La Provence s ? offre une star à peu de frais

Opération virage numérique. Le groupe La Provence lance une web TV sous le nom de la Provence TV, qui sera diffusée sur un nouveau site web, laProvence-TV.com, créée pour l?occasion. Pour son lancement et drainer du trafic, quelle meilleure tête d?affiche que le rebroussier Bernard Tapie, actuel patron de l?entreprise ?

Il dynamite, il disperse, il ventile... Et ce n'est pas nouveau. Le nouveau trublion du Paf numérique fut, ce mercredi 12 mars à midi, à l'occasion de la présentation de la nouvelle chaîne TV web du groupe La Provence, à la hauteur de sa réputation. Perversité ouatée quand il évoque la nécessaire "migration" numérique et pluri media que le secteur de la presse doit opérer : "L'avenir des médias est dans le numérique. Ceux qui la refusent crèveront et je n'ai pas envie de mourir avec eux." Acuité mordante quand il rappelle qu'un groupe de presse reste une entreprise comme une autre, avec ses réalités économiques, mais que les privilèges, dont jouissent certains corps sociaux, mettent en péril les équilibres : "Je n'ai pas fait de plan social mais une partie de mon capital est partie dans les clauses de cession. J'encaisse et décaisse". Depuis le 8 janvier 2014, GBT (Groupe Bernard Tapie) est actionnaire majoritaire du groupe La Provence avec 80 % des parts. À cette occasion, le nouveau patron a recapitalisé à hauteur de 6 M€. Selon lui, entre 35 et 40 journalistes (soit presque un quart de l'effectif des rédacteurs) auraient fait valoir une clause de cession (dispositif qui permet de quitter volontairement avec indemnités financières à l'occasion d'un changement d'actionnariat), ce qui lui aurait coûté autour de 4 M€.

Manque de psychologie
Il a aussi faire preuve d'un manque de clairvoyance psychologique à l'égard du même corps de métier qu'il aurait pourtant besoin d'associer pour régler la question sociale, condition sine qua non à la concrétisation du nouveau projet d'entreprise dont l'homme d'affaires entend être l'artisan : le grand virage numérique. Passons au-delà des questions d'ordre éthique que ne manquent pas de soulever nos confrères (ingérence dans le contenu du journal), ne répétons pas ce que les médias ont déjà récité ces derniers jours (les nombreux emplois exercés par l'actuel patron de presse). Ne revenons pas non plus sur les relations distordues entre l'homme qui endosse aujourd'hui le costume d'intervieweur et ses invités qu'il a un jour gratifié de ses amabilités épigrammatiques : le grand retour d'un ancien familier sur les terres provençales, sans pourtant connaître ses intentions mais en gageant sur une future source d'ennuis, avait agité le petit monde politique local. "Maintenant que les listes ont été déposées, ils sont rassurés et l'on peut discuter", plaisante-t-il.

La star, c'est lui
Retenons le projet que l'entreprise orchestre depuis le début de l'année avec notamment le lancement du journal Le18.18 sur LaProvence.com avec Olivier Mazerolle (directeur général délégué et directeur de la rédaction). À cet égard, on retrouve les recettes du marketing agressif que l'ancien patron de l'OM avait mis en œuvre quand il allait recruter des stars pour faire les heures glorieuses du club de foot marseillais. Mais la star, cette fois, c'est lui et elle est bénévole ("il ne manquerait plus que de le payer", siffle un perfide dans la salle), n'est pas "travaillée par son ego, n'est pas motivée par son image, mais toute entière dédiée à celle de l'entreprise", se présente-t-il lui même. Et qui peut mieux que Tapie peut en effet drainer, rien que sur son nom, une folle audience ?
À l'heure d'une "grande écoute" (20.45) seront donc rediffusées les 55 minutes d'intimité extraites d'un tête-à-tête réalisé à l'occasion d'un dîner ou d'un déjeuner (où sont conviées une vingtaine de personnes) avec l'un des prétendants à la mairie de Marseille entre le 12 et le 15 mars avec dès ce soir, Patrick Mennucci (PS) ; demain Stéphane Ravier (FN) puis Jean-Claude Gaudin (UMP) et enfin Jean-Marc Coppola (PS) et Pape Diouf (Le Sursaut). Ce dernier rendez-vous est très attendu. Ancien journaliste sportif, ancien agent et ancien président de l'OM, Pape Diouf a côtoyé Bernard Tapie pendant 27 ans, avec lequel il a eu des relations un temps très compliquées. "Tapie de met à table... n'est pas une émission politique, se défend le patron de presse, mais un talk-show filmé dans les conditions du direct." Visiblement pas à "la Ardisson" : "l'idée est de connaître l'homme qui se cache derrière le candidat : leur jeunesse, leurs parcours, leurs valeurs, leurs passions", indique le dossier de presse.

Une affaire de famille
L'émission, conçue par l'un de ses fils Stéphane Tapie, lui vaut d'autres railleries : "donner du business à son fils..." D'autant que le site Internet de son autre fils Laurent (BernardTapie.com) rejoint également le groupe. Bernard Tapie explique qu'il veut apporter toutes les ressources possibles au capital du groupe : LaProvence-tv.com en est une toute comme le site internet de son fils qu'il assure bénéficiaire sans citer de chiffres. Mais en rappelant "qu'il draine plus d'un million d'abonnés, avec des performances incroyables dans le domaine de l'assurance, du téléphone, des crédits, améliorant de manière très significative le pouvoir d'achat de nos adhérents. Ces services seront apportés gratuitement à tous nos abonnés."


SNCM, partenaire exclusif

En tant qu'annonceur de cette première salve de quatre émissions, la SNCM, en exclusif. "Nous sommes partenaire du18.18 depuis un mois. Internet est notre principal canal de ventes en représentant 54 % du total. C'est cohérent commercialement par rapport à notre stratégie digitale : être lisible auprès de ceux qui s'informent sur Internet, explique Pierre Jaumain, le directeur de communication de la SNCM. Cette émission convoque des personnalités qui portent des projets pour la ville de Marseille et tous, chacun à leur façon, ont rappelé que la pérennité de la société devait être assurée. Enfin, on a l'assurance avec Bernard Tapie que l'émission va créer du trafic. En dépit de nos difficultés actuelles, je rappelle que nous sommes une entreprise commerciale qui doit vendre des billets. Quand je mesure l'efficacité du concept au regard de critères commerciaux pour la marque SNCM, tous les objectifs sont atteints". Pour la société, qui ne veut pas communiquer sur son investissement, ce partenariat représente néanmoins 10 % de son budget annuel avec la Provence.

Objectif 400 000 internautes
Avec ses nouveaux projets, le groupe La Provence, qui a accusé un déficit d'exploitation de 2 M€ en 2013, et qui prévoit encore une perte opérationnelle de 2 M€ en 2014, table sur l'équilibre (pour le bilan consolidé groupe) en 2015. Le chiffre d'affaires, de 80 M€ en 2013, est en retrait de 5 % par rapport à l'exercice précédent. Le groupe revendique 644 000 lecteurs /jour, 1 928 714 visiteurs uniques / mois et mise sur un objectif de 400 000 internautes avec ses nouveaux concepts. Reste une interrogation : Bernard Tapie se mettrait-il à table avec constance et dans la durée ? Car, sans lui...

Adeline Descamps
©Franck Pennant

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