La SNCM déploie l ? arme politique pour se défendre devant l ? Europe

La compagnie maritime marseillaise ne désarme pas. Elle entend contester la condamnation de Bruxelles qui l'oblige à rembourser une aide publique de 220 millions d'euros. Bataille juridique en perspective autour notamment de la notion de service public. Elle dispose d'un délai de deux mois et dix jours pour déposer un recours en annulation. Première étape : le tribunal de première instance de l'Union européenne.


Le 2 mai 2013, la SNCM avait appris par un simple communiqué de presse émanant de la Commission européenne le remboursement exigé de 220 M€ d'aides publiques jugées "trop" perçues entre 2007 et 2013 au titre de la délégation de service public (DSP) qu'elle assure conjointement avec la CMN. Une décision qui faisait suite à une enquête ouverte par Bruxelles en juin 2007 après avoir été saisie d'une plainte par la concurrente Corsica Ferries. Cette notification ne concerne que le subventionnement du "service complémentaire", c'est-à-dire correspondant au renforcement des lignes pendant les périodes de forte activité, et non le service de base.
Après enquête, Bruxelles a donc jugé que "les compensations reçues n'étaient pas conformes aux règles de l'UE en matière d'aides d'État". Le droit européen interdit en effet toutes aides publiques qui pourraient fausser la libre concurrence au niveau communautaire. En clair, Bruxelles estime que les aides perçues "ne compensent aucun besoin réel de service public" car le "service complémentaire peut être assuré par les seules forces du marché".


Ingérence de l'Europe
La direction SNCM a donc reçu vendredi dernier la décision officielle de Bruxelles, laquelle adresse de ce fait une injonction à l'État français, qui a octroyé l'aide, de récupérer les sommes versées directement auprès du bénéficiaire.
La compagnie marseillaise, qui avait annoncé en mai dernier qu'elle allait faire appel de la décision (le gouvernement français se réservait aussi le droit de contester la décision européenne), a présenté ses arguments de défense ce mercredi 17 juillet, accompagné du cabinet d'avocats qui représente ses intérêts, Lysias Partners, fondé par Jean-Pierre Mignard, spécialiste des questions de droit pénal des personnes et des affaires dont on connaît l'intervention dans des dossiers comme ceux des "écoutes de l'Élysée", de l'attentat du DC-10 d'UTA, du naufrage du pétrolier Érika et autre Clearstream. Outre d'être l'ami de 30 ans de François Hollande et parrain de ses deux fils, il est aussi un des trois membres de la Haute Autorité du PS et à ce titre, le superviseur du déroulement des primaires socialistes à Marseille pour les Municipales."La commission adopte une position très dogmatique sur la concurrence. Elle signifie ainsi qu'il n'y a pas de service public dès lors qu'il y a initiative privée. Cette décision est une grande affaire pour la France et cela dépasse le seul cas de la SNCM en ouvrant le débat de façon plus large sur les notions de service public, de concurrence ainsi que sur la marge d'appréciation des États membres au sein du marché intérieur européen. Ces notions ne sont pas définies en tant que tel dans les traités et en l'occurrence, la commission fait une interprétation restrictive du périmètre de la DSP qui ne serait légitime que dans le cadre de la carence de l'initiative privée. Cela voudrait dire que les hôpitaux ne relèvent pas du service public puisqu'il y a les cliniques", provoque le docteur en droit pénal, précisant au passage que cette décision est contraire à des positions prises précédemment par la même commission, la notion de service public ayant largement évolué dans le droit européen ces dernières années.

Dossier gagnable sans difficultés
Pour l'équipe de juristes, le dossier est donc "gagnable" sans trop de difficultés car il y a une erreur de droit. Pour l'heure, et sans savoir si cette démarche est concertée avec l'État français, la société marseillaise, dont le capital est détenu à 25 % par l'État, va déposer dans un premier temps un recours devant le Tribunal de première instance de l'Union européenne (TPICE). Sachant que cela ne la dispense pas en principe de l'exécution de la décision sauf si est déposée une demande de sursis à exécution. Ce qu'évidemment, pour ne pas avoir à débourser les 220 M€, la SNCM n'exclue pas. Autant dire même qu'elle y pense fortement. Ce qu'elle ne dit pas en revanche, c'est qu'en pratique, ils ne sont accordés qu'à titre exceptionnel. La situation financière de l'entreprise particulièrement délicate sera-t-elle considérée comme telle ? Une fois que le TPICE aura statué, un pourvoi sera toujours possible devant la Cour de justice de l'UE.


Pas une menace pour l'entreprise
Marc Dufour, le président du directoire, pour lequel les voies de recours sont multiples, rappelle "que cette décision ne constitue pas une menace économique mais hypothèque tous les actes de gestion de l'entreprise au quotidien". Il faut rappeler que son entreprise se débat actuellement sur plusieurs fronts avec un avenir qui comporte plusieurs inconnues. Elle attend toujours de savoir si elle va être reconduite pour la future DSP couvrant la période 2014-2024 et si elle disposera des moyens pour financer sa nécessaire adaptation qui passe par un renouvellement de sa flotte et un changement du schéma d'exploitation. Un projet qui exige certes des financements conséquents mais qui est aussi et surtout conditionné à une évolution des pratiques sociales. Elle a rempli la semaine dernière cette condition puisqu'un nouveau pacte social - des accords de productivité imposant une obligation de résultats pour augmenter la productivité de 25 % avec une diminution d'autant de la masse salariale - a été signé par toutes les organisations syndicales de la SNCM (marins et sédentaires) sauf le Syndicat des travailleurs corses (STC), soit entre 80 et 90 % des salariés. Une négociation qualifiée par le président du directoire de "grande première dans cette société depuis 40 ans".


Adeline Descamps

©TT

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