Réforme territoriale : André Vallini à Marseille et à Nice pour convaincre

Le secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale était jeudi 12 juin à l'IPAG Business School à Nice pour un débat organisé par Nice Matin avec le député-maire UMP de Nice Christian Estrosi. André Vallini était reçu ce vendredi 13 juin par son collègue PS et président de Région Michel Vauzelle. À quelques jours de la présentation au Conseil des ministres du projet de loi redessinant la carte régionale française.

Michel Vauzelle. À quelques jours de la présentation au Conseil des ministres du projet de loi redessinant la carte régionale française.

36 681 communes, 17 242 intercommunalités, 4 055 cantons, 342 arrondissements, 101 départements, 26 régions, 238 sous-préfectures, une centaine de préfecture et 600 000 élus... C'est cette architecture institutionnelle - dont certains échelons remontent à l'Ancien Régime - qu'est censé rationnaliser André Vallini, nommé secrétaire d'État en charge de la réforme territoriale le 9 avril 2014 par le Premier ministre Manuel Valls. Pas anodin qu'un ministre, élu maire de Tullins en 1986, député à 40 ans, conseiller général et régional en 1992, député en 1997, président du conseil général de l'Isère en 2001, sénateur de l'Isère depuis 2011, s'en alarme aujourd'hui ! À quelques jours de la présentation en conseil des ministres (ce 18 juin) des deux projets de loi constituant le socle de la réforme (carte des 14 régions au lieu de 22, transferts de compétences des départements vers les régions, et renforcement des intercommunalités)*, André Vallini poursuit son tour des régions. Il était à Nice et à Marseille ces derniers jours.

Encore un rapport ?

Le constat est connu. Depuis deux décennies, les rapports concluant à la nécessité de redessiner les contours de l'organisation administrative française se succèdent sans que l'on ne parvienne à en faire quoi que ce soit : Commission Attali, rapport Raffarin-Krattinger, Comité Balladur (auquel a d'ailleurs contribué André Vallini, nommé par Nicolas Sarkozy), rapport de Christian Saint-Étienne et le dernier en date, le rapport Lambert-Malvy.

Pourquoi le gouvernement réussirait-il là où de nombreux prédécesseurs ont échoué ?

En matière de réforme territoriale, les risques politiques sont lourds. Et André Vallini le sait, rappelant en souriant qu'en 1969, le général de Gaulle a quitté la vie politique notamment sur la question de la régionalisation... Cette fois, en plus de la détermination (la nouvelle carte des régions sera discutée en première lecture au mois de juillet dans les deux chambres)*, le ministre parle de nécessité et d'urgence. Et de citer la plupart de nos voisins européens qui ont entrepris voire achevé leur mue. "La France ne peut plus attendre d'autant que la clarification des compétences va permettre des économies de gestion importantes. Aussi les Français la souhaitent massivement et ce soutien sera notre meilleur allié pour vaincre les résistances et surmonter les réticences", nous répond André Vallimi.


La gestion des coûts entre dans le champ lexical politique
Le secrétaire d'État estime que les compétences concurrentes des régions et des départements représentent un budget de 18,1 Md€ de leurs dépenses soit 18 % de leur budget. Et que c'est donc en jouant principalement sur les économies d'échelle et les suppressions de doublons que se logeraient les gains. Les économies de gestion liées à une clarification de leurs compétences pourraient s'appliquer "à toutes les dépenses des fonctions support (achats et charges externes, ressources humaines, services généraux, maintenance de la voirie...) et la mutualisation offre en outre plus de capacités de négociation qui se traduit par une baisse des prix lors des appels d'offre." À titre d'exemples, et en citant quelques extraits du rapport Lambert-Malvy, il indique que les groupements d'achats permettraient d'économiser 10 à 15 % du total. Toujours selon le ministre, la stabilisation des effectifs de la fonction publique territoriale (1,9 million) sur les cinq prochaines années permettrait d'économiser près de 5 Md€. En stoppant l'inflation normative (normes réglementaires nouvelles), l'on pourrait jouer sur un budget de 1,85 Md€ (coût pour les collectivités en 2013).


Pourquoi PACA reste inchangée ?

On le sait désormais depuis sa tribune, parue le 2 juin dans la presse quotidienne régionale, que François Hollande veut 14 régions (et non 13 M. Vauzelle !). Provence-Alpes-Côte-d'Azur n'est pas concernée par le redécoupage. Interrogé par nos soins sur la pertinence de ces contours que les milieux économiques locaux auraient aimé voir élargis au Languedoc-Roussillon, André Vallini répond que "la question s'est posée en effet d'une grande région méditerranéenne mais qu'il était plus pertinent de rattacher le Languedoc Roussillon à Midi-Pyrénées car il existait déjà entre elles des liens économiques forts". Pour Michel Vauzelle, la fusion avec Rhône-Alpes était "impensable car elle aurait créer un territoire à l'étirement géographique dangereux et une concurrence suicidaire entre les métropoles". Il ajoute qu'"on vit bien ensemble dans notre région de cinq millions d'habitants. C'est la taille moyenne d'une eurorégion. Elle fédère une communauté de destins, depuis les Hautes-Alpes jusqu'à Nice et aux Bouches-du-Rhône, avec une mentalité de gens du Sud, différente de celle du Sud-Ouest et proche de l'Italie, avec une culture alpine et rhodanienne. Avec aussi deux grandes métropoles très différentes et complémentaires : Nice et Marseille."


Schémas réglementaires prescriptifs
Bien plus importantes que le nouveau dess(e)in territorial, les nouvelles compétences dévolues aux régions : la formation, les collèges, les transports inter-urbains (routiers, fluviaux, aéroportuaires) en plus des liaisons ferroviaire (mais sans les transports urbains, compétences métropolitaines), les ports départementaux et surtout le développement économique local. "On confère aux Régions un vrai pouvoir réglementaire qui s'adosse sur deux schémas essentiels, celui du développement économique et de l'innovation, et celui de l'aménagement et du développement durable. Ils seront tous deux prescriptifs". Les SCOT devront donc y être conformes. Charge à la région, qui doit assurer la cohérence et la vision globale, de déléguer à la métropole certaines compétences pour la gestion des services publics de proximité.

Fiscalité propre ?

Membre du PS, le président de Région, n'en est pas moins inquiet quant à la fiscalité qui lui sera transférée en conséquence (outre celle dont il dispose : les cartes grises). "Quand on transfère des compétences, il faut en faire autant avec les ressources, assure André Vallini, citant le président Hollande : des "moyens financiers propres et dynamiques". Parmi les pistes à l'étude : versement transport (VT), taxe foncière sur les propriétés bâties, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises(CVAE)...

Que deviendront les compétences sociales des départements ?
Les transferts de compétences des départements vers les régions et le renforcement des intercommunalités devraient être examinés au Parlement à partir de l'automne. Sachant que la disparition des départements est programmée en 2021. Transfert du RSA aux grandes métropoles ou à l'État, par le biais des caisses d'allocations familiales ? L'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) aux intercommunalités ? Ré-étatisation des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ? Il n'en fut pas question. D'ici là... l'actuel gouvernement sera peut-être contaminé à son tour par le syndrome du Guépard : "Pourvu que tout bouge pour que rien ne change"**...


A.D

Photo : Le secrétaire d'État en charge de la réforme territoriale, André Vallini, reçu vendredi par le président de Région Michel Vauzelle, quelques jours avant la discussion en conseil des ministres des deux projets de loi réformant l'appareil institutionnel français.

 ©Terzian

* Les régions auront jusqu'au 30 juin 2015 pour soumettre un projet de regroupement au gouvernement, auquel cas, le découpage sera effectué par l'exécutif avant le 31 mars 2016 avec une entrée en vigueur fixée à l'horizon 2017 ; refonte de la carte intercommunale en 2018 et suppression des départements en 2021.

**Jean Petaux, coauteur de Figures et institutions de la vie politique française


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