Sur un plateau de Valensole en souffrance écologique, l'urgence d'agir collectivement (1/2)

C'est un projet collectif, porté par le Parc naturel régional du Verdon et la Chambre d'agriculture des Alpes-de-Haute-Provence, en partenariat avec la Société du Canal de Provence et la chaire Agrosys (Institut Agro de Montpellier), et à destination des agriculteurs du plateau de Valensole. Un territoire frappé par de nombreux maux : érosion des sols, pollution des nappes, insectes nuisibles, destruction de la biodiversité, et, du point de vue économique, une spécialisation qui a rendu les agriculteurs dépendants de marchés particulièrement fluctuants. Autant de problématiques auxquelles il s'agit de remédier. En s'appuyant tant sur l'intelligence collective que sur les connaissances issues de l'agroécologie.
(Crédits : PNR Verdon)

Nous sommes en 2017. Et sur le plateau de Valensole, l'inquiétude règne.

Sur ce territoire très agricole des Alpes-de-Haute-Provence où l'on cultive beaucoup de blé et de lavandin, cinq points de captage d'eau ont été fermés en raison d'une pollution de l'eau potable. La faute à une molécule, le dichlorobenzamide - aussi appelée BAM -, pourtant interdite depuis vingt ans.

Et l'eau n'est pas la seule malade du territoire. Les sols s'érodent, et deviennent de moins en fertiles. Les cultures de lavandin ont grise mine, d'autant qu'elles sont dévastées par les cicadelles, de petites cigales qui transportent une bactérie nuisible à ces plantes, et contre lesquelles il n'existe pas de solution technique convaincante.

Autant de maux dont la racine remonte à l'après-guerre.

Après guerre, une modernisation agricole source de déséquilibres

« Autrefois, les cultures de blé et de lavandin étaient associés à des arbres, comme les amandiers. On pratiquait aussi l'élevage de moutons. Il s'agissait d'un système complexe et vertueux », explique Sophie Dragon-Darmuzey, chargée du projet Regain au nom du Parc naturel régional du Verdon.

Puis à la fin de la seconde guerre mondiale, cet écosystème est remis en cause au nom de la quête de rendements. On recourt plus intensément aux engrais chimiques et aux pesticides. On mécanise. Et pour que les machines puissent se frayer un chemin dans les parcelles, on les remembre. On arrache les arbres. Tout en réduisant le nombre de cultures pratiquées, allant vers une spécialisation des terres.

La production d'amandes, déjà fragilisée par la concurrence internationale, est ainsi abandonnée. « Cela a eu des conséquences environnementales. La biodiversité a été fragilisée car il y avait moins d'habitats pour les animaux. Les chauves-souris, qui ont besoin d'arbres pour se repérer avec leur systèmes de radars, se sont mises à moins chasser et à moins se reproduire. Le sol, désormais nu une bonne partie de l'année et privé d'arbres, a commencé à s'éroder et à être moins fertile ».

Ce qui n'est pas sans conséquence sur les exploitants, par ailleurs soumis aux aléas du marché sur des cultures dont ils sont de plus en plus dépendants du fait de la spécialisation. « En 2019, le kilo d'huile essentielle de lavandin coûtait 35 euros. Aujourd'hui, on est à 10-12 euros », illustre Charles Roman de la Chambre d'agriculture des Alpes-de-Haute-Provence. S'ajoute à ces fluctuations du marché une forte hausse du prix des intrants, engrais et pesticides. « Leur prix a été multiplié par deux ou trois car leur production est très dépendante du gaz et du pétrole ».

Acteurs de l'environnement, de l'agriculture, de l'eau et de la recherche... et soutien des pouvoirs publics

La situation est préoccupante. Les symptômes sont nombreux et leurs causes sont imbriquées les unes aux autres. Il faut donc un traitement global, prescrit par des acteurs complémentaires, chacun spécialiste de son domaine.

C'est ainsi que naît le projet Regain - une référence au livre éponyme de l'écrivain provençal Jean Giono -, porté par le Parc naturel du Verdon et la Chambre d'agriculture des Alpes-de-Haute-Provence. L'un cherche à préserver l'environnement, l'autre défend l'intérêt des agriculteurs. L'enjeu est d'agir de front sur ces deux enjeux. Avec le soutien d'autres acteurs partenaires.

Parmi eux, la Société du Canal de Provence - qui intervient sur la qualité de l'eau et l'irrigation. Ou encore la chaire Agrosys de l'Institut Agro de Montpellier, qui apporte son expertise en matière de méthodologie pour des études et analyses d'impact les plus pertinentes possibles. « Ce partenariat nous permet aussi d'avoir des liens avec des étudiants au travers de stages et de thèses », explique Sophie Dragon-Darmuzet.

Côté financements, le projet Regain s'appuie en premier lieu sur l'Agence de l'eau - « cela nous a permis de financer deux mi-temps à la Chambre d'agriculture et au Parc du Verdon pour l'animation », précise Sophie Dragon-Darmuzet. Il dispose aussi de financements dans le cadre du programme CASDAR (Compte d'affection Spécial au Développement Agricole et Rural), de l'Ademe, de la Région Sud, puis, de façon moins significative, du Département des Alpes-de-Haute-Provence et, ponctuellement, de la Communauté d'agglomération Durance-Lubéron-Verdon. S'y ajoutent des subventions Natura 2000 pour la biodiversité. Et des aides de la Draaf dans le cadre du plan France Relance.

Autant de soutiens qui ont permis de faire vivre un projet abordant l'agriculture dans toute sa complexité. Selon une approche systémique dans laquelle qualité de l'eau, des sols, biodiversité et résultats économiques sont étroitement liés. Riche d'enseignements sur les ingrédients essentiels à une transition agroécologique réussie.

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