Pourquoi les villages de marques créent-ils la discorde ?

Le Pôle de la Mode du Muy dans le Var tout comme le Village de marques de Pégomas dans les Alpes-Maritimes sèment la zizanie sur leur territoire respectif, mobilisant élus et commerçants contre des projets jugés ?mortifères? pour le commerce de proximité. Pourtant d'autres, bien plus ambitieux dont l'extension en cours de Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var, n'ont pas déclenché autant de levées de boucliers?Enquête.

Ils ont en commun de vouloir redistribuer l'offre commerciale tout en évitant à certaines villes de n'être que des citées dortoir et d'être condamnés d'emblée par les élus locaux pour le mal occasionné au commerce de proximité. Le Pôle de la Mode au Muy dans le Var comme le Village de marques de Pégomas dans les Alpes-Maritimes ont fait l'objet ces derniers jours d'une levée de boucliers peu commune. Alors qu'il avait été retoqué en Commission Départementale d'Aménagement Commercial (CDAC) par deux fois (en février 2012 puis en janvier 2013), le Pôle de la mode varois a été finalement validé en Commission nationale le 6 juin dernier. Un oui qui n'est pas du goût d'une grande partie des élus varois, Olivier Audibert Troin en tête, le député UMP et président de la communauté d'agglomération dracénoise (CAD), qui a pris la tête de la fronde et organisé une réunion publique contre le projet le 30 juillet dernier, réunissant 300 personnes dont des associations de commerçants. La communauté d'agglomération dracénoise (CAD) ne s'arrête pas là. Elle a tenu ce jour une conférence de presse pour annoncer le lancement d'un blog (https://www.nonaupoledelamode.com) à la disposition des commerçants pour fédérer leur action contre le projet.

Les raisons de l'ire cannoise ?

Soutien inattendu mais bienvenu, la Ville de Cannes annonce le 11 septembre via un communiqué qu'elle vient de déposer un recours en annulation pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État. C'est que la ville de Bernard Brochand s'estime dans la zone de chalandise du Muy. Et un combat n'arrivant jamais seul, elle monte également au créneau contre le Village de Marques que la Ville de Pégomas (située à une dizaine de km) et Kaufman & Broad veulent implanter dans la vallée de la Siagne.

Les raisons du courroux cannois ? Multiples : il manquerait une étude de trafic permettant de mesurer l'impact du projet sur les flux de circulation actuels mais surtout, ces deux projets seraient une réelle menace pesant sur le commerce de proximité et sur les espaces verts et agricoles dans lesquels ils doivent s'insérer. Derrière les oppositions, les enjeux semblent plus vastes. Cannes a beau jouer la carte de la défense de l'environnement - il est vrai que depuis le printemps dernier quatre agriculteurs se sont précisément installés dans la Vallée de la Siagne et qu'un espace de loisirs familial devrait y être lancé dans quelques semaines - et du commerce de centre-ville qui verrait le chaland s'évader commercialement, il n'en demeure pas moins qu'aucune voix n'est venue s'élever contre l'extension de Cap 3 000 ( 35 000 m2 de surface commerciale utile supplémentaire soit le doublement de la surface existante) annoncée au printemps ni même contre un autre projet phare du département, celui qui mène actuellement le groupe Socri qui prévoit à Cagnes-sur-Mer un Polygone Riviera de 75 000 m2 quand le projet varois annonce 21 690 m22 et le projet maralpin 13 820 m2.

Concurrence aux boutiques de luxe cannoises ?
David Lisnard, le premier adjoint de la Ville de Cannes et délégué au développement économique argumente en précisant que Cannes n'a pas été consultée par la CDAC pour ces deux projets. Il n'empêche que Saint-Laurent-du-Var où est installé Cap 3000 comme Cagnes-sur-Mer, distants d'une vingtaine de km, sont tout aussi capables de faire concurrence à la Croisette et à ses boutiques de luxe comme à ces magasins moyen et haut de gamme. Au Muy, il s'agirait certes de boutiques de vêtements haut de gamme, s'appuyant sur le principe des outlet (vente à prix réduits de produits en fin de série ou d'une collection passée). Pas de quoi faire concurrence aux boutiques de luxe cannoises. La crainte est plus vive du côté du collectif DCA Paca présidé par Stéphane Issepi, commerçant à Saint-Raphaël et qui a lui aussi déposé un recours devant le Conseil d'État le 6 août dernier. "On sait très bien que ce qui va être dépensé d'un côté, ne le sera pas de l'autre. Ce sont des endroits où on travaillera 7 jours sur 7. Certains commerçants de Draguignan ont demandé à s'y installer, on leur a retoqué que c'était réservé aux marques".


Réaction de Pégomas ?
Retoqué lui aussi par la CDAC le vendredi 13 septembre dernier, le Village de marques de Pégomas ne devrait pas en rester là. Pour l'heure ni Kaufman & Broad ni le maire de Pégomas n'ont fait part de leur recours. Il faut dire que le calendrier électoral vient quelque peu jouer les trouble-fêtes... Il serait tout de même surprenant que le projet en reste là. Car l'exode commercial des villes et villages de l'arrière-pays cannois est une réalité économique. Grasse notamment attend beaucoup de sa ZAC Martelly (19 600 m2 de surface de plancher dont 8 000 m2 de commerces) pour encourager la consommation sur place. Occupant pour l'heure seul l'espace médiatique, David Lisnard martèle que "cela relève d'un grand sophisme. Ce qu'il faut regarder, c'est la cohérence de l'aménagement du territoire. Ce n'est pas parce que des espaces ont été gâchés à l'Est du département qu'il faut faire pareil à l'Ouest". Aucun calendrier n'a été précisé quant au recours déposé devant le Conseil d'État. Nul doute qu'il sera déterminant pour la suite des opérations.

Laurence Bottero et Charlotte Henry

Repères

Pôle de la Mode (Le Muy) : 21 690 m2 comprenant 100 à 150 boutiques de vêtements et d'accessoires haut de gamme, une université, des ateliers, un palais de la découverte de la mode et du textile et un pôle de jeunes créateurs - investissement annoncé de 110 M€ - création annoncée de 200 emplois directs et indirects - porté par Brand Partners Retail

Village de marques (Pégomas) : 13 820 m2 comprenant 105 boutiques, un hôtel***, un appart -hôtel, 5 à 7 restaurants, 210 logements dont 60 logements sociaux, un bowling, un Office de Tourisme, une Maison des Parfums - investissement annoncé : 171 M€ - création de 670 emplois directs à terme - porté par Kaufman & Broad





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