Hervé Martel – Grand Port maritime : « Marseille-Fos est un agent économique parfois un peu sous-estimé »

Premier port de France et n°3 en Méditerranée, le port de Marseille-Fos est un levier d’attractivité pour le territoire bien sûr, mais aussi plus globalement pour la France. Ses connexions, son positionnement géographique, l’arrivée des câbles sous-marins au pied de la seconde ville de France en font un atout hautement stratégique. S’il la crise a forcément un impact, elle a aussi eu l’avantage de resserrer les liens avec la place portuaire. Reste des sujets d’amélioration constante, dont celui de la relation citoyenne avec la ville et une volonté, créer un smart port, intelligent en tout point.
(Crédits : DR)

La Tribune - Comment le Grand Port Maritime s'adapte-t-il au contexte actuel ?

Hervé Martel - 2020 est clairement une année compliquée. Le port a été impacté, avec une baisse de 15 % sur le trafic en fin d'année, par rapport à 2019. Le transport de marchandises limite la casse, alors que les activités de croisières sont totalement arrêtées. Le trafic vers la Corse se fait peu et il est très ralenti vers le Maghreb. Nous essayons d'accompagner au mieux nos clients, de façon qualitative. Et notamment de les accompagner par des mesures commerciales. Nous allons jusqu'à 50 % de réduction sur les droits de port pour les lignes qui reviennent. Le retour à une certaine normalité va prendre du temps. 2021-2022 sera probablement une période de creux, avec un retour au niveau de 2019, en 2022. Nous espérons un retour à la normale avec un rythme de croissance. Nous attendons avec impatience le redémarrage des croisières et le retour des voyageurs. L'un des conséquences positives est que cette crise a été l'occasion de consolider, de resserrer les liens de la place portuaire.

Vous aviez annoncé en juillet dernier, maintenir les investissements prévus. Qu'en est-il ?

Nous sommes entrés dans cette crise avec une solidité financière qui nous permet de geler les tarifs pour 2021. Nous avons bien évidemment revu notre trajectoire financière. Nous avons réévalué nos prévisions de trafic et donc de recettes. Nous maintenons également le programme d'investissement. Nous en avons les moyens, nous pouvons emprunter un peu plus car le Port est peu endetté. Les fondamentaux sont là. De toute façon, toutes les orientations stratégiques rencontrent les objectifs de financement. Nous nous inscrivons parfaitement dans le plan de relance ou le Green Deal européen. Nous poursuivons le branchement des navires à quai, les travaux sur la gare maritime internationale. Une nouvelle ligne a ouvert cette semaine vers le Maroc (opérée par La Méridionale NDLR). Nous accueillons deux portiques, ils seront opérationnels à Noël. La dynamique d'investissement public/privé se poursuit.

L'un des enjeux se situe dans le numérique. Le Port, qui figure actuellement à la 9ème place, compte entrer dans le top5 des hubs numériques. Que reste-t-il à engager pour atteindre ce classement ?

Un nouveau câble arrive à Marseille. Nous pouvons structurer une offre de six câbles. Une première frange est techniquement prête pour l'année prochaine. Nous sommes en contact avec des opérateurs. Cela pourra se faire avec deux ou trois acteurs dans un premier temps, puis deux autres l'année prochaine. Finalement un datacenter c'est un entrepôt de données... Cela ne diffère pas tant de notre travail quotidien...

Quelle concertation, quel dialogue menez-vous avec les ports concurrents en Europe ?

Au travers de l'association MedPort, nous nous concertons notamment sur des questions environnementales. Mais pas sur le plan commercial. Nous avons eu connaissance des offres agressives du port de Rotterdam, mais il faut aussi avoir connaissance des détails. Nous parlons davantage à nos clients, qu'à nos concurrents et amis. Nous essayons de développer une démarche plus qualitative sur les services. En étant meilleurs, nous pouvons avoir un impact financier sur le qualitatif. Toute la question est de dire, dans trois ans, serons-nous sur les mêmes demandes de desserte ? Le port est un point d'entrée compétitif pour le commerce extérieur de la France. Nous sommes un enjeu pour le territoire. Nous sommes un agent économique parfois un peu sous-estimé.

Le port est notamment une porte facilement ouverte vers l'Afrique...

Avec l'Afrique, il y a deux logiques : celle de la rive sud de la Méditerranée avec l'Algérie et la Tunisie. Aujourd'hui, ça redémarre sur le Maroc, notamment avec l'ouverture de la ligne sur Tanger Med opérée par La Méridionale, pour le fret et les passagers. L'autre logique est celle de l'Afrique de l'ouest, avec une logique de hub et de transbordements.

Le port dispose de bâtiments et de terrains qui accueillent les entreprises. Quelle est votre stratégie globale pour les attirer ? Privilégiez-vous des secteurs en particulier ?

Nous avons un travail de fond à mener sur la préparation des terrains. Dans le sens time to market, de façon à être encore plus compétitifs. Nous travaillons beaucoup sur l'horizon à 20 ans. Nous avançons sur les services portuaires, sur la logistique des conteneurs vides...

Où en est le projet d'installation de Quechen, le spécialiste chinois de la silice verte ?

Quechen a repris contact depuis le mois de janvier. Il n'y a plus d'obstacles, le projet suit son cours.

On évoque beaucoup la ville intelligente, le place du numérique. Quelle est votre vision du smart port ?

Le smart port fait partie de notre stratégie comme pour tous les ports du monde. Cette démarche est à la fois globale et très collaborative. L'initiative Smart Port Challenge, que nous menons avec Aix-Marseille Université et la CCI Aix-Marseille Provence, autour des startups est original et permet d'engager des actions concrètes. Nous travaillons beaucoup sur les solutions environnementales. Nous allons produire 9 MW sur les bassins est de Marseille-Fos. Grâce aux smart grids, on optimise la production et la consommation. 99 % de l'énergie produite sera ainsi consommée localement. Nous voulons engager la même démarche à Fos. Smart et green : même combat.

Le rapport entre le port et la ville est un sujet des villes de demain. Est-ce un sujet aussi à Marseille ?

Il faut travailler sur la relation citoyenne. La relation Ville/port n'a pas toujours été aussi fluide que ce que l'on voudrait. Il faut un port plus citoyen, ce qui rejoint la question de la qualité de l'air. Être smart, ce n'est pas un gadget.

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