Le 74ème Festival de Cannes, Festival "innovant" ?

Des dates inhabituelles, une fréquentation touristique différente, plus européenne qu’internationale, un Palais des Festivals qui a revu son offre de services… Alors que l’événement phare du septième art enclenche sa quinzaine ce 6 juillet, c’est presque un nouveau modèle que déploie le Festival du Film, pas tant dans le fond que dans la forme. Mais une nouvelle philosophie qui pourrait être bien plus prometteuse qu’il n’y paraît.
(Crédits : DR)

Depuis plus d'un mois, le sommet pointu et reconnaissable entre mille des tentes blanches qui prennent position sur les plages de Cannes est l'un des signes extérieurs qui fait du bien au moral des troupes - économiques, touristiques, événementielles... Tout comme le balai des camions et des structures de montage qui ont retrouvé la Croisette et le Palais des Festivals. Car, ça y est - enfin ! même pourrait-on dire - le Festival de Cannes retrouve son écrin habituel. Ou presque.

Car cette 74ème édition est pleine de nouveautés. Choisies ou subies, elles dessinent néanmoins les contours d'un événement mondial qui a souvent été scruté, qui a appuyé son business modèle sur des partenariats prestigieux - Chopard, Mastercard, Kering, L'Oréal, Renault - et sur un effet glamour qui est, depuis l'origine, sa marque de fabrique.

Au fil des années, le Festival du Film est monté en gamme pourrait-on dire. L'événement s'est starisé, les partenariats cités plus haut ont ajouté du glamour au glamour et de l'exigence à l'exigence. Cannes, durant 15 jours, se transforme totalement et le village mondial cher à son maire David Lisnard, abrite, en quelque sorte un village dans le village. Car c'est - c'était - ça aussi le Festival : comme un quartier à part, qui concentre en quelques jours tout ce que la planète cinéma et événementiel compte de personnes influentes, dans tous les sens du terme (comprendre des stars du grand et petit écran aux influenceurs...)

Un « nouveau » Festival ?

Sauf que la crise sanitaire a bouleversé les règles du jeu. L'édition 2020 sera à jamais absente de l'Histoire et du calendrier et pour cette édition 2021, ce n'est pas en mai mais en juillet que le tapis rouge le plus célèbre du monde pare les marches du Palais des Festivals.

Et si, justement, cette édition « particulière », marquait un changement ?

Touristiquement parlant, c'est une clientèle différente de la clientèle habituelle qui est attendue et cela pour deux raisons majeures. D'abord parce que les conséquences de la crise sanitaire ne favorisent pas le retour d'une clientèle internationale, en tout cas pas à la hauteur de ce que c'était précédemment. Certains ressortissants de certains pays hésitent encore à revenir en Europe et/ou en France. La clientèle américaine - qui est majeure de façon générale pour le tourisme azuréen - ne sera pas aussi présente qu'habituellement. Même si la reprise de la ligne directe New York Nice par La Compagnie le 3 juillet dernier concrétise le retour des Américains sur la Côte d'Azur, (Delta Airlines et Emirates aussi NDLR), un retour qui fait du bien aux professionnels du tourisme de façon générale.

L'impact touristique et l'effet "d'ouverture"

Du côté des professionnels de l'hôtellerie on veut rester positifs même si la fréquentation attendue et les taux de remplissages des établissements hôteliers ne sont, évidemment pas comparables avec ce que l'un et l'autre sont traditionnellement. Ainsi le taux de remplissage s'établit autour de 60% de la capacité, avec une plus forte présence lors de la première semaine, ce qui, pour le coup, est assez habituel comme le souligne Christine Welter, la présidente de l'Union des métiers et de l'industrie hôtelières pour le bassin cannois. « La plus forte présence des touristes se situe du 7 au 11 juillet, du mercredi au dimanche donc, ce qui correspond aux habitudes de fréquentation des précédents Festivals. Ensuite, la fréquentation redescend, avec un plateau qui semble se situer autour de 40% à 50% de taux d'occupation ». Mais comme le dit aussi la présidente de l'UMIH Cannes Hôtels, de nombreuses réservations vont se faire en dernière minute. Il faut dire que le 14 juillet, qui se situe sur la deuxième partie de la quinzaine (le Festival se tenant du 6 au 17 juillet) est aussi de nature à jouer un effet d'attraction, d'autant plus qu'un feu d'artifice sera tiré depuis la baie, en soirée.

Cependant, au-delà de la fréquentation, c'est tout autant le rapport entre le touriste et l'événement qui est intéressante à observer, estime Christine Welter. « Organiser le Festival en juillet permet de mettre un coup de projecteur au propre comme au figuré sur l'événement et sur la destination Cannes. Le message envoyé est de dire que l'on peut venir à Cannes pendant les vacances, alors que d'ordinaire, en se tenant au mois de mai, le Festival ne concerne pas les vacanciers. Cette année, il va être possible de se faire plaisir, de goûter aux plages. Nous n'avons pas la clientèle internationale traditionnelle avec la présence des Anglais, des Américains et des Russes, cela laisse la place aux festivaliers ». Avec pour conséquence donc, de faire de la 74ème édition, un Festival différent, « plus ouvert et moins réservé aux initiés », analyse Christine Welter.

En effet, si les vols internationaux ont repris, la quarantaine obligatoire pour les Anglais lors de leur retour en Grande-Bretagne est dissuasive. La Grèce, en communiquant très tôt et surtout avant la France, sur sa volonté d'accueillir les touristes étrangers à pris une avance non négligeable estime Christine Welter.

Faire la preuve du concept

Ce 74ème Festival est aussi un test très grandeur nature pour le Palais des Festivals lui-même. Après avoir profité de la période d'arrêt forcé pour revoir son business-modèle, le bras armé de la Ville de Cannes en matière d'événementiel redémarre avec la manifestation culturelle et événementielle la plus prestigieuse qui soit. Et si les regards du monde entier se tournent vers Cannes lors de tout Festival du Film, autant dire que ce regard sera encore plus acéré, pointu, curieux et attentif. Pour la SEMEC, la société d'économie mixte qui gère la structure, c'est l'occasion aussi de montrer et de faire savoir au plus grand nombre tout ce qu'elle a peaufiné durant la période de réflexion imposée. Comme le soulignait Jean-Michel Arnaud, son président lors d'un entretien à La Tribune, le Palais a revu sa stratégie et ses axes de développement. « Nous voulions faire en sorte que lorsque la relance sera là, l'offre du Palais soit encore meilleure qu'avant ». Or, c'est notamment avec ses clients les plus importants - dont l'organisation du Festival du Film - que la SEMEC a mené son brainstorming et affûté ses armes. Si elle a tenu à « se barder de toutes les normes » dont l'accréditation GBAC Star Facility, c'est notamment sa conciergerie médicale qu'elle va pouvoir tester grandeur plus que nature. Ce service d'accompagnement médical personnalisé permet en effet aux accrédités des salons professionnels d'avoir accès à une prise en charge médicale complète à toute heure et à tout moment. Un service que le Palais est le premier centre de congrès à déployer dans l'Hexagone. Un service qui a vocation à rassurer, en temps de pandémie pas tout à fait finie et qui pourrait donner des envies à d'autres centres de dupliquer le principe.

Modèle « durable »

Antre du glamour mais pas forcément du durable, la manifestation a très vite compris qu'elle devait être environnement friendly. Ainsi Renault met-elle à disposition une flotte de véhicules électriques qui représente une partie de la flotte totale dédiée aux déplacements des stars. De même, chaque participant au marché du film - l'autre pan du Festival de Cannes - paye-t-il une contribution environnementale afin de compenser sa dépense carbone. D'un montant de 20 euros elle est inclus dans le prix de l'accréditation. Du côté de la production du Festival - c'est-à-dire montage, mobilisation de moyens techniques..., une compensation carbone sera également versée par le Festival. Et quant à être exemplaire et avoir un impact mondial autant faire le maximum. C'est ainsi qu'un comité de scientifiques experts indépendants sélectionnera les programmes de compensation à soutenir pour les éditions à venir.

Au milieu de ces changements qui dessinent un nouveau Festival en quelque sorte, plus en proximité, plus ouvert, plus vert, il y a aussi ce qui ne change pas. C'est-à-dire l'organisation interne, celle du montage. Ce sont 1.500 personnes, comme autant de petites fourmis, qui ont été mobilisées pour le montage de la manifestation au sein du Palais des Festivals. « Mais si on comptabilise ce que chaque hôtel ou plage a mobilisé également, ce sont des milliers de personnes qui s'affairent », précise Christophe Arnould, le directeur des opérations. Car le périmètre du Festival ne change pas. Qu'en sera-t-il des retombées économiques ? Estimées à 200 millions d'euros lors de l'édition 2019, elles concernent les commerces, les professionnels du catering, les fleuristes, les agences de sécurité... autant de TPE PME qui vivent dans l'ombre de l'une des plus grandes manifestations culturelles. Et qui contribuent à son succès, mondial.

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