Ces tendances stratégiques et de consommation issues de la crise qui vont durer (et ce sont des opportunités)

Rôle croissant et confirmé du digital, connivence avec le consommateur, développement du « fait par toi-même » et des circuits courts. Si la crise a accéléré et fait émerger de nouvelles façons à la fois de s’adresser à son consommateur et de penser sa stratégie, certaines sont bien parties pour s’inscrire durablement, devenant autant d’opportunités que les entreprises doivent savoir saisir. C’est ce que dit l’étude réalisée par Laetitia Faure, CEO d’Urban Sublime, le cabinet de tendances basé à Nice.
(Crédits : DR)

La Tribune - Dans votre étude, vous soulignez la capacité des petites marques à inspirer les grandes marques. En quoi sont-elles inspirantes ?

Laetitia Faure - Les petites marques possèdent deux atouts essentiels selon moi qui sont d'une part la flexibilité, permise notamment par l'absence de grands circuits de décision et d'autre part, par la capacité à créer de la connivence et de la proximité avec le consommateur. Les petites marques sont souvent soumises à des contraintes qui engendrent de la créativité et notamment celle de savoir créer des produits taillés sur mesure pour le client. Dans l'étude, je cite l'exemple de ce pub londonien qui, face à l'impossibilité de recevoir des consommateurs a créé son « Pub in the box », une boîte contenant des bières mais également de snacks, une playlist Spotify, un quizz musical... et la possibilité d'acheter des tickets pour un concert se déroulant post-restrictions. La co-création, la pré-vente... sont de nouveaux modèles qui émergent. 2021 sera l'année où le commerce va être réinventé. On ne va plus parler de rentabilité ou client au m2 mais comment générer du chiffre d'affaires en s'occupant du produit. De nouveaux business-modèles vont apparaitre avec la question centrale de la fidélisation du client.

On assiste depuis le premier confinement à une sorte de nouvelle « transparence » de la part des marques...

Les petites marques par exemple n'ont plus peur de demander à leurs clients de leur faire part de leurs idées, d'indiquer leurs besoins de tel ou tel fournisseur. Les marques n'hésitent plus à poser des questions aux consommateurs, à dire aussi qu'elles rencontrent des difficultés. Le consommateur n'a plus forcément envie du côté wahou mais à davantage envie d'aider les marques qui lui ressemblent.

C'est ce que vous appelez le retour du collectif, lié à la quête de sens...

Les marques ne peuvent plus communiquer comme elles le faisaient auparavant. Aujourd'hui les réseaux sociaux, le contact par mail... changent les paradigmes. Il existe une horizontalisation des rapports entre les marques et les clients. Les marques vont moins produire ou en tout cas prendre en compte des business-modèles plus vertueux. Cerise sur le gâteau, émerge la notion de partage inter-entreprises. Certaines s'allient entre elles pour créer des circuits logistiques afin d'être plus efficaces comme ces librairies qui ont mutualisé leurs livraisons ou Décathlon qui a prêté ses salariés. Cela renforce la notion de partage et du avancer ensemble.

Quels vont être les impacts d'une consommation raisonnée, comment les marques doivent-elles l'inclure dans leurs stratégies ?

Il faut bien avoir conscience que le « raisonné » ne recouvre pas la même signification selon les pays. Une consommation raisonnée, c'est ce dont on parle en ce moment en Europe voire aux Etats-Unis, mais pas forcément sur tous les marchés. Et puis il faut intégrer le fait qu'il y a une différence entre ce que veut le consommateur et ce qu'il fait réellement. L'étude rappelle que 83,7% des consommateurs européens se disent majoritairement désireux de se tourner vers des produits intemporels. Or, n'importe quel consommateur a toujours envie de nouveauté. Il faut donc de la nouveauté dans l'intemporel... Les marques se retrouvent face à une double injonction : générer du chiffre d'affaires tout en ne poussant pas le consommateur à trop consommer... Cela avec pour conséquence de prévoir deux types d'offres lorsque cela est possible : une offre raisonnée et une offre qui soit la même qu'avant en y intégrant des choix un peu plus raisonnés. Sachant que tout ce qui est seconde main ou le « do it yourself » sont des tendances qui s'ancrent durablement, comme on l'a vu à Noël où 47 % des Français ont déclaré faire des cadeaux réalisés par eux-mêmes.

Que devient l'achat plaisir ?

Il va devoir se situer entre l'envie du plaisir et l'injonction de devoir faire attention à ce qui est consommé. Le positif c'est que les entreprises font des efforts et les clients aussi font des efforts.

Le digital a confirmé son importance...

Nous avons clairement assisté à une montée du digital. On a beaucoup dit qu'il fallait que les entreprises se digitalisent et au premier confinement, on a clairement vu celles qui s'étaient digitalisées et celles qui ne l'étaient pas. Avoir une présence en ligne pour vendre, c'est le B A BA. Cela a permis, par ailleurs, le développement de services en plus, tels que le conseil, payant, à distance. C'est une approche du produit différente. Certaines boutiques ont su devenir de vrais espaces en ligne, en intégrant pas uniquement l'achat de produits mais en créant une ambiance, proposant des playlists... Le digital a permis de faire place à une vraie créativité.

Quel est, dans ce contexte, le rôle des réseaux sociaux, alors qu'Instagram par exemple a été le recours communication de nombreuses marques lors du confinement ?

Les réseaux sociaux ont permis de présenter les produits de façon différente. On ne présente plus le produit avec une simple photo détourée mais on recrée l'ambiance de la boutique, le produit est mis en avant sous toutes ses coutures, on explique d'où il vient, on interviewe sa créatrice... Il devient un produit augmenté. Les réseaux sociaux c'est l'un des moyens de garder le lien et la proximité. Finalement le digital que l'on a toujours présenté comme un outil de masse a offert l'opportunité de créer une relation unique entre la marque et son client.

Certaines marques se désengagent des réseaux sociaux. Pourquoi ?

Les réseaux sont aussi des endroits où prolifèrent rapidement des propos haineux. Mais la question qui se pose est celle du contenu posté de la part des marques. 68% des Français estiment que le contenu mis en ligne n'est pas suffisamment intéressant. L'avantage est que l'absence des réseaux sociaux peut ramener le consommateur au magasin. Mais cette absence des réseaux est un luxe qu'il faut être capable de s'offrir.

La réindustrialisation, la souveraineté numérique, industrielle... sont des sujets qui ont émergé dès le premier confinement en mars dernier. Vous rappelez dans votre étude que le Made in France n'est pas à la portée de tous les consommateurs...

Il y a un idéal de Made in France et la réalité. Et cette réalité nous est revenue comme un boomerang. Un produit Made in France est quatre fois plus cher et il est difficile de tout relocaliser. Plus que le Made in France - qui perd un peu le Français, qui sait que ce Made in France recouvre plusieurs Made in France - c'est le micro-local et le « made with us » qui est privilégié par le consommateur. Le Français préfère la valorisation des circuits courts, le régionalisme, le localisme... La recherche de territorialité va être encore plus forte.

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