2013 : Cette année là ? Et après ?

Marseille élue à Londres ?Ville européenne de l?année? alors qu?elle termine son année en tant que Capitale européenne de la Culture ! Il ne manquait plus que cette inattendue distinction pour que la cité portuaire, qui continue d?aligner des morts dans ses quartiers Nord, soigne un peu ses pathologies. De quoi alimenter ses batteries en énergies positives pour poser la réflexion sur ?l?après 2013?. Ou comment faire passer la pilule (amère) de la nécessité d?une métropole. Les acteurs économiques s?y emploient.

Tandis qu'elle vit ses dernières heures en tant que Capitale européenne de la Culture, qui de l'aveu général a conféré une visibilité plus fraîche à une ville qui trimballe depuis les années 30 comme un surmoi une image de poste avancé de crime organisé, les débats sur l'Après 2013 (que l'on peut écrire avec une majuscule tant cela devient une marque) se multiplient.  Pour ne pas laisser retomber le soufflé et profiter de la dynamique collective enclenchée en vue de trouver un autre grand marqueur pour le territoire. Et surtout capitaliser sur le principal enseignement tiré du bilan de l'année phare culturelle : un apprentissage à grande échelle au "travailler ensemble".
La semaine économique de la Méditerranée, qui s'est déroulée du 6 au 9 novembre au sein d'un des nouveaux espaces culturels de la ville, la Villa Méditerranée, a consacré une matinée entière (le 6 novembre) à ce sujet - culture, territoire et développement économique - conviant une bonne partie de l'équipe de MP 2013, son président Jacques Pfister, son directeur Jean-François Chougnet et Bertrand Collette, en charge des grands chantiers, mais aussi Bruno Suzarelli, directeur du MuCem. Mardi dernier, le 12 novembre, c'est le Club de la Découverte de Marseille, qui conforme à sa raison d'être de think tank prospectif, s'est penché sur le devenir de la ville après 2013 lors d'une soirée-débat au J1. Pour l'occasion, le cercle présidé par Pierre-Édouard Berger, directeur Méditerranée du groupe de promotion immobilière Bouwfonds, avait invité un représentant de Lille 3000, association qui entretient l'effervescence culturelle après Lille 2004 aux côtés de quatre des partenaires officiels (SMC, EDF, Eiffage et Eurocopter) avec Jean-François Chougnet et Didier Parakian, l'homme qui eut l'idée du pavillon M.


Après 2013, mode d'emploi
Ces débats interviennent alors que Jacques Pfister, grand ordonnateur de l'événement, a produit et remis un topo (non publié), intitulé "Bâtir l'Après 2013 ou comment amplifier le succès de l'année capitale", aux représentants de l'État, des collectivités territoriales, et des institutions membres de l'association MP2013. Tous sont d'ailleurs conviés à réfléchir en vue d'une réunion qui devrait se tenir en fin d'année sous la houlette du préfet de région Michel Cadot.
La problématique intéresse au-delà des sphères régionales puisque le Premier ministre lui-même, Jean-Marc Ayrault, s'est fendu de quelques phrases à ce propos à l'occasion de sa récente venue à Marseille, suggérant l'idée d'une biennale d'art contemporain parmi les futurs culturels envisageables. Et dans une lettre au préfet de Région, en date du 15 février 2013, Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication, balisait la feuille de route : "constituer un appui au projet métropolitain", "mettre en valeur la dimension méditerranéenne", "pérenniser les équipements et leur fonctionnement" et "consolider l'offre culturelle sur l'ensemble du territoire." Et comme un fait exprès à l'heure de bilans chiffrés honorables, Marseille sort grande gagnante de la finale Urbanism awards 2014 de l'Académie d'architecture de Londres, qui la mettait en concurrence en short list avec Istanbul (Turquie) et Malmö (Suède).


La culture comme atout touristique
L'évaluation a été confiée à Eureval, le cabinet lyonnais d'expertise et d'évaluation des politiques publiques, qui devrait rendre son rapport final en début d'année prochaine. Mais mi-octobre, l'événement avait enregistré 7,3 millions de visiteurs dont 3,8 millions d'entrées aux expositions (1,5 million de visiteurs pour le seul MuCem, 500 000 entrées payantes). Les manifestations auraient généré 8 500 retombées presse dont 2 500 pour le week-end inaugural. Au total, la ville afficherait un taux de notoriété de 63 % au niveau national. Parmi les touristes sondés, 33 % auraient l'intention de revenir. Quant aux provinciaux, ils ont répondu à 53 % que MP 2013 avait changé l'image du territoire. Une performance compte tenu de l'absence totale d'une stratégie marketing et tourisme (offre couplée hôtels/expos, tarification attractive et groupée pour les musées...). Et des nombreux couacs au démarrage liés, selon la note de Jacques Pfister, au fait que l'événement a été largement sous-estimé dans la nécessité de séquencer pour entretenir la dynamique sur 365 jours.
La culture était jusqu'à présent sanctuarisée et échappait à la prise des critères économiques. Il faudra désormais l'intégrer comme un élément participant de l'attractivité de la ville, explique en substance Bernard Colette. Et le MuCem (160 M€ d'investissements publics) apparaît à cet égard comme l'"étendard" de la nouvelle attractivité de la ville pour capter des visiteurs étrangers (17 % estimée). "Le MuCem est un musée national à vocation internationale", confirme Bruno Suzarelli, le directeur du nouveau joyau culturel de la ville.
"On a bien conscience que l'on doit notre succès à l'appel d'air. Tout notre travail consiste désormais à fidéliser les publics. Sur le total des visites, près de 20 % étaient des étrangers, et sur le public français, 60 % en provenance du territoire Marseille Provence. Ce n'est pas satisfaisant. Il y aura aussi un enjeu sur les croisiéristes qui ont un peu trop tendance à filer en bus", poursuit-il. La programmation et l'offre du musée, lequel a dormi pendant plus d'une décennie dans les tiroirs des ministères et qui ne serait toujours pas sorti de terre sans le titre, sera déterminante, précise l'inspecteur général de l'administration des affaires culturelles.


Comment transformer un territoire par le biais culturel ?

C'est Thierry Lesieur, coordinateur général de Lille 3000, qui a répondu à cette question à l'occasion du débat initié par le Club de la Découverte. Lille 2004 a aussi métamorphosé l'image de ce territoire qui contrairement à Marseille ne partait pas avec les mêmes atouts (naturels). "Nous avons organisé 2 500 événements, reçu 9 millions de visiteurs, vendu 3 millions de tickets. Ce fut aussi l'ouverture de 12 lieux. Elle a notamment donné naissance aux Maisons Folies de Wazemmes et Moulins, du Prato à Lille, de la Condition Publique à Roubaix". Depuis, la ville du Nord joue les prolongations pour entretenir la dynamique artistique et festive qu'elle a connue en 2004 à travers l'association Lille 3000 avec Bombaysers de Lille (grande exposition consacrée à l'Inde en 2006), Europe XXL (autour de l'Europe de l'Est en 2009), Futurotextiles.... "Ni festival, ni biennale", prévient l'invité lillois. Certains de ses événements ont donné lieu à l'ouverture de nouveaux lieux comme celui du Centre Européen des Textiles Innovants à Tourcoing ou à des réhabilitations comme celle de la Gare Saint Sauveur à Lille ou encore à l'accueil de "têtes d'affiche" comme Emmanuel Perrotin, la star des galeristes français dans des lieux d'exception comme le Tri postal (qui vaut la Piscine à Roubaix). Autre idée à exploiter via les réseaux sociaux : en 2004, ils étaient près de 17 800, résidents en Nord-Pas-de-Calais ou expatriés à travers la planète prêts à apporter leur soutien à Lille 2004. Le statut a été pérennisé en Ambassadeurs Lille 3000.


MP 2013, otage ou levier des débats sur la métropole ?

"Plus on améliorera l'image du territoire, plus on retirera du bénéfice pour l'économie du territoire. Je crains néanmoins que ce soit plus difficile demain. Le défi est plus difficile à révéler car il n'y a plus de cahier des charges de l'Europe ni de calendrier imposé", prévient Emmanuel Barthélémy, président du directoire de la SMC, un des principaux mécènes de l'événement. De la méthode en somme. "Il y a nécessité d'un cadre, d'une impulsion", abonde Gérard Goninet, directeur des sites d'Eurocopter.  Modéliser en quelque sorte le jeu collectif, l'unité de pensée et d'action éprouvé à l'occasion de cet événement pour le mettre au profit de grands projets d'intérêt général. Tout un programme qui conditionne subrepticement et indirectement "l'après 2013" au destin de la métropole : "j'aimerais que l'on me prouve qu'un jeu collectif est possible sur ces terres sans qu'il y ait obligation de l'État. On a tous les ingrédients. Il reste à trouver la bonne orchestration pour valoriser nos atouts. Une ligne identitaire reste à créer", poursuit Emmanuel Barthélémy.
Cela s'appelle du marketing territorial et c'est peut-être un autre levier d'un retournement d'image.


Adeline Descamps

Le Club de la découverte, présidé par Pierre-Édouard Berger, a organisé un débat sur l'après 2013 au J1 à Marseille. 

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