L’artisanat, au cœur de la ville de demain

Facteur de différenciation et créateur d’emploi, l’artisanat suscite l’engouement des villes désireuses de se revitaliser en leur centre, à l’image de Marseille. Plusieurs pistes sont envisagées pour soutenir ce secteur.
(Crédits : DR)

Oubliez l'image poussiéreuse de l'artisan un peu bohème, exerçant en solitaire son métier ancestral sans que rien ne vienne le perturber, pas même les ondes des technologies modernes. E-commerce, marketing sur les réseaux sociaux, design, les artisans ont su s'emparer du numérique. Sur les concepts de vente aussi, ils ne manquent pas de ressources : organisation de portes ouvertes, création de "concept stores" dans lesquels on peut assister à toute la chaine de production jusqu'à la consommation.

Un outil de différenciation pour la ville

Connecté, l'artisanat s'inscrit par nature dans les nouvelles tendances de consommation. "Il répond à des valeurs qui ré-émergent et que les consommateurs veulent se réapproprier : le local, le fait-sur-place, le fait-main, sur-mesure", observe Jean-Luc Herraiz, directeur du pôle économique de la Chambre des métiers et de l'artisanat de la région Sud Provence-Alpes Côte d'Azur.

Si bien qu'il est désormais au cœur du projet de revitalisation de bon nombre de centres villes, y compris à Marseille. "Nous avons envie que l'artisanat ait toute sa place dans le centre-ville", affirme en effet Laure-Agnès Caradec, présidente de l'Agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise (Agam). Et ce pour plusieurs raisons : "ce secteur offre des emplois non délocalisables, [il fournit 18 800 emplois aujourd'hui à Marseille, 51 700 dans la métropole, NDLR], il permet d'offrir des formations et il est totalement compatible avec la ville car ses clients sont essentiellement des citadins". Plus encore, complète Christian Banner, directeur général de l'Agam, "l'artisanat fixe une population dans une ville" en offrant des services de proximité. Il s'agit donc d'un facteur d'attractivité pour les jeunes actifs et les familles que la ville aimerait voir revenir en centre-ville. "L'artisanat peut également apporter une réponse au vieillissement de la population en offrant des services de proximité à des personnes qui ont des difficultés pour se déplacer", met en avant Jean-Luc Herraiz.

De quoi fidéliser les habitants mais aussi les touristes. "Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les objets qui intéressent le touriste, mais plutôt les techniques de création et de fabrication utilisées et le lien direct avec les artisans" observe l'Agence qui constate un développement du tourisme immersif. Une demande à laquelle tente de répondre la Chambre des métiers grâce à sa Route des arts et gourmandises, en partenariat avec l'Office du tourisme. "Le but est que les artisans ouvrent la porte de leur boutique, mais aussi de leurs ateliers. Les gens veulent découvrir cela". Et de citer l'exemple des santonniers, des calissonniers et autre chocolatiers qui font l'identité de la région.

Pour l'heure, l'artisanat représente 15 % des entreprises marseillaises (soit 15 600 établissements) et on observe une hausse de 18 % de l'artisanat créatif entre 2012 et 2017, une croissance conséquente qui s'explique essentiellement par le développement de l'auto-entrepreneuriat. A l'inverse, le salariat est en baisse dans l'ensemble du secteur, avec une perte de 350 emplois entre 2015 et 2017 à Marseille, et de 4 600 à l'échelle de la métropole.

Des artisans à la recherche de commodités

Pour attirer les artisans, l'Agam envisage de créer une Cité de l'artisanat. "Nous sommes en réflexion en ce qui concerne le lieu. Ce serait aux Fabriques [quartier en cours d'élaboration intégré à Euroméditerranée] ou dans les Quartiers Libres [du côté de la Belle de Mai] ». Deux quartiers qui devraient faire la part belle aux artisans.

Mais au-delà de cette perspective encore en ébauche, l'Agam comme la Chambre des métiers militent pour offrir davantage de commodités aux artisans. Il s'agit de repenser la morphologie urbaine : présence de rues piétonnes, d'espaces publics mais aussi une offre de bâti modulable selon les besoins des artisans (possibilité de stocker des matières premières, d'aménager des ateliers, des bureaux ...), et ce, à des loyers raisonnables. Globalement, selon Jean-Luc Herraiz, "il faut développer l'attractivité du centre-ville, pas seulement d'un point de vue commercial, mais aussi en matière de propreté, sécurité. La ville doit être agréable".

Changer le regard sur ces métiers

Autre problématique qui freine le développement de l'artisanat, selon le directeur du pôle économique de la Chambre des métiers : sa difficulté à séduire les jeunes. "Ils y vont plus par défaut. Il y a un vrai souci au niveau de l'orientation : l'Education nationale dissuade les jeunes de se diriger vers les métiers manuels s'ils ne sont pas en échec scolaire". Il n'empêche que l'on assiste à "une vague de retour de personnes qualifiées vers l'artisanat, que ce soit dans l'ébénisterie ou les métiers de bouche. Des personnes qui ont en moyenne 30 ans et ont connu un parcours professionnel brillant". Signe que le regard sur l'apprentissage évolue ? "Il change avec la maturité. Mais ce qu'il faut faire changer, c'est le regard des parents d'élèves". Ainsi, la CMA cherche à promouvoir ces métiers dès le plus jeune âge, avec des interventions dans les collèges, ou, plus tard, auprès des demandeurs d'emploi de moins de 25 ans. Car l'apprentissage, avec un taux d'employabilité est de 80 %, offre des perspectives professionnelles intéressantes, notamment dans l'export tant le savoir-faire français est réputé à l'étranger.

L'innovation dans ce secteur peut également être un moyen d'y attirer les jeunes : "La Chambre des métiers et de l'artisanat accompagne et forme les artisans en design, export, outils numériques. On essaie de faire changer leur regard sur leur métier et de leur montrer que bien souvent, ils innovent sans le savoir ", explique Jean-Luc Herraiz.

Enfin, pour dépoussiérer l'image de l'artisanat, la CMA incite les artisans à mettre en commun leurs moyens de production et leurs compétences au travers de tiers lieux comme des fablabs. "Cela permet de réduire les coûts d'installation et peut être intéressant pour les auto-entrepreneurs qui ont souvent peu de moyens. Aller dans ces lieux offre la possibilité de s'ouvrir, de créer du lien et de sortir le nez du guidon". Mais au-delà de cet aspect pratique, il s'agit de faire la promotion de ces métiers en permettant à d'autres, issus d'autres domaines, de les toucher du doigt, et peut-être, de susciter des vocations.

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