50 ans. Tout cela explique que le métier n'intéresse pas ».

Sur la question de l'image, Jean-Paul Lieutaud reconnaît qu'il « faut que nous nous remettions en question ». Et au-delà des conditions du métier lui-même, il y aussi la perception de celui-ci. « On ne voit pas le conducteur, on voit le car. On voit l'objet, on ne voit pas les femmes et les hommes qui le composent. Un peu comme au théâtre où on voit les acteurs sur scène mais pas ceux qui sont dans les coulisses et contribuent au succès du spectacle ». Une preuve, s'il en fallait une, est cet « oubli » de la profession l'an dernier comme partie du Plan Tourisme de l'Etat. « Nous avons dû justifier du poids du tourisme dans notre activité pour être intégrés dans le Plan », regrette le président de la FNTV Sud.

Et Jean-Paul Lieutaud de rappeler que la filière pèse 8.000 emplois en Provence Alpes Côte d'Azur, dont 80% sont des conducteurs. Et que, le métier n'est pas dénué d'une dimension sociale. « Ce n'est pas le tout d'être conducteur, il faut aussi savoir s'adresser à la clientèle, gérer tout type de situations, avoir la bonne réaction en cas de difficultés... »

Les critères sociaux comme les critères environnementaux

Et outre le métier de conducteur - la plus visible finalement - il y a aussi celui qui gère la mécanique et la maintenance. Et qui, non, ne ressemble plus au métier d'antan, salissant, pénible. « Les cars sont bourrés d'électronique, bien plus que les véhicules pour particuliers ». Un métier qui rémunère bien mais qui souffre de cette image qu'ont les métiers manuels, « considérés comme des métiers d'échec », alors que pour être « mécanicien, il faut aussi faire des études », souligne Jean-Paul Lieutaud.

Un président qui voit dans les marchés publics, un levier à activer pour contribuer à vitaliser le métier. Simplement en intégrant des critères sociaux. « Il faut inclure une reconnaissance des compétences sociales des entreprises. Le prix, c'est la sécurité ». Et jouer sur l'effet volume, pourquoi pas, comme en « groupant peut-être les marchés des scolaires des marchés péri-scolairesLes critères sociaux comptent autant que les critères environnementaux ».

Et puis il y a le cadre conventionnel. « Il faut y mettre un peu d'huile, la carotte, c'est le salaire ». Et ça vaut notamment pour ce qui est du taux horaire du CPS. « Nos responsabilités méritent un salaire en rapport. » Plus globalement, « nous n'y arriverons pas tous seuls. Le législateur comme le donneur d'ordre, comptent également dans l'équation ».

La baisse de l'âge plancher pour accéder au métier de conducteur, ramené de 21 ans à 18 ans est déjà une première victoire. Car « qui viendrait au métier de conducteur à 21 ans ? Celui qui est intéressé aura déjà choisi un autre métier avant ».

Réponse à la transition écologique

Si la liste des leviers à activer est plurielle, il est un avantage qui accompagne parfaitement la transition écologique, celui du rapport entre le car et la voiture, qui est de 1 pour 30. « Un car sur la route équivaut à 30 voitures, ce sont 30 pots d'échappement en moins ». Et on ne parle pas des énergies durables, électrique et hydrogène, qui ouvrent des perspectives complémentaires. « Il existe une énergie pour chaque usage. Le car, c'est vertueux ». Le succès des lignes SLO (service librement organisé NDLR) plus connus sous le vocable de cars Macron en est une preuve et draine l'appétence des jeunes générations pour un transport à impact maîtrisé. Un levier qui peut jouer le rôle d'accélérateur, dans le bon sens. Pour rappel, le transport routier de voyageurs concerne 792 établissements en Provence Alpes Côte d'Azur, 7.923 salariés dont 6.281 conducteurs pour 5.205 autocars.

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Commentaires 2
à écrit le 06/10/2021 à 10:47
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Quand on fait du flux tendu, on doit théoriquement réserver un stock tampon pour palier aux retards et aux changements. Hors il n'y à plus de personnel pour assurer les imprévus. Sans stock tampon, on doit jouer sur la polyvalence du personnel qualif...

à écrit le 06/10/2021 à 3:12
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Quel delabrement.

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