Le plan de relance est-il un bon plan ? Pour l'économiste Christian Saint-Etienne, pas de doute, "il fallait exactement faire ce type de plan". Un bon point donc pour le gouvernement, qui - pour poursuivre dans la métaphore scolaire - mériterait, s'il était une copie d'étudiant, un valeureux 16/20 quand "on aurait pu avoir une copie qui ne mérite que 6/20", indique l'auteur de "Le libéralisme stratège contre le reste du monde".
Mais Christian Saint-Etienne tient d'abord à replacer le tout dans son contexte. "En janvier 2020, nous n'étions déjà pas très bien", économiquement parlant s'entend, avec "une désindustrialisation de la France depuis une vingtaine d'années, 3 % de déficit public, 33 points de PIB pour la dépense sociale". Pas tout à fait le cadre idéal pour une croissance. "Nous sommes arrivés dans cette crise très affaiblis, à genoux". Et l'économiste d'ajouter que nous vivons actuellement le "deuxième temps de la valse et que le gouvernement communique très mal sur ce qu'il met en place", étant considéré que le premier temps de cette même valse est ce que le gouvernement a fait pendant la crise, avec là, pour le coup, une communication plutôt claire et limpide. Même si, ledit gouvernement a été "presque trop généreux", mais "que si cela a permis d'éviter l'écroulement"... c'est bien ce qui compte.
Le troisième temps de la valse
Le plan de relance est donc le bon mais il faut s'attendre au troisième temps de la valse, qui devrait prendre place à l'automne et où il va falloir y aller fort sur la reboost économique. Christian Saint-Etienne plaide notamment pour un fort renforcement des fonds propres des entreprises qui de 3 milliards d'euros - c'est ce que comprend le plan de relance - devrait atteindre, pour être efficace, 70 milliards d'euros. "Il va falloir transférer un million de personnes engagées dans des activités qui vont disparaître ou qui vont être restructurées, vers des activités qui sont en bonne santé". Et autant parler formation. "Il va falloir mettre en place des initiatives sur la formation, avec les unions patronales. Si quelqu'un peut former rapidement et bien, c'est bien l'entreprise". Bref, il va falloir laisser du temps au temps et accepter que le "nouveau normal ne sera pas avant 2021-2022".
Un discours qui est doux à l'oreille des entreprises, souvent en manque de compétences et qui pourraient ainsi valoriser leur savoir-faire. Des chefs d'entreprises qui ont "majoritairement le moral. Une grande majorité pense créer des emplois et non en détruire" précise Patrick Martin, le président délégué du Medef. Et de dire aussi que oui, "l'orientation politique de l'offre est la bonne". Mais de rappeler aussi que "la guerre est un art d'exécution". Et que par conséquence, "nous serons attentifs à ce que ce plan de relance se déploie au plus près des territoires". Certes, et il faut s'y attendre, licenciements il y aura, notamment dans des secteurs qui ne brillaient pas par leur bonne santé déjà avant la crise. "Cela va précipiter certaines évolutions. Le télétravail chamboule le modèle économique". Surtout, et parce que l'économie ne peut être pérenne sans flux entrants et sortants, "si on veut relancer la consommation, c'est par l'instauration d'un climat de confiance, pas par des mesures fiscales".
Ne pas créer la confusion
Où on reparle des impôts que même Bruno Le Maire a traité de "stupides" lors de la REF fin août à Paris, ceux qui concernent la taxation de la production. "Cette crise a été révélatrice de la perte de compétitivité de l'industrie française. Il ne faut pas croire que c'est par sadisme que les industriels ont délocaliser leur production, mais par pression subie. 10 milliards d'euros de baisse des impôts de production par an, c'est beaucoup et c''est peu à la fois", explique Patrick Martin. Beaucoup car c'était une demande récurrente du Medef. Peu car c'est à mettre en comparaison avec la moyenne européenne ou même allemande.
Reste les défis à venir. Quid de la loi 3D en préparation ? "La crise a montré que la proximité était un vecteur d'efficacité. Il est nécessaire de renvoyer le pouvoir au plus près du terrain, par la décentralisation ou la déconcentration. Notre crainte, c'est que cela soit une réforme à la française, qui crée la confusion".
Pas en télé-vacances
Plus direct, le président de l'Upe06 s'inquiète et surtout s'insurge sur le risque de reconfinement qui menace, telle une épée de Damoclès au-dessus de la tête des entreprises. "Nous n'avons pas stoppé l'économie pendant deux mois pour repartir en télé-travail", s'énerve Philippe Renaudi. "Durant l'été, personne n'a été en télé-vacances. Il faut durcir le ton sur les mesures sanitaires". Sinon le new normal pourrait bien ne pas voir le jour de sitôt...
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