Qui pour sauver GIPTIS ?

Le projet d'institut euro-méditerranéen dédié à la lutte contre les maladies génétiques, prévu pour s'installer à Marseille, se heurte à un rétropédalage de la part de l'AP-HM. Maintenu en suspens, le projet, qui innove notamment par son modèle économique, pourrait être mort-né. A moins d'un miracle. Vivement espéré.
GIPTIS, tel qu'il est prévu pour s'implanter à Marseille.
GIPTIS, tel qu'il est prévu pour s'implanter à Marseille. (Crédits : DR)

C'est le projet qui rassemble tout ce que Marseille compte d'acteurs économiques, du monde de la médecine, du financement et même les politiques. C'est dire son pouvoir fédérateur. Pourtant, bien que semblant bien alignées, les planètes sont déstabilisées par l'attitude de l'une des parties prenantes et non des moindres : l'AP-HM. Une Assistance publique des Hôpitaux de Marseille qui revient sur son engagement - céder le terrain où se situe pour l'heure sa pharmacie, un bâtiment mal en point, plus adapté ni à l'usage ni en terme de logistique. La raison - officielle - avancée est budgétaire. Fortement endettée l'Assistance Publique attend dit-elle que l'Etat valide son plan d'investissement d'un montant de 300 millions d'euros. Et alors elle pourra dit-elle engager une réflexion - très approfondie au vu de l'énumération des études et des expertises qu'elle annonce vouloir mener - sur GIPTIS.

Sauf que l'AP-HM ne découvre pas le projet puisqu'elle s'est engagée notamment en 2015 via un courrier écrit à libérer le terrain de la Timone où se situe actuellement la pharmacie et de trouver pour celle-ci un autre emplacement. Ce qui n'a pas pourtant pas été inclus dans son plan de modernisation. Dès l'automne 2016, l'AP-HM revient sur sa promesse. De leur côté, les fondateurs de l'institut, le professeur Nicolas Levy et Céline Hubert, directrice du projet, essaient d'arrondir les angles, proposent de participer financièrement au nouveau projet de pharmacie à hauteur de 2 millions d'euros. Las, les discussions demeurent au point mort. Le projet aussi.

Modèle économique différent

Pourtant, GIPTIS semble avoir bien bordé ses tenants et ses aboutissants. Notamment via un business modèle qui dit Céline Hubert "allie l'intérêt général du public et l'agilité du privé". Pas un PPP classique donc mais le meilleur des deux mondes en somme, "qui regardent ensemble dans la même direction".

Le business modèle a, lui, été validé par Deloitte. Il prévoit notamment de faire en sorte que la partie immobilière soit confiée aux acteurs de l'immobilier justement pour le financement et la réalisation. Et pour assurer l'autonomie financière, une activité de conseils, de prestations de services, d'accueil de startups est prévue. "Nous avons volontairement surdimensionné nos six plateaux techniques pour accueillir des échantillons de l'extérieur, être rémunérés pour cette activité. Nous voulons développer du conseil, de la prestation technologique". L'autre partie de l'autofinancement passera par le mécénat, un "marché annuel de 3 milliards d'euros en France", souligne Céline Hubert. L'ensemble, c'est-à-dire 100 % des revenus générés, seront réinvestis dans la recherche.

Pour chapeauter le tout, le véhicule juridique choisit est celui de la Fondation reconnue d'utilité publique, la forme la plus adaptée au modèle et à la philosophie de GIPTIS, toujours d'après les études menées par Deloitte.

Levées de fonds

Financièrement, le projet d'institut ne laisse pas indifférents les potentiels financeurs. "55 M€ ont été recherchés auprès d'investisseurs convaincus que nous pouvons casser les codes de l'hôpital" insiste Céline Hubert. Mais surtout, la Banque européenne d'investissement (BEI) a confirmé par écrit que le projet est éligible à un financement issu du plan Juncker. Soit 22 M€ potentiels.

"Un projet moderne de pharmacie à la Timone c'est 0,5 % du budget de l'AP-HM soit une somme de 5 M€ à laquelle nous participons à hauteur de 2 M€. Le refus de l'AP-HM de tenir son engagement peut nous faire perdre 73 M€ de fonds privés", résume Céline Hubert.

Et maintenant ?

Une fois le problème posé, quelle(s) solution(s) ?

L'action de communication menée depuis quelques jours dont une conférence de presse organisée à Paris ce début de semaine avec l'ancien ministre de la santé Jean-François Mattéi a bien évidemment pour but de mettre le sujet sur la place publique. Et de peut-être décider l'AP-HM à tenir la promesse faite et à débloquer ce qui coince.

Un autre emplacement est-il possible ? A priori oui. Sauf que ce que l'on sait moins aussi, c'est qu'initialement GIPTIS devait pendre position sur le périmètre d'Euroméditerranée. Et que c'est l'AP-HM elle-même qui a proposé un site dans son giron, ce qui par ailleurs, semblait mieux adapté pour les malades. Un nouvel emplacement signifie de nouvelles études, un nouveau projet architectural. "400 personnes travaillent sur le projet depuis son démarrage", appuie Céline Hubert. Le bâtiment prévu est signé Jean-Michel Wilmotte, Redman s'occupant de l'ingénierie immobilière. Très impliquée dans le projet, la Caisse des Dépôts suit aussi "depuis le début du projet", dit Richard Curnier, le directeur régional de la CDC. La CDC qui a co-financé les études à hauteur de 100 000 euros. "Nous regarderons le dossier si un changement de lieu doit intervenir", ajoute Richard Curnier.

Car si changement de lieu est décidé, un nouveau projet de bâtiment doit être mené, celui qui est prévu "n'est pas un bâtiment que l'on recase n'importe où", s'agace Céline Hubert. "Il a été pensé en fonction de l'emplacement, très contraint, tout en longueur".

En même temps, "nous avons des demandes venues d'ailleurs", avoue la directrice du projet.

Le dossier de demande de permis de construire est prêt à être déposé. Celui de demande de financement Juncker doit être fait dans les 3 mois. Une sacrée d'épée de Damoclès plane sur GIPTIS. Qui outre les sommes potentiellement engagées, l'énergie des parties prenantes, les 300 chercheurs prévus et les 150 professionnels de santé attendus, les retombées pour le territoire et la filière santé, pénalise avant tout les principaux concernés : les malades souffrant de maladies rares.

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