Alain Madelin : « La légitimité de l’entreprenariat ne doit pas répondre à un modèle absurde »

La légitimité entreprenariale est un sujet « original » mais pas moins dépourvu de questionnement. Et c’est aussi le sujet central d’une chaire spécifique que porte, depuis 2019, Aix-Marseille Université. Invité à s’exprimer au cours de l’université d’été dédiée qui se tient durant deux jours à Marseille, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, également passé par l’Industrie livre sa vision sur ce qu’est la légitimité, comment elle est doit être perçue et pourquoi il ne faut pas, non plus, oublier les fondamentaux…
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La légitimité est un thème peu abordé lorsqu'on évoque l'entreprenariat...

ALAIN MADELIN - La chaire portée par Aix-Marseille Université est menée par de bons économistes qui disposent d'une vision à 360° des questions économiques et qui ne réduisent pas la légitimité à une définition trop réductrice. D'ailleurs il faut regarder l'étymologie du mot légitimité. Est légitime ce qui est fondé en droit, mais la question est en quel droit ? La légitimité ce n'est pas la légalité c'est plus profond, c'est un ensemble de valeurs codifiées.

Il est intéressant de mettre en regard l'entreprenariat et la démocratie. On est en train de la priver de son humus. La démocratie, réduite au mécanisme des urnes et de la loi de la majorité ou de l'intervention bruyante de la minorité. La légitimité des entreprises c'est autre chose que de respecter la loi.

Certaines PME déplorent le financement « facilité » des startups, est-ce un sentiment qui relève de la légitimité ?

Je ne suis pas certain qu'il manque de l'argent. Il y a souvent plus d'argent que de bons projets. Mais il y a de l'argent. Le financement des entreprises en développement fonctionne très bien. Entre l'entreprise en développement et l'entreprise familiale, il y a en effet un espace. L'entreprise familiale peut signifier, pour un investisseur, des problématiques des successions, de comment cette entreprise fait vivre la famille... Mais il n'y a pas de rapport entre la légitimité et cette question du créneau non couvert du financement.

Faut-il davantage d'incitations législatives ? On voit souvent revenir en période électorale le sujet du fléchage de l'épargne des Français vers les entreprises...

Non. Le fléchage de l'épargne des Français signifierait qu'il s'agit d'épargne rémunérée. On ne peut pas leur proposer de l'épargne à zéro... Le financement doit se faire par la dette et le capital. Cependant, on peut toujours imaginer des solutions plus sophistiquées. Avec par exemple des fonds evergreen, dont la vocation est de rester longtemps au capital, qui seraient l'émanation de sociétés cotées et qui pourraient être animés par des équipes d'entrepreneurs expérimentés. Mais le fonds d'appel aux Français à l'épargne, expliquez-moi comment ça marche.

La chaire sur la légitimité portée par l'AMU propose l'accès à des méthodes et des connaissances venant d'autres secteurs, aux dernières recherches scientifiques aussi, de développer le réseau, de gagner en visibilité. C'est mieux qu'un club d'entrepreneurs où on partage ses doutes, ses idées, ses expériences ?

Il ne s'agit pas d'un groupe de prise de parole des Alcooliques Anonymes. C'est la mise à disposition d'une recherche universitaire sur la théorie de la légitimité. Il faut le retour des fondements moraux de l'entreprise. Les règles institutionnelles déforment les comportements. La méconnaissance des règles de la nature humaine entraîne la formation de ce que l'on appelle les structures de péchés. Aujourd'hui on dit vive l'entreprise à condition qu'elle se tourne vers de nouvelles règles. On est dans un certain ahurissement de valeurs. La division du travail et le libre échange étaient, auparavant, dans les manuels scolaires, des leçons de morale. Aujourd'hui on dit « il faut moraliser le capitalisme ».

Lorsque vous avez quitté la sphère politique pour celle du financement des entreprises et créer Latour Capital, vous avez dû acquérir une légitimité dans ce secteur particulier...

J'étais perçu comme totalement illégitime. Certains gardiens du temple vous le font ressentir. Mais il faut jouer le jeu. Cela signifie aussi qu'il n'existe pas de légitimité innée. En l'occurrence, je n'avais pas l'expérience des fonds d'investissements. Ce qui se comprend. Des personnes vont vous confier leur argent, vous devez avoir une légitimité pour remplir cette fonction. La création d'entreprise est à part. Beaucoup d'entrepreneurs qui réussissent, sont, pour autant, passés par des parcours tortueux. Il faut éviter une modélisation absurde, à la keynesienne. Le cognitif a aussi son importance. La valeur, c'est aussi des sentiments.

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Commentaire 1
à écrit le 13/07/2021 à 20:44
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Toujours là celui là, mais que fait notre couteux covid?

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