Stéphane Roussel, P-d.g de SFR "Nous sommes leader avec 37 % de PDM dans les Bouches-du-Rhône"

Après Lyon, Montpellier et Paris-La Défense, le deuxième opérateur de télécommunications français a choisi Marseille pour y déployer son réseau mobile de dernière génération, la 4G. L?opérateur, filiale de Vivendi, a fait de la 4G son moteur de développement pour recréer de la valeur et creuser l'écart avec la concurrence low cost. Il a ainsi pris une longueur d?avance y compris sur le leader qui, pour l?heure, réserve son offre aux entreprises dans quelques villes. Toutefois, Orange a prévu de faire des annonces localement cette semaine.


Vous revendiquez à Marseille et sur le département une place de leader historique. Pour autant, vous avez développé Lyon et Montpellier avant. Pourquoi ?

Stéphane Roussel : On est en effet très présent sur la région (SFR Méditerranée couvre les régions Paca, Corse et Languedoc-Roussillon, ndlr) où nous employons plus de 1 000 personnes. Marseille est un centre de gravité important pour SFR. D'ailleurs, le taux de pénétration en mobile est ici de 130 %, bien au-delà de la moyenne nationale. Nous détenons 45 % de parts de marché en mobiles dans les Bouches-du-Rhône. Nous n'avons pas déployé la 4G en premier ici pour des raisons techniques (SFR dispose de 200 sites équipés sur le territoire, ndlr) et non marketing. L'agglomération est à ce jour couverte à 80 % mais le sera totalement d'ici juin. À Lyon, nous avions techniquement la possibilité d'assurer le 100 %.
Non seulement, la 4G nous donne une sacrée longueur d'avance sur les autres opérateurs car nous sommes les seuls a l'avoir arrimée pour tous publics *(Orange n'a lancé la 4G que pour ses clients entreprises dans quelques villes ; Bouygues Telecom attendait d'avoir obtenu le feu vert du gouvernement et du régulateur des télécoms, l'Arcep, pour réutiliser ses fréquences 1800 Mhz avec la technologie 4G, ce qu'il a obtenu ; Free Mobile a juste annoncé la 4G courant 2013 ... ndlr) mais il faut surtout dire à quel point c'est une innovation absolument majeure qui révolutionne la vie numérique de ceux qui l'utilisent, notamment par le gain d'accessibilité aux données. Elle permet notamment de surfer via son téléphone aussi vite si ce n'est plus que depuis un ordinateur relié au Web via une liaison ADSL.


Quels sont les retours du marché dans les villes où vous l'avez déployée ?
S.R. : Cela va au-delà de nos espérances en terme de gigas consommés. Au départ, on pensait qu'elle allait surtout intéresser les geeks. En fait, on s'aperçoit qu'il y a une grande appétence certes de ceux qui consomment beaucoup de vidéos mais aussi de ceux qui ont besoin de rapidité dans l'enregistrement des données. Les entreprises notamment font valoir des gains au niveau de la rapidité et de la quantité. Ils utilisent un nombre de gigas au delà de ce que l'on croyait. En France, 55 % des ventes que nous faisons sont des terminaux équipés 4G. 185 000 ont déjà été vendus depuis le lancement. Avec un écart de satisfaction de 40 points par rapport à la 3G. 78 % de clients nous ont déclarés qu'ils ne reviendraient pas sur la 3G. Alors que le forfait phare est à 29,90 € pour 2 gigas consommés, 23 % des clients dépassent cette consommation. Mais en moyenne, i sont autour de 1,7 giga.

Le succès de la 4G dépend de quels critères techniques ? Au 1er mars, sur les 1 099 sites équipés pour la 4G (en bande 2,6 GHz), l'Agence nationale des fréquences vous en attribuait 334, soit 30,4 % contre 460 pour Orange et 341 pour Bouygues.
S.R. : Les chiffres cités par l'Anf n'est pas le nombre d'antennes allumées mais le potentiel déclaré : ce n'est pas parce que l'on déclare plus d'antennes qu'on en a plus. Les seuls données pertinentes sur le marché, ce sont le nombre de clients qui utilisent la 4G et la couverture de l'offre. Orange doit en avoir 200 au maximum, nous en sommes à des milliers. Orange n'a pas d'offre grand public à ce jour. Nous sommes tout publics. On vend le plus de Smartphones 4G aux clients car nous sommes aujourd'hui les seuls à réellement offrir la technologie. Et l'on a investi dans le déploiement de cette technologie car la stratégie de SFR a toujours été de privilégier l'innovation et la qualité de son réseau.


Et pour les autres villes de la région : Toulon, Nice, Avignon ?
S.R. : Marseille, Toulouse, Lille, et Strasbourg sont prévues au cours du premier semestre 2013. Je ne peux pas vous donner les dates exactes mais Toulon sera lancée au cours du second semestre.


Votre offre évolue vers du premium. C'est votre antidote à l'offre low cost ?
S.R. : En janvier, nous avons clarifié notre positionnement avec deux segments de marché : une offre pour un marché où le prix est le point d'entrée et il bien plus petit qu'on ne le pense : cela concerne 20 % de la clientèle. On l'assume avec "Red" (l'offre entrée de gamme vendue sur le web sans engagement mais sans subvention du téléphone, ndlr) qui a plus d'un million de clients aujourd'hui. Et un autre pour les offres enrichies qui s'adressent à 80 % du marché. Sur ce segment, il n'y a que deux acteurs en mesure d'y répondre : Orange et SFR. Nous avons de l'avance sur Orange avec la 4G, et sur la fibre optique, nous sommes co-investisseurs*.


Qui dit offre enrichie dit options et services payants ?
S.R. : Pour la 4G, vous avez accès à partir de 30 € avec la carte Sim et 40 € si vous avez un terminal subventionné à 2 gigas. Si vous voulez davantage, alors vous pourrez vous engager différemment : on va lancer un forfait qui avec 10 € supplémentaires permettra de consommer plus de 2 gigas par tranche. En gros, 5 euros le giga mais sans engagement.


Pour la fibre optique*, comment vous répartissez-vous les investissements avec Orange ?

S.R. : Orange et SFR ont conclu un accord pour déployer la fibre optique en dehors des très grandes villes et se répartir l'équipement. Pour le territoire Marseille-Provence, c'est SFR, qui est responsable du déploiement et le seul à investir (Stéphane Roussel a signé mercredi 27 mars une convention avec
la Communauté Urbaine de Marseille Provence Métropole (MPM) qui acte le déploiement sur 17 communes concernées soit près de 91 400 logements, ndlr). Cela représente un investissement de 94 M€ sur trois ans.


Et l'on reparle du rachat de SFR. Numericable aurait toujours l'intention de vous racheter et les analystes vous estiment entre 10 et 15 Mds d'euros. Cela vous inspire quels commentaires ?

S.R. : Il y a sans cesse des rumeurs, plus autour de Vivendi globalement que de SFR en particulier (Vivendi privilégierait un recentrage de son activité sur les médias, qui impliquerait un désengagement des télécoms. SFR représente 45% du C.A de Vivendi, ndlr).
Déjà la fourchette est grande : si l'estimation de 15 mds ne me choque pas, celle de 10, en revanche, oui. SFR n'est pas à vendre mais cela ne veut pas dire que ses actifs ne suscitent pas de l'intérêt. Il y a amalgame car Vivendi a annoncé officiellement la mise en vente de GVT et de Maroc Telecom (respectivement, filiales de télécoms brésilienne et marocaine). Je rappelle que malgré le contexte, on vient de mettre beaucoup d'argent sur la table.

Combien d'abonnés avez-vous perdu consécutivement à l'arrivée de Free ?
S.R. : Aucun (la croissance nette du parc d'abonnés mobiles s'est élevée à 109 000 abonnés en 2012 soit 16,563 millions de clients, stable par rapport à fin 2011 ndlr). On a surtout perdu de la valeur. Les prix étaient en baisse et l'arrivée de Free nous a contraints à accélérer le pas de manière artificielle. J'en veux surtout à L'État d'avoir fait entrer un acteur supplémentaire sur le marché au moment où l'industrie trouvait un équilibre. La France va dans le sens inverse de tous les autres pays avec un consumérisme à court terme qui néglige toutes les conséquences. Je pense qu'il a compris cette fois.


Justement, vous avez annoncé un plan de départ volontaire de 856 postes soit 8,5 % du personnel. Combien de personnes concernées en région ?

S.R. : 48 personnes sur la zone méditerranée (paca, LR et Corse pour SFR) car localement, nous avons essentiellement des services client.


Comment voyez-vous les choses à court et moyen terme ?

S.R. : Je suis optimiste à moyen terme mais le secteur va vivre encore deux années difficiles, non pas parce que l'industrie va mal mais en raison du modèle français, unique au monde, à vouloir tout réglementer et ajouter ce dont on n'a pas besoin. L'instabilité de la régulation nourrit un manque de visibilité, très pénalisant pour ceux qui investissent sur les technologies d'avenir. Le modèle est de nouveau dans un bon cycle et avait été artificiellement freiné en France par des raisons qui n'avaient rien à voir avec l'industrie elle même. Mais il n'y a plus de raisons désormais pour que l'on ne s'en sorte pas par le haut d'ici deux ans. La 4G est un formidable moteur de développement qui va de nouveau permettre d'investir car le prix devient à peu près raisonnable.


Et ces deux fameuses années à passer ?

S.R : À court terme, cela reste compliqué car les règles ne sont pas claires. On a autorisé Bouygues à utiliser les fréquences 1 800 pour son déploiement de la 4G. Nous avons payé très cher les fréquences 4G en décembre dernier. On change les règles du jeu alors que nous sommes en plein déploiement. C'est fausser l'appel d'offres. Le gouvernement essaie de rattraper une bêtise par une autre. On se réserve le droit d'attaquer auprès du Conseil d'État car il y manifestement un déni de justice au niveau des enchères. Il y a un terme juridique assez joli qui s'appelle l'espérance légitime et elle ne peut pas être bafouée en l'occurrence.

Propos recueillis par Adeline DESCAMPS

© Nedim Imre


Repères : Le chiffre d'affaires de SFR s'est établi à 11,288 Mds € en 2012 (- 7,3 % par rapport à 2011). Le résultat opérationnel ajusté avant amortissements (EBITDA) est de 3,299 Mds € (- 13,2 % par rapport à 2011.Le résultat net ajusté (2,550 Mds €) de Vivendi est en repli de 13,6 % par rapport à 2011, en raison principalement de la baisse de l'EBITA de SFR.

*Selon le cadre fixé par l'autorité des télécoms, l'Arcep, les opérateurs ont jusqu'en 2015 pour initier leurs déploiements, et dès lors qu'ils sont lancés, ils doivent ensuite être bouclés dans les cinq ans. Le but de l'État est de couvrir 100 % des foyers français en fibre optique d'ici à 2025, une couverture estimée à 24 Mds € par l'Arcep. Dans le cadre du grand emprunt, le gouvernement a alloué 2 Mds € pour les infrastructures numériques, dont 750 M€ de subventions réservées aux zones peu denses et 250 millions aux zones les plus reculées.

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