Pourquoi Masshylia crante l’expertise française sur l’hydrogène vert

Présenté comme le site de production le plus important de l’Hexagone, conçu, développé et exploité conjointement par Engie et Total, c’est sur le site de ce dernier à La Mède, dans le Sud, qu’il doit prendre forme. Les enjeux sont clairs : massifier les usages, répondre aux besoins de décarbonation de l’industrie et surtout pouvoir, demain, dupliquer à plus grande échelle.
(Crédits : DR)

Un électrolyseur de 40 MW capable de produire 5 tonnes d'hydrogène vert grâce à de l'électricité 100 % renouvelable... Un site, La Mède, qui poursuit sa transition énergétique. Deux groupes - Engie et Total - pour le porter. Et des procédés innovants pour gérer, accompagner le tout... Masshylia, par son ampleur et ses promesses, agit comme une sorte d'accélérateur de l'expertise française en termes d'hydrogène vert.

Il a fallu en amont une année de pré-études pour poser, définir les contours, la taille que prendrait le projet. Le choix de La Mède est presque logique. Le site Total, qui a annoncé sa reconversion énergétique en 2015, se positionne comme une plateforme dédiée aux énergies d'avenir. D'ailleurs, il intègre différents plateaux consacrés à la production électrique, aux biocarburants, à l'AdBlue ainsi qu'une plateforme logistique et un centre de formation. Et l'objectif de Masshylia c'est de faire plus que la preuve du concept. L'objectif est bien de tester, de produire et de permettre de dupliquer ailleurs, à plus grande échelle.

Disrupter ce qui est connu

L'un des défis, c'est notamment la gestion de l'intermittence de l'énergie renouvelable produite par les fermes solaires qui « doit permettre de transformer un profil électrique intermittent entrant en un profil plat d'hydrogène renouvelable pour répondre à un processus industriel qui tourne H24 », explique Michèle Azalbert, qui dirige la BU Hydrogène chez Engie.

Car le site provençal va être bourré d'innovations. Dont un système de stockage de grande ampleur qui pourra agir comme un tampon entre la production d'électricité intermittente justement et les besoins d'hydrogène continue.

Autre innovation qui sert de test, cette connexion directe qui doit relier une ferme photovoltaïque installée sur le site de La Mède à l'électrolyseur, sachant que d'habitude c'est le réseau RTE qui est utilisé pour ce type de « raccordement ».

« La première innovation c'est de passer à l'échelle pré-industrielle », pointe pour sa part Adamo Screnci, vice-président de la business unit dédiée à l'hydrogène renouvelable au sein de Total. « Car cela amène plein d'éléments économiques, industriels, structurants... ». La question du modèle économique, c'est aussi ce que souligne Michèle Azalbert, rappelant que « c'est tout un système de management de l'énergie à la fois en amont pour en optimiser son coût, comment on construit cette solution, les différentes briques que l'on va mettre en œuvre, l'électrolyseur, le stockage, le transport et comment on va les dimensionner pour optimiser le coût et in fine offrir une solution fiable et la moins coûteuse possible au client ».

Intégrer les notions de sécurité industrielle

Au-delà des innovations sur le principe même, il y a évidemment la dimension sécuritaire. Et comme le souligne Adamo Screnci, « on sait que 99,9% de l'hydrogène sont utilisés de façon industrielle dont les raffineries » Sauf que d'amener des éléments nouveaux ça veut dire aussi anticiper l'aspect sécuritaire. Des modélisation 3D vont donc être utilisées pour travailler avec les professionnels sur les aspects de fuite ou autre. Avec l'ENSOP, l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, basée à Aix-en-Provence, un pôle d'excellence de sécurité industrielle va être créé. Une initiative essentielle en soi mais qui contribue aussi à l'acceptabilité, comme le précise Olivier Machet, responsable du projet de La Mède pour Engie. « Nous allons travailler la formation et le développement des compétences, c'est fondamental. On ne peut pas exploiter des installations si en face, il n'existe pas le bon niveau de compétences. C'est le début du maillon », ajoute Jean-Michel Diaz, le délégué régional Méditerranée de Total.

Dupliquer, comment ?

« L'ambition est d'avoir des projets de plus en plus grands, potentiellement de l'éolien, de l'hydraulique », indique Adamo Screnci. « Nous voulons pouvoir explorer de nouveaux marchés ».

« On commence à préfigurer les installations de demain, on les développe déjà à une taille industrielle avec une volonté de multiplier par dix et par cent la taille de ces installations », ajoute Michèle Azalbert. Qui dit aussi qu'il n'est pas question de concurrence entre régions - notamment l'Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes - mais de complémentarité.

Évidemment, Masshylia est totalement de nature à placer la France sur l'échiquier européen. « C'est une consolidation de la filière hydrogène française et européenne », reconnaît Olivier Machet. « Nous voulons un projet mature pour accéder à d'autres projets ».

Le calendrier prévoit une construction des installations dès 2022, avec des pré-études finies pour le milieu de l'année en cours et une durée de travaux de 18 à 24 mois ce qui place un début de production pour 2024. Avant, il faudra aussi accéder à des solutions de financement, qui passent par l'Etat bien sûr mais aussi divers guichets européens. Le montant de l'investissement - non dévoilé - se compte selon les deux groupes, en « millions d'euros à trois chiffres ».

Délaissé il y a encore peu, l'hydrogène décarboné est aujourd'hui présenté comme un axe majeur de la réindustrialisation et de la relance en France. Le gouvernement va y consacrer 7 milliards d'euros sur dix ans, dont 2 milliards d'ici à 2022 dans le cadre du plan de relance.

Premier objectif de sa feuille de route : décarboner l'industrie, de loin le premier consommateur d'hydrogène. Quelques 880.000 tonnes d'hydrogène industriel ont ainsi été produites en France en 2020 (pour le raffinage pétrolier ou la fabrication d'engrais chimiques notamment), mais il est encore à 95% issues d'énergies fossiles, selon France Hydrogène.  Pour parvenir à cet objectif, le gouvernement mise sur des sites pilotes afin d'éprouver les solutions, les industrialiser puis les diffuser au sein d'une filière. Une approche dans laquelle s'inscrivent justement les deux groupes français.

Afin de mettre sa partition en musique, le gouvernement vient tout juste de mettre en place un Conseil national de l'hydrogène composé d'une quinzaine d'industriels.

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