Un nouveau port est né

C?est l?un des principaux messages délivrés à l?occasion d?une table ronde organisée mercredi dernier au sein du très symbolique terminal croisière par l?Union maritime et fluviale (UMF). Toutes les parties prenantes de l?avenir de la plate-forme portuaire avaient été conviées.

Fluctuat net mergitur. Le port de Marseille a connu des heures sombres mais elles appartiennent au passé. "Que le résultat soit satisfaisant, sans doute. Que ce fut simple, non. On a une histoire compliquée à Marseille, avec des blocages parfois pour des principes", ramasse Jean-Claude Terrier, le président du directoire du GPMM, en quelques mots des mois de négociations.


Faut-il encore le rappeler ? Pour rétablir la compétitivité des ports français par rapport à leurs concurrents européens (leur part de marché est passée de 17,8% à 13,9% entre 1989 et 2006), la loi de juillet 2008 a modifié les règles du jeu en réformant globalement l'organisation de 7 ports autonomes, traitant plus de 80 % du trafic maritime marchandises mais dont le tonnage cumulé est inférieur à celui du seul port de Rotterdam. Une des principales dispositions de la loi a été de soustraire à ces établissements publics leur activité d'exploitation pour qu'ils puissent se concentrer sur un rôle d'aménageur. Les personnels portuaires et les outillages devaient donc être transférés au privé, ce qui a suscité d'âpres négociations et mouvements sociaux.

Marseille, dans ce panorama, est atypique dans la mesure où le port est resté majoritaire (66%) dans la filiale Fluxel destinée à gérer les terminaux pétroliers de Fos et Lavera. Une concession arrachée de haute lutte. Sur ce contexte s'est greffée la réforme des retraites avec pour corollaire, la question de la pénibilité du travail, qui est venue compliquer les négociations en cours.


"Les choses rentrent dans l'ordre", semble dire Christian Paschetta, le président de l'UNIM, l'Union nationale des industries de la manutention portuaire, qui rappelle qu'il a fallu 287 réunions pour parvenir à l'accord décisif du 14 mai 2011. "Ce qui est acté : le port est clairement positionné dans son rôle d'aménageur et les entreprises, dans un rôle normal d'opérateurs avec leurs outils et leurs personnels. 650 dockers disposent d'une nouvelle convention collective de branche". En clair, il y a désormais un commandement unique (ce qui n'était pas le cas avec la première réforme de 1993, les portiqueurs restaient sous la tutelle des ports).


En clair également, il ne sera plus possible d'imputer les blocages aux équipements. "Nous sommes aujourd'hui des industriels maîtres de nos portiques et de nos personnels", confirme Georges Chapus, président de la société de manutention Seayard de Fos, pour qui la seule façon de rentabiliser les projets en cours Fos 2XL est de faire revenir les 50% de chargeurs de l'hinterland qui ne transitent pas par Fos.


La société de manutention Intramar (C.A de 49M), asphyxiée par des pertes structurelles lourdes (de l'ordre de 3 à 4 M€) dans un contexte de grèves, a annoncé une recapitalisation à hauteur de 7 M€ et une réorganisation en métiers (le conteneur et le Roro). "Nous allons signer dans quelques jours l'accord avec les dockers définissant une nouvelle organisation du travail : ils travailleront 7 heures par jour et non plus 6, ce qui permet au terminal de fonctionner 21 heures sans ruptures. Nous travaillerons désormais sous la pluie. Nous avons calculé que cela peut représenter pour les armateurs une économie allant jusqu'à 1,5 M€ par an. Enfin, au niveau de la réception clients, il n'y aura plus de coupures entre 12 et 14 heures et la polyvalence entre les terminaux a été généralisée. Cette réorganisation va nous permettre de capter 5 à 6000 mouvements supplémentaires par an", explique Philippe Borel, vice-Président de CMA-CGM, en charge du plan de relance d'Intramar pendant la réforme.

Michel Peronnet, président de Fluxel SAS, a voulu rassurer sur la composition du capital. "Si l'État est majoritaire, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour que les entreprises gardent la maîtrise de la gouvernance et de la décision, selon la majorité des 2/3". À cet égard, il a tenu à rappeler que l'avenir du port était aussi extrêmement lié au contexte de mutation économique que vit actuellement le raffinage français, dont la marge brute de raffinage ne cesse de décroître sous l'effet de nouvelles capacités de production qui émergent au Moyen-Orient et en Asie. Des tensions qui ont entraîné un vaste mouvement de restructuration et se sont manifestées par l'arrêt de la raffinerie de Dunkerque et de Reischtett et une restructuration à Gonfreville.


Maintenant qu'il revient aux opérateurs privés d'assumer les investissements et la formation de leurs personnels, reste la question de la fiabilité du port et de la reconquête des parts de marché perdues. "Depuis 2004, les chargeurs qui utilisent les ports français n'ont connu que des accès de fièvre, déplore Philippe Bonnevie, président de l'AUTF, l'association des usagers du transport de fret. Tous ne sont pas partis mais ceux qui l'ont fait n'ont en tout cas pas l'intention de revenir à court terme. Les clés du redémarrage reposent sur une offre de services de qualité".


Certains restent confiants. Si les mouvements sociaux ont coûté 3 M$ à la société Maersk France, l'un des trois grands opérateurs mondiaux de conteneurs, Franck Dedenis le directeur général France, met en garde contre le désenchantement communicatif. Son homologue chez MSC France, Stephan Snijders, s'est contenté de rappeler que son investissement dans Fos 2XL valait tous les discours. Un souffle d'enthousiasme s'empare enfin du port...


Adeline Descamps

Crédit photo : GPMM

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