Le Grab, quarante ans de recherche au service de l’agriculture biologique

A Avignon, le Groupe de recherche en agriculture biologique associe agriculteurs et chercheurs pour améliorer les connaissances et rendre plus résilientes les exploitations bio. Quarante ans après sa création, le bio s’est généralisé et concerne un grand nombre d’acteurs, mais beaucoup reste à faire …
(Crédits : DR)

Créé en 1979 par un chercheur de l'Inserm et un groupe d'agriculteurs, le Grab s'intéresse d'abord à la qualité des aliments bio. La démarche intéresse les producteurs mais pour eux, l'urgence est plutôt de gérer le quotidien. "A l'époque, on pouvait perdre jusqu'à 80 % d'une récolte de pomme" explique Vianney Le Pichon, directeur du Grab. Le groupe de recherche réajuste ses ambitions et se tourne vers l'amélioration des techniques de l'agriculture biologique pour la production de fruits et légumes et pour la viticulture.

Chercheurs et agriculteurs main dans la main

Une science faite pour et avec les agriculteurs, c'est ce qui fait l'originalité du Grab en plus de son positionnement 100 % bio. Ainsi, les expérimentations sont menées sur ses terrains propres mais aussi dans les exploitations de producteurs partenaires, en Provence-Alpes Côte d'Azur, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes. Au total, 25 stations d'expérimentation font de la recherche autour de la culture de fruits et légumes. "Cette association entre agriculteurs et chercheurs permet de faire à la fois une recherche analytique où l'on ne fait varier qu'un facteur à la fois et des expérimentations qui intéressent directement les producteurs". Celles-ci peuvent consister à évaluer des écosystèmes dans leur globalité et à les comparer. Parmi ces écosystèmes : la ferme pilote de la Durette, dans le Vaucluse, gérée par des agriculteurs. "Il s'agit d'un système basé sur l'association de fruits et légumes sur une même parcelle". Sur la culture, les plants de légumes sont séparés par des rangées d'arbres fruitiers afin de bénéficier de la complémentarité entre eux. "Les légumes ont des racines courtes contrairement aux arbres fruitiers. Les racines longues récupèrent les fertilisants que les légumes n'ont pas absorbés". Un environnement diversifié qui attire oiseaux et insectes et aide à lutter contre certains nuisibles. "Cela crée une complexité qu'il faut gérer. Il y a de nombreuses questions techniques à résoudre". Des questions autour de la gestion de l'eau, vergers et cultures maraîchères n'ayant pas les mêmes besoins, mais aussi autour de l'organisation du travail, la viabilité économique étant un champ d'investigation pour le Grab.

Ses connaissances, le Grab souhaite les diffuser le plus largement possible. Son nouveau site web - lancé d'ici quelques jours - doit ainsi permettre "une immersion dans la recherche bio". Pourront en bénéficier les adhérents de l'association mais aussi tout un chacun, d'autant que le bio intéresse un grand nombre d'acteurs. "Désormais, tout le monde fait du bio", au moins partiellement.

Pour se financer, le Grab toque à toutes les portes : régionales, nationales et européennes. Il s'appuie sur une vaste toile de partenaires dans le cadre d'appels à projets. "Sur 40 à 50 projets menés chaque année, deux tiers se font avec des partenaires". Parmi eux, l'Institut national de la recherche agronomique, les chambres d'agriculture ou encore des universités. De ces appels à projet naissent de nouveaux sujets de recherche. Mais pour les années à venir, le Grab en a défini une petite vingtaine - encore confidentiels -sur lesquels il souhaite avancer. Sur la méthode, il veut continuer à travailler comme il le fait, de manière analytique, pratique, et souhaite développer la recherche participative, avec une implication accrue des agriculteurs dans le protocole de recherche. "Il faut panacher ces méthodes. On ne peut pas tout faire chez les agriculteurs. Nous avons une station à Avignon pour les essais lourds et risqués".

Rechercher quels systèmes sont les plus résilients

C'est ce mélange qui doit permettre de répondre à la question suivante : quels sont les systèmes idéaux, ceux qui sont les plus résilients ? Un enjeu vital à l'heure du dérèglement climatique. Une des pistes pourrait être de créer une plus grande diversité dans les exploitations, à l'image de ces terres partagées dans le temps entre éleveurs et maraîchers, l'activité des uns vitalisant ensuite à celle des autres. D'autant que si la région offre beaucoup de fruits et légumes, elle manque d'élevage et de céréales.

"A Marseille et Avignon, les collectivités ont mis en place des projets alimentaires territoriaux qui réfléchissent sur la manière d'alimenter le territoire en favorisant les circuits courts. C'est l'occasion de poser des lignes directrices pour rediversifier notre production".

Des politiques locales qui pourraient aider la France à rattraper son retard en agriculture biologique. "La France est un pays très agricole et très structuré qui a du mal à changer ses pratiques. Il y a des résistances. Résultat : nous sommes parmi les mauvais élèves européens". Même si, nuance Vianney Le Pichon : "la perception de l'agriculture conventionnelle sur le bio a évolué ces vingt dernières années". Et si la donne a quelque peu changé, c'est surtout, selon lui, grâce aux consommateurs, en particulier depuis la crise de la vache folle dans les années 1990. "Maintenant, même les plus réticents se rendent compte que l'agriculture conventionnelle est une impasse agronomiquement". Le Grab a donc encore plus de place pour faire entendre sa voie, convaincu que "le bio peut nourrir le monde".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.