Comment, malaimée des investisseurs, la Wine Tech passe à l'offensive

La digitalisation du secteur vinicole, pourtant très utile au consommateur, peine pourtant à trouver monnaie sonnante et trébuchante auprès des acteurs du financement. En cause, l'image liée au vin, peu perçue comme positive. De quoi freiner l'essor d'une filière où la France excelle – et exporte –, alors qu'il est question de stratégie à l'échelle mondiale. Ce qui pousse les startups concernées, dont la marseillaise Twil, à se structurer.
(Crédits : DR)

La France, pays de la gastronomie, est-elle en train de tourner le dos à une filière qui a pourtant bien besoin de soutien ? C'est la crainte - et presque le constat - des startups vinicoles, ces jeunes pousses qui se sont engouffrées dans la digitalisation d'un secteur qui porte haut - et à l'international - l'image de la France.

Jusqu'alors rassemblées sans vraie structure officielle, ces jeunes entreprises innovantes ont décidé de passer à l'offensive en étant désormais organisées sous le statut d'association loi 1901. Une façon d'envoyer un message à l'écosystème, un peu de double façon : pour dire aux autres winetech que le mouvement est désormais en ordre de marche et non plus dispersé et aux acteurs du financement que c'est maintenant une et indivisible que la filière se présente.

Car les enjeux sont réels et structurants. Bien qu'axées tech, puisqu'elle digitalisent le secteur, les jeunes pousses sont davantage perçues comme faisant partie de la viticulture que comme entreprises tech par elles-mêmes. Or la Wine Tech est tout aussi technologique que la finance ou la santé. Et pour bien appuyer sur le sujet, c'est Laurent David qui a été nommé président du mouvement. Fondateur de Wine Angels, qui comme son nom l'indique regroupe des investisseurs, et bien que vigneron, il bénéficie surtout d'un passé très technologique et innovant, étant l'ancien directeur d'Apple Europe. Avec un profil plus techno qu'homme du sérail, le nouveau président du mouvement a aussi désormais une équipe pour contribuer à secouer le cocotier.

Ne pas limiter l'innovation

Parmi les startups engagées, on retrouve Twil, qui se veut le Shazam du vin, née à Paris mais désormais implantée à Marseille et dirigée par Erwann de Barry. Un enfant de la balle, tombé dans la marmite de la viticulture par atavisme familial et qui fait désormais partie du conseil d'administration de la Wine Tech en représentant le collège Distribution, aux côtés des trois autres collèges que sont la production, l'expérience (comprendre ce qui regroupe les services de recommandation, économie collaborative ou œnotourisme...) et les usages. "Chaque collège correspond aux filières sur lesquelles la Wine Tech travaille", explique l'entrepreneur marseillais.

Et au chapitre des combats, il y en a deux majeurs. Dont le premier est lié à la loi Evin, qui "risque de nous exclure de la révolution food et tech". Le second étant lié au financement, sujet ô combien prégnant pour les jeunes pousses. "La filière wine tech a du mal à lever des fonds, autant de la part des VC que des institutionnels", souligne Erwann de Barry. Car le "vin n'a pas bonne presse, ce n'est pas un sujet sur lequel il est facile de communiquer. Cela représente une vraie difficulté".

Ce qui crée bien involontairement certes, mais qui crée tout de même, une distorsion avec les startups... internationales.

Car comme le fait remarquer le fondateur de Twil, au pays de l'Oncle Sam ou ailleurs en Europe, le problème de financement n'existe pas. Et les leaders s'appellent Vivino ou Coravin, toutes les deux... pas français. La première a levé 20 M€ en février 2018. La seconde, originaire de Boston, est très présente à l'international, dont la France. Sa technologie qui permet de goûter au vin sans ouvrir la bouteille lui a ouvert les marchés mondiaux rapidement. "Ce sont des champions à l'international, qui n'ont pas les mêmes problématiques", note Erwann de Barry.

Mais l'enjeu n'est pas tant de se comparer. Il est de pouvoir jouer avec les mêmes règles, si possible. Car les conséquences à terme sont de décourager les jeunes entreprises innovantes. "A moyen terme, le risques est d'appauvrir la filière et de limiter l'innovation", craint le dirigeant de Twil. Et au moment même où un certain Donald Trump menace la filière viticole, cela n'est pas du meilleur effet.

Pourtant la Wine Tech c'est 35 startups et 300 emplois créés. Et un chiffre d'affaires global espéré de 200 M€ pour 2021. Une Wine Tech qui compte susciter davantage l'envie d'investir, annonçant sa volonté de réaliser un tour de table de l'ordre de 200 M€ pour le développement de ses pépites.

La tech en réponse aux problématiques terrain

Cependant, si dire ce qui ne va pas c'est bien, passer à l'action est autant nécessaire. La Wine Tech entend aussi porter la bonne parole auprès des politiques, afin que ces derniers ne diabolisent pas, au travers de la législation, une filière qui est importante pour l'économie française. Mais ce sont surtout les investisseurs, les entreprises et "les acteurs du vin eux-mêmes" que le mouvement veut sensibiliser. "Les plus grandes fortunes françaises ont un pied dans le vin, mais peu se sont réellement tournés vers la Wine Tech" fait remarquer Erwann de Barry. "Il faut les encourager à travailler avec les startups, avec les PME et ETI de demain plutôt que d'aller chercher du service ailleurs". L'innovation qui est de toute façon un soutien aux problématiques très réelles et terre-à-terre des viticulteurs, que ce soit en termes "de traitement des vignobles, de prévention des maladies... Nous vivons avec ces combats". La tech a toute capacité à valoriser l'un des plus grands atouts et capacités export de la France. Et si encadrement il doit y avoir - doit-il y en avoir un ? - autant qu'il soit fait avec... modération.

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