Et Pierre Laffitte créa Sophia-Antipolis…

Sa vision, détonante à l’époque – et elle le serait sans doute encore aujourd’hui – a donné naissance à la technopôle leader en Europe, portant l’innovation, dans toutes ses définitions, comme un étendard. Un modèle de disruption souvent scruté et pas vraiment égalé, qui a su évoluer avec le temps et les technologies, se réinventer, s’adapter aussi. Contre vents, crises et marées.
(Crédits : DR)

Son idée, c'était de créer « le Quartier latin aux champs ». Pas une idée née de nulle part mais appuyée par ce qu'il constate à Paris avec une fuite des compétences et des cerveaux par manque d'aménagement du territoire adapté. Une idée qui prend forme finalement dans le Sud, au cœur d'une pinède posée entre la mer et l'arrière-pays, vierge de tout aménagement et suffisamment étalée pour permettre d'imaginer qu'ici se réuniraient tout ce qu'il faut pour faire un monde innovant, les instituts de recherche, les enseignants, les industriels et les entreprises. La meilleure façon, selon cet ingénieur, de concrétiser ce qu'il appelle la « fertilisation croisée ». Croisement de talents, d'expertises, de capacités. Une expression régulièrement reprise encore aujourd'hui pour dire autrement comment réunir le meilleur de tous les mondes.

Lier économie et écologie

Née en 1969, Sophia-Antipolis à la cinquantaine rugissante. Dire que le parcours du parc technologique a été un long fleuve tranquille serait évidemment erroné. Sophia-Antipolis a connu des hauts et des bas, des crises - douloureuses - et des moments de remise en question. Chacune aurait pu ébranler l'équilibre. Aucune n'a réellement créé le danger. Ni quand Texas Instrument ferme, à la surprise générale, en 2013. Ni quand c'est au tour de Samsung en 2014 ou d'Intel en 2016. En 2019, lorsque Galderma annonce son départ de la technopôle, immédiatement, l'écosystème économique fait front. Et Sophia-Antipolis rebondit encore.

C'est que Sophia-Antipolis a aussi su s'adapter. « Faire preuve de résilience » dit d'ailleurs souvent à son propos, Jean Léonetti, le maire d'Antibes et président de la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis (CASA) qui couvre le périmètre de la technopôle. Car on le sait peu, mais Sophia-Antipolis est posée sur un bout de cinq villes différentes - Antibes, Valbonne, Mougins, Biot, Vallauris - ce qui ne facilite pas toujours la tâche, notamment administrativement parlant - mais qui fait toute la spécificité de ces 2.400 hectares verts.

Pierre Laffitte

Le sénateur Pierre Laffitte au Festival de Cannes

Car si Sophia-Antipolis est reconnue pour être le berceau de la technologie et de l'innovation c'est aussi un parc qui a su conserver son aspect naturel. Ce qui contribue à sa spécificité. D'ailleurs, sa vocation a toujours été de lier économie et écologie... Et une charte est venue encadrer le développement économique, imposant 2/3 d'espaces verts pour 1/3 d'espaces constructibles. Comme quoi, il y a des sujets qui ne sont pas nouveaux...

Création de valeur

Aujourd'hui, Sophia-Antipolis c'est 40.000 salariés, plus de 2.500 entreprises et une jolie diversité entre grands groupes - Amadeus, Cisco, Orange, Huawei.... - PME - Teach on mars, Paragon ID, My Data Models Median Technologies - et startups - Noliju, Trucks Me, Symphony. Ce sont des filières, de la miroélectronique au véhicule autonome - Toyota y a son centre de design, Renault sont centre de R&D sur ce sujet particulier. C'est des incubateurs, le Village by CA en tête, un Business Center qui héberge Telecom Paris Tech et l'Incubateur Paca-Est, une communauté dédiée au numérique, Telecom Valley. C'est le lieu de rayonnement de l'INRIA, du CNRS, de l'école de management Skema Business School. C'est de là aussi que rayonne le pôle de compétitivité Solutions Communicantes Sécurisées. C'est forcément l'un des leviers d'attractivité de la Côte d'Azur en termes d'investissement, Team Côte d'Azur, l'agence de développement économique en sait quelque chose... Symphony, fondée par le cannois David Gurlé à Palo Alto, y est venu installer son centre de R&D voici 3 ans. Regiondo, la solution de réservation en ligne s'y est installé dernièrement.

Libérer les énergies

C'est à Sophia-Antipolis aussi que c'est installé l'Institut 3 IA et la Maison de l'intelligence artificielle. Sophia-Antipolis qui est donc orpheline de celui qui l'a imaginée et qui demeurait très actif, présent autant que possible, sur le terrain. Craint de beaucoup d'acteurs politiques ou économiques. « C'était un monsieur d'une grande intelligence, curieux, ouvert à tout, avec qui on pouvait parler politique et innovation mais aussi foot et plongée », raconte Farouk Raïs, qui fut son attaché parlementaire pendant dix ans, puis à ses côtés au sein de la Fondation Sophia-Antipolis pendant dix autres années. « Je conserve deux expressions de lui, ténacité et libération des énergies. Pour rappel, c'est lui qui a introduit la sociologie à l'Ecole des Mines. Il a construit la réputation internationale de la technopôle et a fait de Sophia-Antipolis, une marque ». Une marque reconnue, souvent plus en dehors du périmètre sophipolitain qu'à Sophia-Antipolis même. Une marque de fabrique, indéniablement.

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