Aix-Marseille-Provence, quelle métropole à l'horizon 2030 ?

Elle est jeune, riche, belle et son potentiel est identifié comme exceptionnel. Mais tout reste à écrire. Comment éviter les pièges, devenir encore plus attractive, se tourner vraiment à l'international et mériter son titre de deuxième métropole de France ? Aix-Marseille est à l'heure des défis.

Elle est née dans un contexte passionné - finalement, à son image. L'Histoire retiendra que lorsque Jean-Claude Gaudin prend les manettes de la présidence le 17 mars 2016, les « pour » et les « contre » n'ont pas pour autant cessé de s'échanger des noms d'oiseaux. Mais le territoire est ainsi, rien ne laisse indifférent ceux qui le peuplent. Aix la verdoyante et Marseille la maritime doivent désormais faire bon ménage. Pour le meilleur uniquement, si possible. Elle est grande, la métropole : plus de 3.000 km2, plus d'un million d'habitants et pléthore d'atouts, du port aux startups, de l'aéronautique au tourisme, de l'électronique à l'industrie créative... Riche, on vous disait.

Et un potentiel extraordinaire que le climat vient conforter. Voilà pour le portrait sur le papier. Aix-Marseille est un territoire méditerranéen où rien n'est lisse mais où le caractère enflammé peut aussi jouer un rôle catalyseur pour faire bouger ce qui reste trop inerte. Car les pierres d'achoppement ne manquent pas. Grande, la métropole souffre d'une mobilité que l'on qualifiera de contrariée, mal pensée, inadéquate. Diverse, elle possède des filières d'excellence, mais l'économie a besoin de se structurer. Ces deux sujets ont justement fait l'objet chacun d'un « agenda », sorte de calendrier listant les intentions, les besoins et les solutions qui seront proposées, rythmées dans le temps.

Deux façons d'envoyer des messages aux entrepreneurs et acteurs économiques, une sorte de « Je vous ai vraiment compris ». Peut-être parce qu'elle est jeune mais aussi parce que la concertation, la cohésion, le travailler ensemble sont la seule façon de vraiment construire la métropole. À la tête de la Chambre de commerce et d'industrie Marseille Provence (CCIMP) depuis presque un an, Jean-Luc Chauvin insiste : « Il faut chasser en meute, être tous alignés sur les grands enjeux. Nous avons l'obligation de réussir. »

Projections

Ce sont les patrons qui pointent le plus les difficultés. Accès difficile à Marignane, le berceau d'Airbus Helicopters qui y emploie 9.000 personnes, zones d'activités nombreuses mais éparses et pas toujours bien desservies, c'est le constat dressé par Olivier Cazzulo, le dirigeant de Netsytem, société de conseil en management et systèmes d'information basée à Aix-en-Provence. « Il ne faut pas réserver les discussions de développement seulement à Aix et Marseille », prévient-il. Fondateur du site voyageprive. com, Denis Philipon indique que « si je me suis engagé sur le territoire en y créant mon entreprise et en prenant récemment la présidence du club Top 20 [club qui réunit les n° 1 des grandes entreprises, ndlr], c'est bien que je crois au potentiel du territoire. Nous avons des atouts, une richesse, un climat, une géographie et l'émergence d'un écosystème de startups, avec de la solidarité et un patronat engagé. Mais tout cela est à bonifier. Il reste beaucoup de travail. » Et le cofondateur du site d'e-commerce spécialisé dans les voyages d'égrainer les chantiers à engager. Celui de la formation, prioritaire, « de loin le plus important sujet de notre région et qui doit nous projeter non pas à trente mais à cinquante ans ». Puis vient le digital, « nous devons nous mettre sur ce chemin », exhorte-t-il, et pourquoi pas d'ailleurs le lier avec le premier chantier ?

« Nous avons du retard, un tournant, qui n'a pas été négocié, doit être pris ».

Il y a aussi la question de l'énergie, Denis Philipon en est persuadé, « nous pouvons rendre la région autonome. Elle est idéalement placée pour être compétitive. » Autre recommandation, « préempter le territoire ». Tout cela « pour se mettre en mouvement » et faire figurer Aix-Marseille, actuelle 23e métropole d'Europe en PIB, dans les 20 plus performantes. « Il faudrait déjà se poser des objectifs à 2020 », renchérit pour sa part Kevin Polizzi. Le fondateur et président de l'opérateur-hébergeur Jaguar Network estime qu'il faut éviter les doublons, orienter les financements vers les projets adaptés et encourager des porteurs de projets qui soient des entrepreneurs patrimoniaux capables d'accompagner les projets structurants.

« Les trois secteurs où il faut investir, c'est le monde du cloud et du data center avec une orientation big data-smart city, les biotechs et la santé, la transition digitale au service de l'industrie avec la nécessité de guider la transmission d'entreprises. Il faut en effet prendre en compte l'effet papy-boomers. »

Et ne pas tout miser sur les startups mais profiter des « opportunités importantes de créer de grandes industries solides car, au-delà des startups, il faut se concentrer sur les midcaps [entreprises à capitalisation moyenne] ».

Évoquant le bon sens, Fabrice Alimi, le président du Club immobilier et élu consulaire chargé de l'emploi, compte mener des expérimentations sur ce sujet, issues de six mois de réflexion parce que, dit-il, « il faut arrêter de dire que l'on veut jouer collectif, il faut le faire vraiment ».

Un vrai comité stratégique

Entre la volonté affichée des uns - les collectivités - et la demande de résultats quantifiables des autres - les patrons - il existe forcément une équation à trouver. Elle s'appelle sans doute dialogue.

« Les patrons doivent comprendre que les élus ne sont pas des adversaires mais des partenaires. Et à l'inverse, les élus locaux doivent avoir la fibre économique », prône Johan Bencivenga, le président de l'Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (Upe13).

Le patron des patrons provençaux avance aussi que le Comité de gouvernance économique métropolitain [mis en place ce 6 septembre] doit être un vrai comité stratégique.

« Nous avons tous les ingrédients, il faut maintenant les lier entre eux, en finir avec le manque de coordination et de hiérarchisation des projets. Là où il y a de l'emploi, il faut du logement et des transports. Nous, monde économique, devons faire comprendre au monde politique qu'il est indispensable de nous mettre en adéquation. »

Muscler l'international

Parmi les atouts d'Aix-Marseille figure sa position géographique, tournée vers la Méditerranée et ses pays en croissance économique. Un avantage souvent loué mais pas toujours suffisamment utilisé. Même si « elle est la deuxième place diplomatique française et elle est au coeur du Mena [Middle East and North Africa, Afrique du Nord et MoyenOrient] », comme le souligne Jean-Luc Chauvin, il n'en reste pas moins que « vu de l'étranger, nous n'avons pas d'autre choix que d'en faire une grande métropole », estime Olivier Cazzulo. D'autant que les investisseurs regardent vers le bassin aixo-marseillais. Lequel suscite l'intérêt des entreprises étrangères notamment pour y installer leurs centres de R & D, rappelle Kevin Polizzi, qui incite à profiter « du momentum politique actuel pour mettre en place un vrai programme et être capable d'attirer davantage d'entreprises » sur le sol provençal. Et l'inverse est vrai. « Il est encore complexe depuis Aix-Marseille de s'implanter à l'étranger », souligne le président de Jaguar Network.

L'Afrique, axe de développement premier ?

« La métropole doit devenir une capitale euroméditerranéenne à l'instar de ce qu'est Casablanca pour l'Afrique, avec, de surcroît, l'ambition d'être innovante », dit le président de la chambre de commerce, engagé sur le sujet via Africa Link, une plateforme qui permet la mise en réseau, avec l'objectif de favoriser le business entre chefs d'entreprise.

Et qui, de l'autre côté de la Méditerranée doit permettre à Aix-Marseille de ne pas être perçue comme un territoire de carte postale, souligne Zakaria Fahim, président fondateur de Hub Africa, partenaire de la CCIMP et d'Africa Link, désireux de voir la métropole s'appuyer sur la diaspora africaine pour créer des liens. Car « investir en Afrique, ce n'est pas toujours venir s'installer avec femmes et enfants.

Ni partir de zéro. Il est parfois plus intelligent de trouver ici des PME qui constituent des relais de croissance. » D'autant que l'aéronautique, les bâtiments intelligents, l'agroalimentaire et le tourisme sont des filières communes. La relation directe, c'est, selon Laurent Weil, dirigeant de l'agence Blue Dixit et représentant de Hub Africa à Marseille, la meilleure façon d'entreprendre avec l'Afrique.

« Quand les chefs d'entreprise provençaux se déplacent, ça marche. On est dans le régional avant d'être dans l'international », langue et culture communes aidant forcément. Et de citer l'exemple de ce patron parti prospecter au Gabon et qui est revenu un contrat en poche. « Il faut faire place à l'audace. On prend bien facilement un billet d'avion pour Paris. Le même réflexe doit être activé pour l'Afrique. »

Mais d'autres élargissent la focale. « L'enjeu des dix-quinze prochaines années est plus européen que méditerranéen, mais ça ne s'exclut pas », analyse Olivier Cazzulo, craignant que si Aix-Marseille ne devient pas le partenaire naturel de l'Afrique, Lyon pourrait se positionner. Et d'estimer, comme Jean-Luc Chauvin, que si « les Phocéens se sont arrêtés ici 600 ans avant J.-C., c'est qu'il y a tout pour réussir ». Reste, selon le président de la CCIMP, à faire participer Aix-Marseille à la Champion's League des métropoles. Le défi est au moins aussi grand.

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Commentaires 3
à écrit le 14/09/2017 à 18:18
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Et marseille est un boulet pour AIX : l'afrique c'est pour Marseille , pas pour AIX

à écrit le 14/09/2017 à 18:17
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l'afrique c'est pour Marseille , pas pour AIX

à écrit le 14/09/2017 à 16:38
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Marseille est la première ville magrébine et le restera pour toujours.

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