Nicolas Bouzou : « Tant que la reprise n’est pas installée, il ne faut pas de politique d’austérité »

ENTRETIEN – Alors que la relance fait (déjà) l’objet de plans, la reprise effective de l’économie n’est pas encore une réalité. Mais elle pose bien évidemment des questions, soulève des problématiques et met à jour des talons d’Achille, là même où les efforts doivent porter. Car la reprise se prépare. C’est ce qu’explique l’économiste français, qui dirige le cabinet Asterès, et qui se dit à la fois confiant tout en pointant les trous dans la raquette.
(Crédits : Jacques Witt-Sipa.)

LA TRIBUNE La crise que traverse la France, l'Europe et le monde interroge, notamment en matière d'économie. L'un des sujets qui sera abordé lors des Rencontres de l'Avenir que vous organisez à Saint-Raphaël dans quelques jours pose la question de l'avenir de la politique macro-économique. Quel est votre point de vue ?

NICOLAS BOUZOU - La question est de savoir comment on accompagne la sortie de crise. Nous avons un nouveau game changer, qui s'appelle les Etats-Unis Le plan de relance de Joe Biden, est un plan nouveau, extrêmement puissant. Il y a une volonté de certains pays de sortir de la crise par le sanitaire ou par l'économie, ou les deux. Le plan américain pousse loin les curseurs de l'économie. Il s'agit d'un plan de relance en même temps qu'un plan de soutien aux plus pauvres. A moyen terme, peut-on prévoir un retour de la croissance forte, une croissance durable en France ? Parmi tous les défis, se pose celui de comment améliorer la politique macro-économique et comment la coordonner avec la politique de l'Etat. La crise marque aussi le grand retour de la question sociale. C'est comment fait-on de la relance sociale sans passer par la case socialisme. Il y a un an, nous saluions tous ceux qui étaient en première ligne, soignants, caissières de supermarché... Il faut trouver des mécanismes de répartition pour mieux les rémunérer.

La crise a aussi révélé le rôle des territoires, des élus de proximité. Des élus qui sont aussi à la manœuvre du plan de relance. Une nouvelle décentralisation est-elle souhaitable ?

Il existe un enchevêtrement de compétences, on le voit davantage dans la politique sanitaire que dans la politique économique. Il y a un vrai sujet qui est la subsidiarité inversée, de subsidiarité ascendante. C'est aux collectivités locales de proposer à l'Etat de prendre en charge des compétences qu'elles maîtrisent mieux que lui.

Un autre sujet concerne le libéralisme. Est-il, comme vous l'avez écrit, une philosophie plus qu'une doctrine économique ?

Le libéralisme n'est pas connu. Ce n'est pas une doctrine du puissant, il ne faut pas tout voir d'un point de vue économique. Demander plus de protection, plus d'Etat, c'est très bien mais il faut surtout savoir doser. Il y a toujours cette tendance à vouloir tout réglementer. Le libéralisme ce n'est pas la caricature de ce que l'on en fait en France.

On a beaucoup parlé de la non-opposition entre économie et écologie. Comment faire en sorte qu'écologie, capitalisme et croissance aillent bien ensemble ?

Dans le cadre d'une économie capitaliste, il y a des outils à mettre en place. Comme la taxe carbone par exemple, à laquelle je suis favorable. Il faut continuer à investir dans les technologies de décarbonation. Il faut continuer à investir dans le nucléaire, même s'il y a des projets intéressants comme Iter. On ne peut pas proposer la décroissance comme horizon. La décroissance, c'est comme le confinement pour lutter contre le virus. Il faut produire autrement, mieux. Regardons les vaccins : leur mise au point a été possible en y mettant de l'énergie, de l'intelligence, de l'argent. Si on fait pareil pour le climat, on va trouver des solutions.

Quel est le potentiel de la France dans la dynamique de relance ?

On a bien protégé le potentiel de l'économie. La crise a accéléré la robotisation de l'industrie par exemple. Les innovations étaient là et la crise a accompagné l'incorporation de l'innovation dans les entreprises. De ce point de vue-là, je suis confiant. Mais l'absence de vaccin français est un symptôme. Nous avons encore des problématiques à régler. Tant que la reprise n'est pas installée, il ne faut pas de politique d'austérité. Après une crise telle que celle que nous vivons, il y aura une période de renaissance. Assisterons-nous à un rebond du chômage ? Tout dépend du moment où la reprise interviendra et à quel rythme. La problématique est aussi celle des entreprises qui ne recruteraient pas. La vaccination est une course de vitesse.

Vous publiez prochainement un livre, baptisé Homo Sanitas. Où on se rend compte que la santé est un sujet qui a toujours sous-tendu l'Histoire et l'économie.

Depuis la préhistoire, il y a toujours eu énormément d'innovation dans la santé. La santé est une préoccupation importante chez l'humain. Pour qu'il y ait des progrès il faut des découvertes scientifiques, une industrie puissante qui fasse le lien avec le social. La vaccination contre la Covid-19 le démontre : nous avons la formule mais pas de production assez rapide pour servir la demande. Évidemment, pour investir dans la santé, il faut une économie dynamique et l'inverse est vrai. L'économie est dynamique si la population est en bonne santé. L'économie ne peut pas vivre avec le virus. Cela s'observe tout au long de l'Histoire.

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Commentaires 3
à écrit le 11/03/2021 à 8:26
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Qui est-il ? Un fonctionnaire de l'OCDE. Que propose t-il ? De faire de la relance parce que les français ont épargné comme si l'argent des français était celle de l'État.

à écrit le 05/03/2021 à 11:19
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Que peut faire un soit disant économiste, que de nous proposer une théorie économique pour rentabiliser les conséquences d'un problème? Il est vrai que pour eux, revenir aux causes c'est faire de l'histoire! Et que revenir a la base c'est nier son ut...

à écrit le 04/03/2021 à 18:35
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C'est déjà vachement optimiste de voir une raquette !

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